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10/07/2006 | FRANCE | N°263595

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 10 juillet 2006, 263595


Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 juillet 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme A, épouse B, et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du d

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liber...

Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 juillet 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme A, épouse B, et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Odent, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification, le 19 mai 2003, de la décision du 2 mai 2003 du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; que l'intéressée entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que, si Mme A soutient qu'elle a rejoint ses frères et soeurs en France, sa mère étant décédée et son père remarié en Algérie, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté du 25 juillet 2003, l'intéressée, qui ne vivait en France que depuis deux ans, était célibataire, sans enfants, et ne justifiait de la présence régulière en France que d'un de ses frères ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE n'a pas entaché son arrêté du 25 juillet 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme A et fixant l'Algérie comme pays de renvoi d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation dont aurait été entaché l'arrêté du 25 juillet 2003 pour en prononcer l'annulation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;

Sur la légalité de l'arrêté du 25 juillet 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme A :

Considérant que, si Mme A fait valoir qu'elle a épousé, le 18 janvier 2004, M. B, ressortissant égyptien, il ressort toutefois des pièces du dossier que le mariage invoqué est postérieur à l'arrêté litigieux et que, à la date de la décision de reconduite à la frontière, Mme A ne justifiait de la présence régulière en France que d'un de ses frères ; qu'ainsi, l'arrêté du 25 juillet 2003, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant l'Algérie comme pays de renvoi :

Considérant que, si Mme A fait valoir qu'elle est membre actif de la communauté chrétienne de Bethesda depuis janvier 2003 et que les risques pesant sur sa vie, sa sécurité et sa liberté, en cas de retour en Algérie, seraient aggravés, du fait de sa conversion au christianisme, eu égard à la législation de ce pays, il ressort des pièces du dossier, comme il a été dit ci-dessus, que l'intéressée n'établit pas la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision distincte du 25 juillet 2003, fixant l'Algérie comme pays de destination, aurait été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 juillet 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme A et fixant l'Algérie comme pays de destination ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 18 novembre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Djamila A, épouse B et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 2006, n° 263595
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Martine Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 10/07/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 263595
Numéro NOR : CETATEXT000008241690 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-07-10;263595 ?
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