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10/07/2006 | FRANCE | N°269401

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 10 juillet 2006, 269401


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ridha A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 juin 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 29 mai 2004 du préfet du Rhône décidant sa reconduite à la frontière, d'autre part, de la décision du 7 novembre 2002 fixant le pays de renvoi ;

2°) de constater la caducité ou l'inapplicabilité de l

a décision fixant le pays de renvoi en date du 7 novembre 2002, qui lui a été noti...

Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ridha A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 juin 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 29 mai 2004 du préfet du Rhône décidant sa reconduite à la frontière, d'autre part, de la décision du 7 novembre 2002 fixant le pays de renvoi ;

2°) de constater la caducité ou l'inapplicabilité de la décision fixant le pays de renvoi en date du 7 novembre 2002, qui lui a été notifiée une seconde fois le 29 mai 2004 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui restituer son passeport, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sophie Liéber, Auditeur-rapporteur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en estimant que le préfet du Rhône, pour ordonner la reconduite à la frontière de M. A, aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif légal tiré de ce que M. A s'était maintenu en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon, qui s'est borné à écarter l'un des deux motifs de la décision du préfet, pour retenir l'autre, n'a pas procédé à une substitution de motifs ; que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité, ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'il ressort des propres écritures de M. A que le préfet du Rhône lui a notifié à nouveau, le 29 mai 2004, la décision du 7 novembre 2002 fixant la Tunisie comme pays à destination duquel il devrait être reconduit ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué se serait fondé sur un document non communiqué à M. A et aurait ainsi méconnu le caractère contradictoire de la procédure manque en fait ;

Sur la légalité de l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. A :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa (…) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, qui expirait le 10 octobre 2001 ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 2° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que si M. A fait valoir, d'une part, que de nombreux membres de sa famille, dont certains ont la nationalité française, vivent en France, d'autre part, qu'il entretient une relation suivie et souhaite se marier avec Mme B, ressortissante française, le projet de mariage ayant été suspendu indépendamment de sa volonté par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui vit chez sa soeur, ne justifie pas mener une vie familiale avec Mme B et n'est pas dépourvu d'attaches en Tunisie, où réside notamment sa mère ; qu'ainsi, l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière, qui ne porte pas par lui-même atteinte au droit de M. A de se marier, n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant que les conditions d'exécution de la mesure de reconduite sont sans incidence sur sa légalité ; que les conclusions tendant à ce que soit constaté son caractère inexécutable ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que la circonstance que le préfet du Rhône a notifié à M. A, le 29 novembre 2004, la décision distincte qui lui avait déjà été notifiée le 7 novembre 2002, fixant la Tunisie comme pays de renvoi, ne révèle pas, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon, l'existence d'une nouvelle décision fixant le pays de destination ; que, toutefois, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir d'effectuer de simples constatations, mais uniquement de juger de la légalité d'un acte administratif ; que, dès lors, les conclusions de M. A tendant à ce que l'inexistence d'une décision fixant le pays de renvoi soit constatée doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté et la décision distincte attaqués ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui restituer son passeport ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Ridha A, au préfet du Rhône et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 2006, n° 269401
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mlle Sophie Liéber
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Date de la décision : 10/07/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 269401
Numéro NOR : CETATEXT000008220129 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-07-10;269401 ?
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