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13/07/2006 | FRANCE | N°252416

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 13 juillet 2006, 252416


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 décembre 2002 et 4 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC, dont le siège est Mas des Tourelles à Aigues-Mortes (30220) ; la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 3 de l'arrêt du 12 septembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les conclusions de ses requêtes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe profe

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 décembre 2002 et 4 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC, dont le siège est Mas des Tourelles à Aigues-Mortes (30220) ; la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 3 de l'arrêt du 12 septembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les conclusions de ses requêtes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie, respectivement au titre de chacune des années 1996 à 1999 et au titre de chacune des années 1993 à 1998, dans les rôles de la commune de Vauvert (Gard) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Daniel Fabre, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1388 du code général des impôts : La taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés déterminée conformément aux principes définis par les articles 1494 à 1508 et 1516 à 1518 B... ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code, la valeur locative pour laquelle les immobilisations corporelles entrent dans les bases de la taxe professionnelle ... est déterminée comme suit : 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe... ; que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies, à l'article 1496 du code, en ce qui concerne les locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession autre qu'agricole, commerciale, artisanale ou industrielle, à l'article 1498, en ce qui concerne tous les biens autres que les locaux à usage d'habitation ou à usage professionnel visés à l'article 1496-I et que les établissements industriels visés à l'article 1499, et à l'article 1499, en ce qui concerne les immobilisations industrielles ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Marseille que les conclusions des requêtes de la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC rejetées par l'article 3 de l'arrêt contre lequel se pourvoit ladite société tendaient à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle auxquelles, respectivement au titre de chacune des années 1996 à 1999 et 1993 à 1998, elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Vauvert (Gard) à raison des installations de stockage de céréales qu'elle possède et utilise, sur le territoire de cette commune, pour les besoins de son activité de négoce en gros de céréales, à concurrence de l'excédent de droits résulté, selon elle, de ce que, pour déterminer la valeur locative des biens entrant dans les bases de l'une et l'autre des deux taxes, l'administration avait fait application des règles prévues à l'article 1499 du code général des impôts pour les établissements industriels, alors que, ses installations ne présentant pas le caractère d'un tel établissement, cette valeur aurait dû être déterminée suivant les règles définies à l'article 1498 dudit code ; que, pour écarter cette prétention, la cour s'est fondée sur ce que les opérations effectuées par la société dans l'établissement en cause présentaient, eu égard à leur nature et à l'importance des moyens techniques mis en oeuvre, un caractère industriel au sens des dispositions des articles susmentionnés du code général des impôts ;

Considérant qu'il ressort des requêtes présentées devant la cour administrative d'appel par la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC qu'au soutien de ses conclusions susanalysées, celle-ci faisait, notamment, valoir qu'en ce qui concerne les installations de stockage telles que les silos céréaliers, il était énoncé par l'administration, dans ses instructions et documentation, que le caractère d'établissement industriel n'avait lieu d'être reconnu que si les moyens techniques mis en oeuvre répondaient à des conditions qui, selon elle, ne se trouvaient pas réunies dans son propre établissement ; qu'en s'abstenant d'examiner, après s'être prononcée comme dit ci-dessus au regard de la loi fiscale, si la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC invoquait ainsi utilement, au regard des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, une interprétation administrative, la cour a, comme le soutient la société requérante, entaché l'article 3, attaqué, de son arrêt d'une omission de réponse à un moyen non inopérant ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC est fondée à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions principales, susanalysées, des requêtes de la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC :

Considérant que revêtent un caractère industriel, au sens de l'article 1499 du code général des impôts, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les quatre silos et le séchoir à riz exploités sur le site de Vauvert nécessitent la mise en oeuvre d'importants moyens techniques destinés au pesage, au séchage et à la manutention des céréales et oléagineux, ainsi qu'à la régulation de leurs conditions de conservation thermiques et hygrométriques ; que ces matériels et installations techniques jouent un rôle prépondérant dans l'activité exercée dans l'établissement appartenant à la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC ; qu'ainsi, cet établissement présente un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que selon la documentation administrative de base 6 C-251 du 15 décembre 1988, les établissements où sont réalisées des manipulations ou des prestations de services, notamment les installations de stockage de grande capacité telles que réservoirs et silos, doivent être regardés comme des établissements industriels au sens de l'article 1499 du code général des impôts lorsque le rôle de l'outillage et de la force motrice y est prépondérant, alors même qu'ils ne constituent pas des usines ou ateliers se livrant à la transformation de matières premières ou à la fabrication et à la réparation d'objets ; que selon la réponse ministérielle du 4 avril 1991, reprise dans une note administrative du service des opérations fiscales et foncières du 6 juin 1996, les silos isolés pourront se voir reconnaître, à titre exceptionnel, un caractère industriel, s'il apparaît que le rôle et la valeur de l'outillage y ont un caractère nettement prépondérant, conférant à l'installation des caractéristiques différentes de celles d'un simple lieu de stockage ; que ces énonciations ne comportent aucune interprétation formelle de l'article 1499 qui diffère du sens et de la portée qu'il doit légalement recevoir ; que, par suite, la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC n'est pas fondée à demander la réduction des cotisations litigieuses qu'entraînerait une détermination de la valeur locative des biens entrant dans leurs bases suivant les règles définies à l'article 1498 du code général des impôts ;

Sur les conclusions subsidiaires tendant au bénéfice de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : ... 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ; que sont, notamment, visées au 1° de l'article 1381, lequel prévoit qu'elles sont soumises à la taxe foncière établie sur les propriétés bâties, les installations destinées... à stocker des produits... présentant le caractère de véritables constructions... ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les outillages et matériels techniques intégrés aux installations de stockage, présentant le caractère de véritables constructions, d'un établissement industriel sont, par voie d'exonération, exclus des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle ces installations elles-mêmes sont soumises ; qu'il suit de là que, si la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC soutient à tort que l'ensemble des installations de l'établissement qu'elle exploite à Vauvert serait exonéré de la taxe foncière sur les propriétés bâties, elle est, en revanche, fondée à soutenir que doit être exclue des bases de cette taxe la valeur locative des outillages et matériels techniques intégrés à ces installations ;

Considérant, toutefois, que le dossier ne comporte pas, en l'état, les éléments permettant de déterminer la valeur pour laquelle de tels outillages et matériels techniques auraient à tort été compris dans les bases des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC a été assujettie au titre de chacune des années 1996 à 1999 dans les rôles de la commune de Vauvert, et le montant des droits qui seraient indûment résultés de cette inclusion ; que, par suite, avant de statuer sur les conclusions subsidiaires susanalysées des requêtes de la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC, il y a lieu d'ordonner qu'il soit procédé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, contradictoirement avec la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC, à un supplément d'instruction aux fins d'apporter au Conseil d'Etat lesdits éléments ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 12 septembre 2002 est annulé.

Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions subsidiaires des requêtes présentées par la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC devant la cour administrative d'appel de Marseille aux fins de réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de chacune des années 1996 à 1999 dans les rôles de la commune de Vauvert, il sera procédé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, contradictoirement avec la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC, à la mesure d'instruction dont l'objet est défini dans les motifs de la présente décision.

Article 3 : Il est accordé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie un délai de trois mois pour faire parvenir au Conseil d'Etat les résultats de la mesure d'instruction ordonnée à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées par la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la S.A. COMPTOIR AGRICOLE DU LANGUEDOC et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 252416
Date de la décision : 13/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXES FONCIÈRES. TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES. - EXONÉRATION DES OUTILLAGES ET AUTRES INSTALLATIONS ET MOYENS MATÉRIELS D'EXPLOITATION DES ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS (ART. 1382, 11° DU CGI) - INCLUSION - OUTILLAGES ET MATÉRIELS TECHNIQUES INTÉGRÉS À DES INSTALLATIONS DE STOCKAGE PRÉSENTANT LE CARACTÈRE DE VÉRITABLES CONSTRUCTIONS ET, À CE TITRE, NON EXONÉRÉES (ART. 1381, 1° DU CGI).

19-03-03-01 Aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (…) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381. Sont notamment visées au 1° de l'article 1381, lequel prévoit qu'elles sont soumises à la taxe foncière établie sur les propriétés bâties, les installations destinées (…) à stocker des produits (…) présentant le caractère de véritables constructions (…). Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les outillages et matériels techniques intégrés aux installations de stockage, présentant le caractère de véritables constructions, d'un établissement industriel sont, par voie d'exonération, exclus des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle ces installations elles-mêmes sont soumises.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2006, n° 252416
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Daniel Fabre
Rapporteur public ?: M. Verclytte Stéphane
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:252416.20060713
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