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28/06/2006 | FRANCE | N°288459

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 28 juin 2006, 288459


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2005 et 9 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER, dont le siège est Hôtel de Ville, route de Farnay à Lorette (42420) ; le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 7 décembre 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de

justice administrative, a annulé la procédure relative à la d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2005 et 9 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER, dont le siège est Hôtel de Ville, route de Farnay à Lorette (42420) ; le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 7 décembre 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure relative à la dévolution du contrat ayant pour objet la gestion déléguée par affermage des réseaux et ouvrages de production et de traitement de l'eau potable appartenant au syndicat ainsi que la vente en gros d'eau potable aux collectivités adhérentes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, des contrats de partenariat, des contrats visés au premier alinéa de l'article L. 6148-5 du code de la santé publique et des conventions de délégation de service public. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et de suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations... / Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lyon que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER a lancé un appel public à la concurrence pour la passation d'un contrat portant sur l'exploitation des réseaux et ouvrages de production et de traitement d'eau potable lui appartenant ainsi que sur l'adduction et la vente d'eau à ses communes adhérentes ; qu'à la demande de la société Entreprise Cholton, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lyon a, par une ordonnance en date du 7 décembre 2005, annulé la procédure de passation du contrat ; que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que le cahier des charges du projet de contrat en litige stipulait, en vertu de ses articles 29 et 62 combinés, que le cocontractant du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER devait percevoir une rémunération comportant une part fixe constituée par un abonnement et une part variable en fonction de la quantité d'eau vendue ; que l'intégralité de cette rémunération était versée par les communes membres du syndicat à l'entreprise cocontractante ; qu'ainsi en jugeant que la partie fixe de la rémunération représentée par l'abonnement était versée au cocontractant par le syndicat, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lyon a dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Entreprise Cholton ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER ;

Sur la qualification du contrat :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le contrat envisagé a pour objet de confier au cocontractant l'exploitation des réseaux et ouvrages de production et de traitement de l'eau potable appartenant au SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER ainsi que la vente de cette eau aux communes membres du syndicat ; que si le service public de la distribution de l'eau comprend l'ensemble du circuit allant du prélèvement à la distribution de l'eau potable aux usagers et si le contrat litigieux ne confie pas au cocontractant la distribution de l'eau aux consommateurs finals, il le charge toutefois de l'ensemble des autres prestations sans lesquelles le service public de distribution de l'eau ne pourrait être assuré ; qu'ainsi, le projet de contrat en cause doit être regardé comme confiant au cocontractant du syndicat la gestion d'un service public ;

Considérant, d'autre part, que si les communes ne sont pas les usagers du service public de la distribution de l'eau potable, il ressort, ainsi qu'il a été dit, des stipulations combinées des articles 29 et 62 du cahier des charges du contrat que le cocontractant du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER perçoit une rémunération qui se compose en une partie fixe qui est constituée par un abonnement et une partie variable qui dépend de la quantité d'eau consommée dans les communes ; que la rémunération calculée dans ces conditions est substantiellement assurée par le résultat de l'exploitation du service ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, eu égard à son objet et aux modalités de rémunération du cocontractant, le contrat envisagé doit être analysé comme une délégation de service public et non, comme le soutient la société Entreprise Cholton, comme un marché public ;

Sur la régularité de la procédure de passation du contrat :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : L'autorité responsable de la personne publique délégante doit satisfaire à l'exigence de publicité prévue à l'article L. 1411-1 par une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales et dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné./ Cette insertion précise la date limite de présentation des offres de candidature, qui doit être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication./ Elle précise également les modalités de présentation de ces offres et mentionne les caractéristiques essentielles de la convention envisagée, notamment son objet et sa nature ;

Considérant que si l'avis d'appel public à la concurrence publié par le syndicat ne mentionnait pas que le cocontractant pourrait être chargé de procéder à une étude, à la réalisation et au financement d'une chaîne de traitement des eaux de drainage du barrage et des eaux de lavage des filtres, cette information, eu égard à l'importance limitée de cette prestation, ne peut être regardée comme portant sur une caractéristique essentielle de la convention envisagée ; que l'absence de précision sur ce point dans l'avis d'appel public à la concurrence n'a dès lors pas constitué un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; que, par ailleurs, il n'est pas établi que la présence de cette option dans le règlement de la consultation aurait été de nature à dissuader certains candidats de présenter leur candidature et à porter ainsi atteinte au principe d'égalité entre les candidats ;

Considérant que le cabinet d'études Merlin a pu régulièrement présenter le rapport d'analyse des offres qu'il avait été chargé d'élaborer lors de la réunion de la commission, prévue par l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, au cours de laquelle la conformité des offres au cahier des charges a été examinée ; que ce cabinet n'ayant pas participé à la réunion de la commission au cours de laquelle a été rendu l'avis sur le choix du candidat, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de cette commission doit, par suite, être écarté ;

Considérant que si la société Entreprise Cholton se prévaut de l'irrégularité de l'offre de la Société Lyonnaise des Eaux, il résulte de l'instruction que, d'une part, si la Société Lyonnaise des Eaux a présenté une dernière offre comportant une baisse de sa rémunération, tous les candidats ont été invités à présenter trois offres successives dont la dernière le 4 octobre 2005 ; que, d'autre part, si la Société Lyonnaise des Eaux a remplacé le paiement semestriel de la rémunération du cocontractant par un paiement trimestriel, une telle modification, qui n'a pas un caractère substantiel, était autorisée par l'article 3-2 du règlement de la consultation ; que si la Société Lyonnaise des Eaux a maintenu dans son compte prévisionnel un poste intitulé charges relatives au domaine privé alors que les candidats avaient été informés de ce que le cocontractant n'aurait pas à supporter la redevance d'utilisation du domaine privé, il n'est pas sérieusement contesté que ce poste correspond non pas à cette redevance mais aux biens propres du délégataire ; qu'enfin si le règlement de la consultation prévoyait une proposition sur la base d'un volume d'eau vendu de 1 500 000 mètres cubes par an environ, il a été demandé aux candidats, le 9 juin 2005, de faire une offre sur la base d'un volume annuel de 1 350 000 mètres cubes ; que l'offre de la Société Lyonnaise des Eaux est conforme à cette exigence ;

Considérant que le syndicat a pu communiquer les noms et adresses électroniques des candidats sans méconnaître les obligations de publicité et de mise en concurrence qui lui incombent ;

Considérant que le moyen tiré de l'atteinte au droit de la concurrence n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Entreprise Cholton n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation de la convention de délégation de service public engagée par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER pour l'exploitation des réseaux et ouvrages de production et de traitement d'eau potable lui appartenant ainsi que l'adduction et la vente d'eau à ses communes adhérentes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Entreprise Cholton demande au titre des frais exposés par elle en première instance et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société Entreprise Cholton une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lyon en date du 7 décembre 2005 est annulée.

Article 2 : La requête de la société Entreprise Cholton devant le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : La société entreprise Cholton versera au SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER la somme de 3 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA MOYENNE VALLEE DU GIER et à la société Entreprise Cholton.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 jui. 2006, n° 288459
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mlle Sibyle Petitjean
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 28/06/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 288459
Numéro NOR : CETATEXT000008259311 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-06-28;288459 ?
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