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21/06/2006 | FRANCE | N°271450

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 21 juin 2006, 271450


Vu la requête, enregistrée le 24 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la CONFEDERATION PAYSANNE, dont le siège est 81, avenue de la République à Bagnolet (93170) ; la CONFEDERATION PAYSANNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er juin 2004 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie portant extension d'un accord interprofessionnel conclu dans le cadre du comité interprofessionnel

des palmipèdes à foie gras ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le...

Vu la requête, enregistrée le 24 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la CONFEDERATION PAYSANNE, dont le siège est 81, avenue de la République à Bagnolet (93170) ; la CONFEDERATION PAYSANNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er juin 2004 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie portant extension d'un accord interprofessionnel conclu dans le cadre du comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code rural ;

Vu l'arrêt du 15 juillet 2004 de la Cour de justice des Communautés européennes (C-345/02) ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 632-3 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : « Les accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrative compétente lorsqu'ils tendent, par des contrats-types, des conventions de campagne et des actions communes conformes à l'intérêt général et compatibles avec les règles de la politique agricole commune, à favoriser : / 1° La connaissance de l'offre et de la demande ; / 2° L'adaptation et la régularisation de l'offre ; / 3° La mise en oeuvre, sous le contrôle de l'Etat, de règles de mise en marché, de prix et de conditions de paiement. Cette disposition ne s'applique pas aux produits forestiers ; / 4° La qualité des produits : à cet effet, les accords peuvent notamment prévoir l'élaboration et la mise en oeuvre de disciplines de qualité et de règles de définition, de conditionnement, de transport et de présentation, si nécessaire jusqu'au stade de la vente au détail des produits ; pour les appellations d'origine contrôlées, ces accords peuvent notamment prévoir la mise en oeuvre de procédures de contrôle de la qualité ; / 5° Les relations interprofessionnelles dans le secteur intéressé, notamment par l'établissement de normes techniques et de programmes de recherche appliquée et de développement ; / 6° La promotion du produit sur les marchés intérieur et extérieur ; / 7° Les démarches collectives de leurs membres afin de lutter contre les aléas climatiques » ; que l'article L. 632-6 du même code dispose que « les organisations interprofessionnelles reconnues, mentionnées aux articles L. 632-1 et L. 632-2, sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 et qui, nonobstant leur caractère obligatoire, demeurent des créances de droit privé (...) » ;

Considérant, en premier lieu, que si le syndicat requérant soutient que l'arrêté litigieux, qui a étendu en application des dispositions citées ci-dessus un accord instituant des cotisations dans le cadre de l'organisation interprofessionnelle du foie gras, aurait dû être notifié à la Commission européenne préalablement à son entrée en vigueur conformément au troisième paragraphe de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, les stipulations de cet article ne sont applicables, en vertu de l'article 87 du même traité, que lorsque sont en cause des aides « accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit » ; qu'il est constant que les ressources collectées grâce à la cotisation dont il s'agit, et les actions financées par ces ressources, ne se traduisent par aucune dépense supplémentaire ou atténuation de recettes pour l'Etat, d'autres collectivités publiques ou des personnes agissant pour leur compte ; que, si les actions financées par les cotisations en cause doivent respecter le cadre général défini par les dispositions législatives citées ci-dessus, ces actions sont établies et mises en oeuvre de façon autonome par l'organisation interprofessionnelle percevant la cotisation, sans être soumises à un contrôle autre que de régularité et de conformité à la loi et sans que le produit des cotisations soit jamais mis à la disposition des autorités publiques ; qu'il suit de là que les aides accordées en contrepartie des cotisations interprofessionnelles ne peuvent être regardées comme accordées par l'Etat, ou au moyen de ressources d'Etat au sens des stipulations de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes notamment dans l'arrêt du 15 juillet 2004 visé ci-dessus ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait dû être, préalablement à sa signature, notifié à la Commission européenne doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le syndicat requérant soutient que l'accord étendu par l'arrêté litigieux méconnaîtrait les dispositions du code rural citées ci-dessus, en ce qu'il tend à créer une cotisation interprofessionnelle sans préciser les actions en vue desquelles elle sera prélevée, il résulte des termes de l'article 4 de cet accord que « le produit des cotisations, déduction faite des sommes correspondant à la rémunération des frais de perception et de contrôle, est affecté au financement d'actions contribuant à développer la consommation, à améliorer la production et la qualité des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique » ; qu'ainsi, l'accord en cause répond aux exigences posées aux articles L. 632-3 et L. 632-6 du code rural ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la part significative de la production de foie gras qu'elles représentent et au nombre de leurs adhérents, la Confédération française de l'aviculture et la Fédération nationale des syndicats de producteurs de palmipèdes et foie gras sont, ainsi que l'ont estimé les ministres auteurs de l'arrêté attaqué, au nombre des organisations professionnelles les plus représentatives dans leur branche d'activité ; que la circonstance, à la supposer établie, que la Confédération française de l'aviculture aurait perçu des subventions irrégulières d'un organisme tiers est sans incidence sur l'appréciation qu'il appartenait aux ministres de porter sur sa représentativité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CONFEDERATION PAYSANNE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, dès lors, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la CONFEDERATION PAYSANNE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION PAYSANNE, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 271450
Date de la décision : 21/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

AGRICULTURE - CHASSE ET PÊCHE - INSTITUTIONS AGRICOLES - AUTRES INSTITUTIONS - ORGANISATIONS INTERPROFESSIONNELLES - PRÉLÈVEMENT DE COTISATIONS OBLIGATOIRES RÉSULTANT D'ACCORDS ÉTENDUS (ART - L - 632-3 ET L - 632-4 DU CODE RURAL) - AIDE D'ETAT - ABSENCE - CONDITIONS [RJ1].

03-01-07 Un arrêté étendant, en application des dispositions des articles L. 632-3 et L. 632-4 du code rural, un accord instituant des cotisations dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle agricole n'est pas relatif à des aides « accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit », au sens de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, dès lors que les ressources collectées grâce aux cotisations et les actions financées par ces ressources ne se traduisent par aucune dépense supplémentaire ou atténuation de recettes pour l'Etat, d'autres collectivités publiques ou des personnes agissant pour leur compte et que les actions financées par les cotisations sont établies et mises en oeuvre de façon autonome par l'organisation interprofessionnelle percevant la cotisation, sans être soumises à un contrôle autre que de régularité et de conformité à la loi et sans que le produit des cotisations soit jamais mis à la disposition des autorités publiques. Il n'a donc pas à faire l'objet d'une notification préalable à la Commission en application de l'article 88 du traité.

AGRICULTURE - CHASSE ET PÊCHE - PRODUITS AGRICOLES - GÉNÉRALITÉS - ORGANISATION DES MARCHÉS - ORGANISATIONS INTERPROFESSIONNELLES - PRÉLÈVEMENT DE COTISATIONS OBLIGATOIRES RÉSULTANT D'ACCORDS ÉTENDUS (ART - L - 632-3 ET L - 632-4 DU CODE RURAL) - AIDE D'ETAT - ABSENCE - CONDITIONS [RJ1].

03-05-01-01 Un arrêté étendant, en application des dispositions des articles L. 632-3 et L. 632-4 du code rural, un accord instituant des cotisations dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle agricole n'est pas relatif à des aides « accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit », au sens de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, dès lors que les ressources collectées grâce aux cotisations et les actions financées par ces ressources ne se traduisent par aucune dépense supplémentaire ou atténuation de recettes pour l'Etat, d'autres collectivités publiques ou des personnes agissant pour leur compte et que les actions financées par les cotisations sont établies et mises en oeuvre de façon autonome par l'organisation interprofessionnelle percevant la cotisation, sans être soumises à un contrôle autre que de régularité et de conformité à la loi et sans que le produit des cotisations soit jamais mis à la disposition des autorités publiques. Il n'a donc pas à faire l'objet d'une notification préalable à la Commission en application de l'article 88 du traité.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - DROIT DE LA CONCURRENCE - RÈGLES APPLICABLES AUX ÉTATS (AIDES) - AIDE D'ETAT - ABSENCE - AGRICULTURE - PRODUITS AGRICOLES - ORGANISATION DES MARCHÉS - ORGANISATIONS INTERPROFESSIONNELLES - PRÉLÈVEMENT DE COTISATIONS OBLIGATOIRES RÉSULTANT D'ACCORDS ÉTENDUS (ART - L - 632-3 ET L - 632-4 DU CODE RURAL) - CONDITIONS [RJ1].

15-05-06-02 Un arrêté étendant, en application des dispositions des articles L. 632-3 et L. 632-4 du code rural, un accord instituant des cotisations dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle agricole n'est pas relatif à des aides « accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit », au sens de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, dès lors que les ressources collectées grâce aux cotisations et les actions financées par ces ressources ne se traduisent par aucune dépense supplémentaire ou atténuation de recettes pour l'Etat, d'autres collectivités publiques ou des personnes agissant pour leur compte et que les actions financées par les cotisations sont établies et mises en oeuvre de façon autonome par l'organisation interprofessionnelle percevant la cotisation, sans être soumises à un contrôle autre que de régularité et de conformité à la loi et sans que le produit des cotisations soit jamais mis à la disposition des autorités publiques. Il n'a donc pas à faire l'objet d'une notification préalable à la Commission en application de l'article 88 du traité.


Références :

[RJ1]

Cf. CJCE, 15 juillet 2004, Pearle BV, aff. C-345/02.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2006, n° 271450
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Luc Derepas
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:271450.20060621
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