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13/07/2006 | FRANCE | N°273109

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 13 juillet 2006, 273109


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 2004 et 11 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES, représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité à la maison de la chambre d'agriculture, 8 ter, rue Capitaine-de-Bresson, à Gap (05010 cedex) ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir :

1°) l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche

et des affaires rurales et du ministre de l'écologie et du développement ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 2004 et 11 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES, représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité à la maison de la chambre d'agriculture, 8 ter, rue Capitaine-de-Bresson, à Gap (05010 cedex) ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir :

1°) l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et du ministre de l'écologie et du développement durable du 12 août 2004 autorisant la destruction de spécimens de loups pour l'année 2004 ;

2°) l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et du ministre de l'écologie et du développement durable du 17 septembre 2004 modifiant l'arrêté du 12 août 2004 autorisant la destruction de spécimens de loups pour l'année 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel, signée à Berne le 19 septembre 1979 ;

Vu la directive n°92/43/CEE, du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu l'arrêté du 17 avril 1981, fixant les listes des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Auditeur,

- les observations de Me Odent, avocat de la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : « Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d'espèces animales non domestiques (…) sont interdits : 1° (...) la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou (...) leur transport, leur colportage, leur mise en vente, leur vente ou leur achat (...) » ; que l'article L. 411-2 du même code dispose : « Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des espèces animales protégées ; 2° La durée des interdictions permanentes ou temporaires prises en vue de permettre la reconstitution des populations naturelles en cause ou de leurs habitats ainsi que la protection des espèces animales pendant les périodes ou les circonstances où elles sont particulièrement vulnérables (...) » ; que selon l'article R. 211-1, pris pour l'application de cette disposition, la liste prévue à l'article L. 411-2 est établie par arrêtés conjoints du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l'agriculture ; que selon l'article R. 211-3 : « Pour chaque espèce, les arrêtés interministériels prévus à l'article R. 211-1 précisent : 1° La nature des interdictions (…) qui sont applicables ; 2° La durée de ces interdictions, les parties du territoire ou les périodes de l'année où elles s'appliquent » ; que l'article 3 ter de l'arrêté interministériel du 17 avril 1981 fixant la liste des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire, pris pour l'application de ces dispositions, fait figurer le loup, depuis sa modification par un arrêté du 10 octobre 1996, parmi les espèces protégées ; que, toutefois, le second alinéa du même article dispose que : « (…) à condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle, une autorisation de capture ou d'enlèvement peut être accordée par arrêté conjoint des ministres chargés de la protection de la nature et de l'agriculture, pris après avis du Conseil national de la protection de la nature, pour prévenir des dommages importants aux cultures ou au bétail, ou dans l'intérêt de la sécurité publique, ou pour assurer la conservation de l'espèce elle-même » ;

Considérant que la fédération requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés des 12 août et 17 septembre 2004, du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et du ministre de l'écologie et du développement durable pris en application des dispositions rappelées plus haut et autorisant, à compter de la date de son entrée en vigueur et jusqu'au 31 décembre 2004, l'abattage de quatre loups, ou trois dans l'hypothèse où les trois premiers animaux éliminés seraient des femelles, dans les départements des Alpes-Maritimes, des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, de la Drôme, de l'Isère et de la Savoie ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit de propriété :

Considérant que la fédération soutient qu'en réservant aux seuls agents assermentés la destruction des loups, l'arrêté du 12 août 2004 aurait retiré aux éleveurs la possibilité de défendre leurs troupeaux contre ce prédateur et, par là-même, méconnu plusieurs normes de droit communautaire et de droit interne protégeant la propriété ;

Considérant que les ministres, contrairement à ce que soutient l'association, n'ont pas retiré aux éleveurs la possibilité d'abattre les loups qui menaceraient leurs troupeaux, dès lors que la capture ou la destruction de cette espèce est interdite en application de l'article L. 411-1, mais se sont bornés, par les arrêtés attaqués, en autorisant des agents assermentés à mettre en oeuvre les mesures de destruction des loups qu'ils autorisent, à faire usage des compétences dont ils disposent sur le fondement des articles R. 211-1 et suivants du code de l'environnement et du second alinéa de l'article 3 ter de l'arrêté interministériel du 17 avril 1981 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du droit de propriété ne peut qu'être écarté ;

Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant qu'il ressort, tant des dispositions de droit interne rappelées plus haut, que de l'article 12 de la directive n°92/43/CEE, du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, que le loup est une espèce strictement protégée ; que si le second alinéa de l'article 3 ter de l'arrêté interministériel cité du 17 avril 1981 prévoit la possibilité de déroger à ces règles de protection pour prévenir, notamment, des dommages importants à l'élevage, la mise en oeuvre d'une telle dérogation suppose, conformément aux objectifs de l'article 16 de la directive, qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et qu'elle ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de loups dans leur aire de répartition naturelle ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en limitant strictement, afin de satisfaire à ces conditions, tant le nombre de loups susceptibles d'être abattus que la durée et la zone d'application de cette mesure, et en habilitant exclusivement des agents assermentés à la mettre en oeuvre, les ministres auraient entaché d'erreur manifeste d'appréciation les arrêtés attaqués ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'écologie et du développement durable, que l'association n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés attaqués et que sa requête doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES, au ministre de l'écologie et du développement durable et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 jui. 2006, n° 273109
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Stéphane Hoynck
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Date de la décision : 13/07/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 273109
Numéro NOR : CETATEXT000008254162 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-07-13;273109 ?
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