La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2006 | FRANCE | N°274062

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 30 juin 2006, 274062


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 2004 et 19 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MANE (Alpes de Haute-Provence), représentée par son maire ; la COMMUNE DE MANE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 16 septembre 2004 par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation du jugement du 20 novembre 2003 du tribunal administratif de Marseille ayant annulé la dél

ibération du 6 octobre 1999 de son conseil municipal décidant d'exerc...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 2004 et 19 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MANE (Alpes de Haute-Provence), représentée par son maire ; la COMMUNE DE MANE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 16 septembre 2004 par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation du jugement du 20 novembre 2003 du tribunal administratif de Marseille ayant annulé la délibération du 6 octobre 1999 de son conseil municipal décidant d'exercer le droit de préemption sur deux parcelles appartenant à Mmes Fernande J et Gabrielle K ;

2°) de mettre à la charge de Mmes J et K, représentées par Mme Sellame, le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la COMMUNE DE MANE et de Me Balat, avocat de Mme B et autres,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : « Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 » ; qu'aux termes de l'article R. 751-3 du même code : « Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) » ;

Considérant, d'autre part, que le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative permet aux présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, aux vice-présidents du tribunal administratif de Paris et aux présidents des formations de jugement des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de rejeter par ordonnance les requêtes entachées d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance, au nombre desquelles sont les requêtes tardives ;

Considérant que, par une ordonnance prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté comme entachée d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance la requête présentée par la COMMUNE DE MANE, par le motif, relevé d'office, que celle-ci n'avait été enregistrée au greffe de la cour que le 16 mars 2004, soit plus de deux mois après la date du 6 janvier 2004 à laquelle le jugement du 20 novembre 2003 du tribunal administratif de Marseille, contre lequel elle était dirigée, avait été notifié à la commune ; que, toutefois, il ressort des pièces produites par la COMMUNE DE MANE devant le Conseil d'Etat, en particulier de l'attestation en date du 28 septembre 2004 du chef d'établissement du bureau de poste de Mane, que si l'avis de réception de la lettre recommandée notifiant à la commune le jugement litigieux du 20 novembre 2003 a bien été signé par un agent de la mairie le 6 janvier 2004, cette lettre n'a pas été remise à l'agent en cause mais a été réexpédiée par la Poste, par erreur, au tribunal administratif ; que, dans ces conditions, l'appel de la commune ne pouvait être regardé comme tardif ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la COMMUNE DE MANE est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la délibération en date du 6 octobre 1999 par laquelle le conseil municipal de Mane a décidé de préempter les parcelles appartenant à Mmes J et K a été notifiée le 8 octobre suivant au notaire devant lequel avait été conclue la promesse de vente ; que le notaire, qui avait signé la déclaration d'intention d'aliéner concernant le bien litigieux, devait être regardé comme le mandataire de Mmes J et K, représentées par leur gérante de tutelle ; que, par suite et dès lors que la déclaration d'intention d'aliéner ne mentionnait pas expressément, comme elle aurait pu le faire, à qui - des propriétaires ou de leur mandataire - la décision de préemption devait être notifiée, cette notification au notaire a fait courir le délai de recours contentieux à l'encontre des propriétaires ; que, dans ces conditions, la demande de Mmes J et K, représentées par leur gérante de tutelle et aux droits desquelles leurs héritiers sont venus, tendant à l'annulation de la décision de préemption contestée, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 11 février 2000, était tardive et, par suite, irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MANE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 6 octobre 1999 de son conseil municipal ;

Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune la somme que les défendeurs demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre une somme à la charge des défendeurs au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 16 septembre 2004 du président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Marseille est annulée.

Article 2 : Le jugement du 20 novembre 2003 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 3 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par Mmes J et K, représentées par leur gérante de tutelle et aux droits desquelles leurs héritiers sont venus, est rejetée ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la COMMUNE DE MANE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MANE, à Me Balat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, mandataire unique de l'ensemble des défendeurs et chargé, à ce titre, de leur donner connaissance de cette décision, et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. PROCÉDURES D'INTERVENTION FONCIÈRE. PRÉEMPTION ET RÉSERVES FONCIÈRES. DROITS DE PRÉEMPTION. DROIT DE PRÉEMPTION URBAIN (LOI DU 18 JUILLET 1985). - DÉCLARATION D'INTENTION D'ALIÉNER - SIGNATURE PAR LE NOTAIRE CONFÉRANT À CE DERNIER LA QUALITÉ DE MANDATAIRE DU VENDEUR - CONSÉQUENCE - NOTIFICATION À CE NOTAIRE DE LA DÉCISION DE PRÉEMPTION FAISANT COURIR LE DÉLAI DE RECOURS CONTENTIEUX.

68-02-01-01-01 Le notaire, qui signe la déclaration d'intention d'aliéner concernant le bien litigieux, doit être regardé comme le mandataire du vendeur. Par suite et dès lors que la déclaration d'intention d'aliéner ne mentionne pas expressément, comme elle peut le faire, à qui - du propriétaire ou de son mandataire - la décision de préemption doit être notifiée, cette notification au notaire fait courir le délai de recours contentieux à l'encontre du propriétaire.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 jui. 2006, n° 274062
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; BALAT

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 30/06/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 274062
Numéro NOR : CETATEXT000008241579 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-06-30;274062 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award