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21/06/2006 | FRANCE | N°278118

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 21 juin 2006, 278118


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 28 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Joseph A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur requête tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement du 28 novembre 2002 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille, après avoir annulé les décisions des 17 mai, 13 juin et 29 juin 2000 portant exercic

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 28 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Joseph A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur requête tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement du 28 novembre 2002 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille, après avoir annulé les décisions des 17 mai, 13 juin et 29 juin 2000 portant exercice du droit de préemption par la commune de Hazebrouck, a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation de la commune à leur verser une somme de 2 122,60 euros en réparation du préjudice financier qu'ils ont subi du fait de ces décisions, en deuxième lieu, à la condamnation de la commune de Hazebrouck à leur verser la somme de 4 363,82 euros en réparation du préjudice subi et, en troisième lieu, à ce que soit mis à la charge de cette commune le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Hazebrouck le versement de la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. et Mme A et de Me Cossa, avocat de la commune de Hazebrouck,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, que les articles L. 412-1 et suivants du code rural instituent au profit des exploitants preneurs d'un bien rural un droit de préemption sur les biens qu'ils exploitent et qui sont mis en vente par leur propriétaire ; qu'aux termes de l'article L. 412-8 de ce code : « Après avoir été informé par le propriétaire de son intention de vendre, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée, ainsi que, dans l'hypothèse prévue au dernier alinéa du présent article, les nom et domicile de la personne qui se propose d'acquérir. / Cette communication vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus. (...) / Le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'acte d'huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués avec indication des nom et domicile de la personne qui exerce le droit de préemption. Sa réponse doit être parvenue au bailleur dans le délai de deux mois ci-dessus visé, à peine de forclusion, son silence équivalant à une renonciation au droit de préemption. / En cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet. L'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption. (...) » ; que l'article L. 412-4 du même code dispose toutefois que le droit de préemption régi par ces dispositions ne peut être exercé que « s'il n'a été fait usage des droits de préemption établis par les textes en vigueur, notamment au profit de l'Etat, des collectivités publiques et des établissements publics » ;

Considérant, d'autre part, que l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme dispose que toute aliénation d'un bien situé dans une zone soumise, notamment, au droit de préemption urbain « est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée, ou en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix. / (...) Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption » ;

Considérant que, lorsqu'un bien est susceptible de faire l'objet des deux procédures de préemption définies par les dispositions précitées, l'exploitant preneur ne peut être tenu pour responsable du préjudice qu'il subit en raison de l'intervention d'une décision administrative de préemption faisant obstacle à son projet d'achat que si, informé de la date à laquelle la collectivité compétente a reçu la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, il a, sans y être contraint par les délais résultant de l'article L. 412-8 du code rural, engagé des frais d'achat avant l'expiration du délai dans lequel la collectivité peut exercer son droit de préemption ; qu'il ne peut en revanche être tenu pour responsable de son préjudice lorsque les circonstances de l'espèce l'obligeaient à engager de tels frais avant l'expiration du délai laissé à la collectivité ;

Considérant qu'il résulte des pièces soumises aux juges du fond que le notaire chargé de la vente des terres appartenant aux époux B a informé M. et Mme A, preneurs à bail de ces terres, du projet de cession le 17 février 2000, et que ceux-ci ont fait part de leur intention d'achat le 17 mars 2000 ; que M. et Mme A devaient donc, pour réaliser la vente dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 412-8 du code rural, disposer des fonds nécessaires au plus tard le 2 juin 2000 ; que le notaire n'ayant informé la commune de Hazebrouck du projet de vente que le 18 avril 2000, celle-ci disposait d'un délai courant jusqu'au 18 juin 2000 pour exercer son droit de préemption ; qu'il est ainsi constant que M. et Mme A étaient tenus, s'ils souhaitaient réaliser la vente, de disposer des fonds avant l'expiration du délai laissé à la commune ; que, dès lors, en jugeant que le préjudice résultant pour M. et Mme A de ce qu'ils avaient contracté un prêt avant la décision de préemption de la commune avait été directement causé par leur seule imprudence, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal administratif de Lille :

Considérant que, par le jugement attaqué du 28 novembre 2002, devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions des 17 mai, 13 juin et 29 juin 2000 par lesquelles la commune de Hazebrouck a exercé son droit de préemption sur le bien des époux B ; que la responsabilité de la commune n'est susceptible d'être engagée à l'égard de M. et Mme A que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre l'illégalité dont sont entachées ces décisions et le préjudice que les intéressés allèguent avoir subi ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, si M. et Mme A se sont trouvés dans la situation de devoir contracter, avant l'intervention des décisions litigieuses, un emprunt qu'ils ont dû rembourser par anticipation du fait de ces décisions, cette situation ne résulte pas directement de l'action de la commune mais des conditions dans lesquelles ont été informés les deux titulaires d'un droit de préemption, la circonstance que la commune a été informée après que les intéressés eurent exercé leur propre droit de préemption ayant exposé ceux-ci à un risque financier dont la réalisation était certaine en cas de préemption par la commune, que les décisions de celles-ci fussent ou non entachées d'illégalité ; que le préjudice subi par M. et Mme A est, ainsi, dépourvu de lien direct avec le vice dont sont entachées les décisions litigieuses ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions indemnitaires présentées pour la première fois en appel :

Considérant que M. et Mme A, qui demandaient devant les premiers juges à obtenir réparation du seul préjudice résultant du coût de remboursement anticipé de leur premier emprunt, ne sont pas recevables à demander pour la première fois en appel à être indemnisés du préjudice correspondant à la différence de taux d'intérêt entre cet emprunt et celui qu'ils ont contracté par la suite pour l'acquisition du bien, dès lors que, ce second emprunt ayant été contracté avant l'intervention du jugement attaqué, ils étaient en mesure de faire état de ce chef de préjudice devant le tribunal administratif ; que les conclusions correspondantes ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Hazebrouck, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A la somme demandée au même titre par la commune de Hazebrouck ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 27 décembre 2004 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : La requête d'appel de M. et Mme A et le surplus de leurs conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Hazebrouck au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Joseph A, à la commune de Hazebrouck et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 278118
Date de la décision : 21/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2006, n° 278118
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Luc Derepas
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : COSSA ; SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:278118.20060621
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