La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/07/2006 | FRANCE | N°271256

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 21 juillet 2006, 271256


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août 2004 et 17 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Kheira A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 septembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 juin 1999 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations rejetant sa demande de pension de réversion ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 30 juin 1999

du directeur de la Caisse des dépôts et consignations ;

3°) d'enjoindre à la...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août 2004 et 17 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Kheira A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 septembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 juin 1999 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations rejetant sa demande de pension de réversion ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 30 juin 1999 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations ;

3°) d'enjoindre à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales de liquider, dans un délai de deux mois, la pension de retraite à laquelle elle a droit pour l'avenir et de lui verser, dans le même délai, une somme correspondant aux arrérages échus depuis le 30 décembre 1997, avec les intérêts ayant couru à partir de la date à laquelle chacun d'eux aurait dû être servi, ainsi que la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 1 500 euros à verser à la SCP Bachellier-Potier de la Varde au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966 modifiant l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 47-1846 du 19 septembre 1947 portant règlement d'administration publique pour la constitution de la caisse nationale de retraite prévue à l'article 3 de l'ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 relative aux services publics des départements et des communes et de leurs établissements publics ;

Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 modifié portant règlement d'administration publique et modifiant le décret n° 49-1416 du 5 octobre 1949 pris pour l'application de l'article 3 de l'ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 et relatif au régime de retraite des tributaires de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;

Vu le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application de la loi n° 2003-773 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Bardou, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :

Considérant que, pour rejeter la demande de Mme A tendant à l'annulation de la décision du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations lui refusant le bénéfice de la réversion de la pension octroyée à son mari, décédé le 30 décembre 1997, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il résulte de l'article L. 2 de ce code que ses dispositions ne s'appliquent pas aux ressortissants de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ou à leurs ayants cause ; que, dès lors, le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et doit être annulé ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations du 30 juin 1999 :

Considérant que le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a rejeté le recours gracieux de Mme A au motif que seuls les ayants cause de nationalité française peuvent prétendre à une pension ; qu'aux termes de l'article 56 du décret du 9 septembre 1965, le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension… est suspendu : … par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité ; qu'il n'est pas contesté que Mme A n'a pas opté pour la nationalité française en application du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 20 décembre 1966 et ainsi, est réputée avoir perdu cette nationalité au 1er janvier 1963 ;

Considérant toutefois que si les droits à pension de réversion s'apprécient au regard de la législation applicable à la date du décès du titulaire de la pension, le juge de plein contentieux, lorsqu'il est saisi d'une demande dirigée contre une décision refusant une pension, est tenu de rechercher si les dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de son jugement sont susceptibles de créer des droits au profit de l'intéressé ; que toute condition de nationalité pour obtenir le bénéfice d'une pension de retraite pour les ressortissants de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a été supprimée par le décret du 26 décembre 2003 qui a abrogé et remplacé, à compter du 1er janvier 2004, le décret du 9 septembre 1965 ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme A, qui se borne à demander au juge des pensions le bénéfice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, est fondée à demander la réversion, à compter du 1er janvier 2004, de la pension de retraite servie à son mari ; que la décision litigieuse doit, dès lors, être annulée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bachellier-Potier de la Varde renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de renvoyer Mme A devant le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations pour qu'il soit procédé à un nouvel examen de sa demande, au vu des nouvelles circonstances de droit énoncées plus haut et à la reconstitution de ses arrérages courus depuis le 1er janvier 2004 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 3 septembre 2003, ensemble la décision du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations du 30 juin 1999 sont annulés.

Article 2 : Mme A est renvoyée devant la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales pour qu'il soit procédé, dans un délai de deux mois, à un réexamen de sa demande tendant à la liquidation de la pension de réversion ainsi qu'à la reconstitution, eu égard aux motifs de la présente décision, de ses droits à pension depuis le 1er janvier 2004.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 4 : La Caisse des dépôts et consignations versera à la SCP Bachellier-Potier de la Varde, avocat de Mme A, la somme de 1 500 euros, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Kheira A à la Caisse des dépôts et consignations, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 271256
Date de la décision : 21/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2006, n° 271256
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Gilles Bardou
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:271256.20060721
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award