Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 août 2004, présentée pour la COMMUNE DE LA FOA (Nouvelle-Calédonie) ; la COMMUNE DE LA FOA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 28 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 27 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision implicite de rejet opposée par le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie à la demande de la commune tendant à la prise en charge par l'Etat des frais de reconstitution de ses registres d'état civil ;
2°) de rejeter le recours présenté par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer devant cette cour ;
3°) qu'il soit enjoint à l'Etat de prendre les mesures nécessaires à la reconstitution des registres d'état civil détruits ;
4°) que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des communes ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 ;
Vu la loi du 1er juillet 1916 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de la COMMUNE DE LA FOA,
- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE DE LA FOA demande l'annulation de l'arrêt du 28 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 27 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision implicite de rejet opposée par le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie à la demande de la commune tendant à la prise en charge par l'Etat des frais de reconstitution de ses registres d'état civil, détruits à la suite d'un sinistre ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires relatives à la Nouvelle-Calédonie, alors applicable, l'Etat est compétent pour « les règles concernant l'état civil » ; que, contrairement à ce qu'a jugé la cour, qui a commis sur ce point une première erreur de droit, ces dispositions impliquent la compétence de l'Etat pour la tenue des registres de l'état civil ;
Considérant en outre qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code des communes, alors applicable en Nouvelle-Calédonie : « Sont obligatoires pour les communes les dépenses mises à leur charge par la loi » ; qu'aucune disposition législative, et en particulier aucune des dispositions de l'article L. 221-2 du code des communes alors applicable, ne classe parmi les dépenses obligatoires des communes les frais de reconstitution des registres d'état civil ; que, par suite, en jugeant que les frais de reconstitution des registres d'état civil de la COMMUNE DE LA FOA, détruits accidentellement, constituaient pour cette commune une dépense obligatoire, la cour administrative d'appel de Paris a commis une seconde erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE LA FOA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : « S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice la justifie » ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions mettant à la charge des communes les dépenses de reconstitution des registres d'état civil, ces dépenses doivent être assumées par l'Etat, seul compétent en matière d'état civil en Nouvelle-Calédonie, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la loi du 1er juillet 1916 relative au financement par l'Etat des frais de reconstitution des registres d'état civil détruits n'a pas été étendue à la Nouvelle-Calédonie ; qu'il suit de là que le secrétaire d'Etat à l'outre-mer n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 27 juillet 2000, lequel est suffisamment motivé, par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision implicite de rejet opposée par le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie à la demande du maire de la COMMUNE DE LA FOA tendant à ce que les frais de reconstitution des registres d'état civil de la commune soient assumés par l'Etat ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que la présente décision se prononce sur la légalité du refus de l'Etat de prendre en charge des frais de reconstitution des registres d'état civil ; que, si elle implique que l'Etat prenne ces frais en charge, elle n'entraîne nécessairement aucune autre mesure d'exécution ; que les conclusions de la COMMUNE DE LA FOA qui tendent à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de prendre « toutes mesures nécessaires » à la reconstitution des registres détruits ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE LA FOA tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE LA FOA et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 avril 2004 est annulé.
Article 2 : Le recours du secrétaire d'Etat à l'outre-mer devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à la COMMUNE DE LA FOA une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE LA FOA est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LA FOA, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'outre-mer.