Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet et 29 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION LA MISSION DU PLEIN EVANGILE - LA PORTE OUVERTE CHRETIENNE, dont le siège est Rocade de Zéphir à Cayenne (97300) ; l'ASSOCIATION LA MISSION DU PLEIN EVANGILE - LA PORTE OUVERTE CHRETIENNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 mai 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir partiellement annulé le jugement du 29 mai 2002 du tribunal administratif de Cayenne, a rejeté sa requête tendant à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle reste assujettie au titre des années 1998 et 1999 à raison d'immeubles sis à Cayenne et à Kourou ;
2°) statuant au fond, de lui accorder la décharge des impositions restant en litige au titre de l'immeuble situé à Cayenne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 27 août 1828 concernant le gouvernement de la Guyane française ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l'Etat ;
Vu le décret-loi du 16 janvier 1939 portant institution aux colonies de conseils d'administration des missions religieuses ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Eliane Chemla, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Hemery, avocat de l'ASSOCIATION LA MISSION DU PLEIN EVANGILE - LA PORTE OUVERTE CHRETIENNE,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par l'article 2 du jugement du 29 mai 2002, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté la demande de l'ASSOCIATION LA MISSION DU PLEIN EVANGILE - LA PORTE OUVERTE CHRETIENNE tendant à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle restait assujettie au titre des années 1998 et 1999 à raison d'immeubles sis à Cayenne et à Kourou ; que par un arrêt du 4 mai 2004 la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement en tant qu'il avait omis de statuer sur une partie des impositions contestées, a circonscrit le litige aux sommes restant à la charge de l'association requérante, puis a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions correspondant aux parties litigieuses des immeubles ; que, dans le dernier état de ses conclusions, l'association se pourvoit en cassation contre cet arrêt, en tant qu'il concerne l'immeuble situé à Cayenne ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : ... / 4° Les édifices affectés à l'exercice du culte appartenant à l'Etat, aux départements ou aux communes, ou attribués, en vertu des dispositions de l'article 4 de la loi du 9 décembre 1905, aux associations ou unions prévues par le titre IV de la même loi ainsi que ceux attribués en vertu des dispositions de l'article 112 de la loi du 29 avril 1926 aux associations visées par cet article et ceux acquis ou édifiés par lesdites associations ou unions... ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les associations religieuses ne peuvent être exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties à raison de leurs édifices affectés à l'exercice de culte que si elles relèvent de la loi du 9 décembre 1905 ; que cette loi n'a jamais été rendue applicable en Guyane ; que dès lors l'association requérante, sise en Guyane et qui par suite ne peut prétendre à la qualité d'association cultuelle prévue par le titre IV de la loi du 9 décembre 1905, ne saurait bénéficier de l'exonération dont elle demande l'application ;
Considérant que l'association requérante soutient que cette inapplicabilité qui la prive, pour les biens dont elle est propriétaire, d'une exonération fiscale, crée ainsi une discrimination contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, toutefois, d'une part, le décret-loi du 16 janvier 1939 portant institution aux colonies de conseils d'administration des missions religieuses, introduit en Guyane par un arrêté du 26 août 1939, dispose, dans son article 1er : Dans les colonies et pays de protectorat relevant du ministère des colonies et non placés sous le régime de la séparation des églises et de l'Etat, les missions religieuses pourront, pour les représenter dans les actes de la vie civile, constituer des conseils d'administration ; qu'aux termes de son article 5 : Tous les biens meubles des missions religieuses sont soumis à la législation fiscale locale, ainsi que tous leurs biens immeubles autres que : / a) Ceux servant à l'exercice du culte ; / b) Ceux (constructions et terrains) à usage scolaire ; / c) Ceux constituant des établissements d'assistance médicale ou d'assistance sociale ; que, d'autre part, si l'ordonnance du 7 janvier 1959 portant réforme des impositions perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes a, notamment, substitué la taxe foncière sur les propriétés bâties aux contributions foncières antérieures, l'article 3 de cette ordonnance dispose : Les exemptions permanentes et temporaires applicables en matière de contribution foncière des propriétés bâties et, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties, sont applicables à la taxe foncière prévue à l'alinéa précédent ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le régime fiscal des missions religieuses en matière de biens immeubles issu du décret-loi du 16 janvier 1939, qui reste en vigueur après l'introduction de l'ordonnance du 7 janvier 1959, confère à celles-ci des avantages fiscaux aux moins équivalents à ceux que l'article 1382-4° du code général des impôts confère aux associations cultuelles pour l'exonération de leurs biens et, par suite, ne crée pas de discrimination contraire aux stipulations invoquées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que le motif exposé ci-dessus, tiré de l'inapplicabilité en Guyane de la loi du 9 décembre 1905, qui est d'ordre public et ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Bordeaux, dont il justifie légalement le dispositif ; qu'il suit de là que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties restant à sa charge au titre des années 1998 et 1999 à raison de son immeuble situé à Cayenne ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION LA MISSION DU PLEIN EVANGILE - LA PORTE OUVERTE CHRETIENNE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION LA MISSION DU PLEIN EVANGILE - LA PORTE OUVERTE CHRETIENNE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.