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18/07/2006 | FRANCE | N°294750

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 18 juillet 2006, 294750


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 29 juin 2006, présentée pour la SOCIÉTÉ EDITIONS CLARTES, dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice ; la SOCIÉTÉ EDITIONS CLARTES demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1/ de suspendre l'exécution de la décision du 16 mars 2006 par laquelle la commission paritaire des publications et agences de presse a refusé de renouveler son certificat d'inscription, ens

emble la décision du 23 mai 2006 par laquelle la commission a rejeté le...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 29 juin 2006, présentée pour la SOCIÉTÉ EDITIONS CLARTES, dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice ; la SOCIÉTÉ EDITIONS CLARTES demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1/ de suspendre l'exécution de la décision du 16 mars 2006 par laquelle la commission paritaire des publications et agences de presse a refusé de renouveler son certificat d'inscription, ensemble la décision du 23 mai 2006 par laquelle la commission a rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé contre cette décision ;

2/ d'enjoindre à la commission de réexaminer sa demande de renouvellement du certificat d'inscription, dans un délai de quinze jours, à peine d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3/ de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que le refus de renouvellement contesté entraîne des conséquences financières qui rendent impossible le maintien de son activité ; qu'ainsi la condition d'urgence est remplie ; qu'elle a bénéficié des avantages accordés aux publications de presse depuis 1948 ; qu'en estimant qu'une publication dont le contenu est majoritairement sans lien avec l'actualité ne pouvait prétendre aux aides à la presse, la commission a posé une condition qu'aucun texte n'exige ; qu'elle a ainsi excédé ses compétences et commis une erreur de droit ; que la revue Clartés diffuse des analyses approfondies sur des sujets variés ; que ses articles ont, au regard de son objet, un lien suffisant avec l'actualité pour qu'elle ait le caractère d'une publication de presse ; que la commission s'est en conséquence fondée sur des faits inexacts et a retenu une appréciation erronée ; que sa décision méconnaît en outre le principe d'égalité et porte une atteinte illégale à la liberté de la presse ; qu'un doute sérieux existe ainsi sur sa légalité ;

Vu les décisions dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de ces décisions ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2006, présenté par le ministre de la culture et de la communication, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre de la culture et de la communication indique que, s'il ne dispose pas d'éléments suffisants pour apprécier les conséquences de la mesure contestée sur l'équilibre de l'exploitation de la société requérante, le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée s'applique indépendamment de cette décision à certaines activités de la société Editions Clartés ; il soutient en outre que les moyens invoqués par cette société ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision dont elle demande la suspension ; qu'en effet, pour bénéficier des aides à la presse, une publication périodique doit consacrer une place significative dans le domaine qui lui est propre ; que la revue Clartés, qui a principalement pour objet de publier des articles de caractère encyclopédique sans lien avec l'actualité, ne satisfait pas à cette condition ; que la commission a en conséquence exactement qualifié les faits ; que sa décision, qui fait une correcte application des textes en vigueur, ne méconnaît ni le principe d'égalité ni la liberté de la presse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles D. 18 à D. 28 ;

Vu l'annexe III au code général des impôts, notamment ses articles 72 et 73 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SOCIETE EDITIONS CLARTES et d'autre part, la commission paritaire des publications et agences de presse ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 18 juillet 2006 à 11 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société requérante ;

- les représentants de la SOCIETE EDITIONS CLARTES ;

- les représentants du ministre de la culture et de la communication ;

Considérant qu'en vertu de l'article L 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative lorsque l'urgence le justifie et qu'il fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;

Considérant que les articles 72 de l'annexe III au code général des impôts et D. 18 du code des postes et communications électroniques prévoient des avantages fiscaux et postaux dont ils réservent le bénéfice aux journaux et publications périodiques qui présentent « un lien avec l'actualité, apprécié au regard de l'objet de la publication » et qui ont un « caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée : instruction, éducation, information, récréation du public » ;

Considérant, d'une part, que la revue « Clartés » est une revue mensuelle d'information, qui publie des articles dans des domaines variés, d'ordre historique, géographique, culturel, scientifique, médical et juridique ; qu'elle a bénéficié depuis 1948 des avantages fiscaux et postaux auxquels les décisions dont la suspension est demandée lui interdisent de continuer à prétendre ; que, pour prendre ces décisions, la commission paritaire des publications et agences de presse s'est fondée sur ce que la revue « Clartés » est une collection de caractère encyclopédique qui rassemble « des articles majoritairement sans lien avec l'actualité » ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'après avoir publié chaque trimestre une rubrique intitulée « revue trimestrielle d'information », la revue Clartés comporte, dans chaque numéro mensuel, une rubrique intitulée « regards sur » ; que le choix des thèmes traités dans cette rubrique est opéré notamment en fonction de l'actualité ; qu'il en va de même du choix des articles de certaines autres rubriques de la revue tandis que les articles à caractère documentaire contribuent à la réflexion sur des sujets qui ne sont pas dépourvus de lien avec l'actualité ; qu'enfin un supplément annuel de la revue est consacré à la chronologie des principaux évènements de l'année ; que ces différents éléments doivent être appréciés au regard de l'objet, dont le champ est large, de la publication ; que, dans cas conditions, le moyen tiré de ce que la commission aurait insuffisamment pris en compte les particularités de l'objet de la revue « Clartés » et aurait, par suite, inexactement apprécié les critères définis par les textes dont elle est chargée d'assurer l'application paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions dont la suspension est demandée ;

Considérant, d'autre part, que la SOCIETE EDITIONS CLARTES n'a pas d'autre objet que d'assurer la publication de la revue « Clartés » ; que les fonds propres de cette société sont limités ; qu'il résulte de l'instruction que les conséquences que l'exécution des décisions dont la suspension est demandée entraînerait sur l'équilibre économique de la revue seraient de nature à compromettre de manière immédiate la continuité de sa publication ; que la condition d'urgence est, par suite, remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SOCIETE EDITIONS CLARTES est fondée à demander la suspension de l'exécution des décisions contestées ; que cette suspension rétablira, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête à fin d'annulation, le bénéfice des avantages fiscaux et postaux auparavant accordés à la société requérante ; que, s'il appartient, le cas échéant, à la commission paritaire des publications et agences de presse de réexaminer la situation de la SOCIETE EDITIONS CLARTES au regard des motifs de la présente ordonnance, il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir la suspension prononcée ni d'une injonction ni d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que la SOCIETE EDITIONS CLARTES demande en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution des décisions du 16 mars et du 23 mai 2006 par lesquelles la commission paritaire des publications et agences de presse a refusé à la SOCIETE EDITIONS CLARTES de renouveler son certificat d'inscription est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête à fin d'annulation de ces décisions.

Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE EDITIONS CLARTES la somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE EDITIONS CLARTES , à la commission paritaire des publications et agences de presse et au ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 294750
Date de la décision : 18/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2006, n° 294750
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:294750.20060718
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