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10/07/2006 | FRANCE | N°279777

France | France, Conseil d'État, 6eme sous-section jugeant seule, 10 juillet 2006, 279777


Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. X... B, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, domicilié, ... ; M. B demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 décembre 2004 par laquelle le premier président de la cour d'appel de Chambéry a fixé à 6,39 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable à compter du 1er janvier 2005, ensemble le rejet opposé le 23 février 2005 à son recours gracieux dirigé contre cette décision ;

2°) d'annuler po

ur excès de pouvoir la note d'information du 23 juillet 2004 du premier président de...

Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. X... B, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, domicilié, ... ; M. B demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 décembre 2004 par laquelle le premier président de la cour d'appel de Chambéry a fixé à 6,39 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable à compter du 1er janvier 2005, ensemble le rejet opposé le 23 février 2005 à son recours gracieux dirigé contre cette décision ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la note d'information du 23 juillet 2004 du premier président de la cour d'appel de Chambéry ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire, ensemble les arrêtés interministériels des 26 décembre 2003 et 17 septembre 2004 pris pour son application ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Auditeur,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire prévoit, à son article 1er, qu'une indemnité peut être allouée aux magistrats de l'ordre judiciaire exerçant leurs fonctions en juridiction ; que cette indemnité, destinée à rémunérer l'importance et la valeur des services rendus et à tenir compte des sujétions afférentes à l'exercice de leurs fonctions, comprend notamment une prime modulable attribuée, en vertu de l'article 3 du décret, « en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire » ; que l'article 7 du décret précise que « La prime modulable est calculée en pourcentage du traitement indiciaire brut. Elle est versée mensuellement./ Le montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable pour les magistrats du siège, d'une part, et du parquet, d'autre part (…), est déterminé par application d'un taux moyen à la masse des traitements indiciaires des magistrats concernés./ Le taux d'attribution individuelle de la prime modulable est fixé :/ - pour les magistrats exerçant en juridiction, (…) par le procureur général près la cour d'appel ou le procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel pour chaque magistrat du parquet de leur ressort, sur proposition du chef de juridiction sous l'autorité duquel est placé le magistrat pour ceux qui sont affectés dans une juridiction du premier degré (…) » ; que l'arrêté interministériel du 17 septembre 2004, pris pour l'application de ce décret et applicable à la prime modulable attribuée au titre du quatrième trimestre 2004, précise à son article 2 : « Le taux moyen de la prime modulable (…) est fixé à 8%./ Le taux maximal d'attribution individuelle de cette prime est fixé à 15 % (…) » ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice :

Considérant que le requérant a produit la décision attaquée du 24 décembre 2004 du premier président de la cour d'appel de Chambéry, ensemble la décision du 23 février 2005 rejetant son recours gracieux ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice, doit être écartée ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre le décret du 26 décembre 2003 et les arrêtés interministériels des 26 décembre 2003 et 17 septembre 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée » ; qu'il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué du 26 décembre 2003 et les arrêtés interministériels attaqués des 26 décembre 2003 et 17 septembre 2004 pris pour son application ont été publiés les 30 décembre 2003 et 22 septembre 2004 au Journal officiel ; que la requête n'a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État que le 20 avril 2005 ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre ce décret et ces arrêtés ont été présentées tardivement et ne sont, par suite, pas recevables ; que l'intervention présentée à ce titre par le Syndicat de la magistrature n'est pas recevable ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre la note d'information du 23 juillet 2004 :

Considérant que s'il ressort des termes mêmes du décret du 26 décembre 2003 que l'attribution de la prime modulable ne peut être légalement fondée que sur l'appréciation de la qualité et de la quantité du travail fourni par un magistrat et, de manière générale, de sa contribution au bon fonctionnement du service public de la justice, aucun texte législatif ni réglementaire, ni aucun principe, ne s'opposent à ce que les chefs de cour fassent connaître, par avance, sans fixer de règles impératives, les aspects de cette contribution qu'ils entendent plus particulièrement prendre en compte à l'occasion de la fixation des taux individuels de prime ; que, dès lors, les conclusions dirigées contre cette note d'information ne sont pas recevables et doivent être rejetées, ainsi que l'intervention présentée à ce titre par le Syndicat de la magistrature ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre la décision du 24 décembre 2004 du premier président de la cour d'appel de Chambéry et le rejet opposé le 23 février 2005 au recours gracieux contre cette décision :

Considérant que le Syndicat de la magistrature a intérêt à l'annulation de ces décisions ; que son intervention est recevable dans cette mesure ;

Considérant que le requérant, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 décembre 2004, par laquelle le premier président de la cour d'appel de Chambéry a fixé à 6,39% le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable à compter du 1er janvier 2005, ensemble le rejet opposé le 23 février 2005 à son recours gracieux dirigé contre cette décision ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes du décret du 26 décembre 2003 que l'attribution de la prime modulable ne peut être légalement fondée que sur l'appréciation de la qualité et de la quantité du travail fourni par un magistrat et, de manière générale, de sa contribution au bon fonctionnement du service public de la justice ; que si la faible ancienneté d'un magistrat peut expliquer, en raison de son inexpérience, l'insuffisance de son travail, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif, la durée des fonctions exercées ne révèle rien, par elle-même, de la qualité et de la quantité du travail fourni ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de sa « note d'information » diffusée le 23 juillet 2004, que le premier président a retenu, au titre des éléments pris en compte pour apprécier la contribution du requérant au bon fonctionnement de l'institution judiciaire, son ancienneté dans ses fonctions ; qu'il résulte de ce qui précède que le premier président a ainsi fait une inexacte application du décret du 26 décembre 2003 et que le requérant est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation des décisions attaquées ;

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. B de la somme de 2 000 euros au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, doivent être rejetées les conclusions présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice, tendant au bénéfice de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention du Syndicat de la magistrature est admise au soutien des seules conclusions présentées par M. B contre les décisions des 24 décembre 2004 et 23 février 2005 du premier président de la cour d'appel de Chambéry.

Article 2 : Les décisions des 24 décembre 2004 et 23 février 2005 du premier président de la cour d'appel de Chambéry sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera à M. B la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice, aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X... B, au Syndicat de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 279777
Date de la décision : 10/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2006, n° 279777
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bonichot
Rapporteur ?: M. Stéphane Hoynck
Rapporteur public ?: M. Guyomar

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:279777.20060710
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