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07/07/2006 | FRANCE | N°271422

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 07 juillet 2006, 271422


Vu la requête, enregistrée le 23 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 14 juillet 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X... A et la décision du même jour fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devan

t le tribunal administratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la c...

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 14 juillet 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X... A et la décision du même jour fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le décret n° 46 ;1574 du 30 juin 1946, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Thibau-Levêque, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour formée par M. A le 1er mars 2004, n'était pas fondée sur le 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée ; que le préfet n'avait, dès lors, pas à examiner la situation de M. A au regard de ces dispositions ni, en conséquence, à recueillir l'avis du médecin inspecteur de santé publique ; que si, à l'appui du recours gracieux qu'il a formé à l'encontre du refus de titre de séjour du 11 mars 2004, M. A s'est prévalu de problèmes de santé, il n'a produit que des documents médicaux anciens, déjà examinés par l'administration lors d'un précédent refus de titre de séjour en date du 18 décembre 2001 et n'a fait valoir aucune aggravation de son état de santé ; que, dans ces circonstances, le PREFET DE L'EURE a pu, sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, devenu l'article L. 311 ;11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ordonner la reconduite à la frontière de l'intéressé ; qu'ainsi, le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. A aurait été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et de celles de l'article 7 ;5 du décret du 30 juin 1946 relatives à son application pour en prononcer l'annulation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Rouen et devant le Conseil d'Etat ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors en vigueur : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité congolaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 20 mars 2004, de la décision du 11 mars 2004 du PREFET DE L'EURE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que l'arrêté du 14 juillet 2004 est signé de M. Maxime Z..., sous-préfet, directeur de cabinet, auquel M. Y..., PREFET DE L'EURE, avait délégué sa signature à cet effet par arrêté préfectoral du 10 juin 2003, régulièrement publié au « Recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Eure » du 11 juin 2003 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., bien qu'il ait été nommé préfet de l'Essonne par un décret du 9 juillet 2004, est demeuré en fonction jusqu'au 25 juillet 2004 dans le département de l'Eure, où son successeur a pris ses fonctions le 26 juillet 2004 ; que, dans ces conditions, la délégation de signature consentie à M. Z... par M. Y... continuait à produire ses effets le 14 juillet 2004, date à laquelle a été pris l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté ;

Considérant, d'une part, que le titre de séjour sollicité le 27 février 2004 par M. A l'a été sur le fondement des 3° et 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et non sur celui du 11° du même article ; qu'ainsi, M. A ne peut utilement se fonder sur ces dernières dispositions pour contester le refus opposé à sa demande ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titre de séjour du 11 mars 2004 porte au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ou soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, compte tenu du caractère récent de la vie commune alléguée avec une ressortissante française et du fait que, selon ses propres déclarations, M. A n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où résident notamment l'un de ses frères et l'une de ses soeurs, ainsi que deux enfants nés d'une précédente union ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite dont il a fait l'objet méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

Considérant que, si M. A, dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a d'ailleurs été rejetée par la commission des recours des réfugiés le 24 mai 1996, fait état de risques pour sa sécurité ou sa vie en cas de retour en République démocratique du Congo en raison de sa qualité de membre de l'UPDS, parti d'opposition, et des exactions commises en 2004 dans son pays d'origine à l'encontre des opposants, la réalité des risques personnels qu'il courrait en cas de retour dans son pays d'origine n'est pas établie par les pièces du dossier ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 14 juillet 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 19 juillet 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen par M. A est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'EURE, à M. X... A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 271422
Date de la décision : 07/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2006, n° 271422
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Fabienne Thibau-Levêque
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:271422.20060707
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