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24/07/2006 | FRANCE | N°230036

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 24 juillet 2006, 230036


Vu 1°) sous le n° 230036, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février 2001 et 7 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Karl A, demeurant ... BP 48 à Uturoa (Polynésie française) ; M. A demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 7 novembre 2000 qui a rejeté son appel dirigé contre le jugement en date du 4 novembre 1997 du tribunal administratif de Papeete rejetant sa demande tendant à la condamnation de la Polynésie française à lui verse

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Vu 1°) sous le n° 230036, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février 2001 et 7 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Karl A, demeurant ... BP 48 à Uturoa (Polynésie française) ; M. A demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 7 novembre 2000 qui a rejeté son appel dirigé contre le jugement en date du 4 novembre 1997 du tribunal administratif de Papeete rejetant sa demande tendant à la condamnation de la Polynésie française à lui verser la somme de 826.425.699 F CFP (soit 6.930.021,2 euros) en réparation des préjudices qu'il a subis ;

2°) statuant au fond, de condamner le territoire à réparer les préjudices qu'il a subis avec les intérêts légaux à compter de la première demande et leur capitalisation à la date du 7 juin 2001 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 20.000 F (3.048,98 €) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°) sous le n° 238708, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 octobre 2001 et le 4 février 2002, présentés pour M. Karl A, demeurant Quartier Tepua, Ile de Raiatea, BP 48, Uturoa (Polynésie française) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 4 juillet 2001 qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 14 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 1997 de la Polynésie française qui a réduit le montant de la subvention allouée à son projet d'investissement et à la condamnation du territoire à lui verser avec intérêts au taux légal les troisième et quatrième fractions de cette subvention ;

2°) de mettre à la charge du territoire de la Polynésie française la somme de 3 049 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la délibération n° 83-95 du 2 juin 1983 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française ;

Vu l'arrêté n° 1168 CM du 20 décembre 1993 modifié fixant la composition de la commission des investissements ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Karl A et de Me Foussard, avocat du président de la Polynésie française,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes présentées par M. A sont relatives au même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête n° 230036 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la création de l'exploitation agricole et apicole de M. A a été agréée au titre du code des investissements par un arrêté du président du gouvernement de la Polynésie française en date du 5 juillet 1985 pour un montant d'investissement prévu de 152 330 000 F CFP ; que conformément à cet arrêté, cette opération a fait l'objet, le 26 mai 1986, d'une convention entre le territoire et M. A, d'une durée de 11 ans, par laquelle le territoire consentait une prime à l'investissement, des exonérations fiscales et un remboursement de charges patronales pour un montant total de 35 036 000 F CFP en contrepartie de la réalisation d'un programme d'investissement du montant prévu qui devait être réalisé sur une période de six ans ; que M. A ayant rencontré dans son exploitation des difficultés dont il rend le territoire responsable, il a saisi le tribunal administratif de Papeete d'une demande tendant à ce que le territoire soit condamné à lui verser la somme de 826 425 699 F CFP (6 930 021,2 euros) en réparation de divers préjudices ; que M. A se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qui a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 4 novembre 1997 qui avait rejeté sa demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable et repris à l'article R. 711-2 du code de justice administrative : Toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux articles R. 139 ou R. 140, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience./ Dans les deux cas, l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre avertissant M. Karl Meyer du jour de l'audience de la cour administrative d'appel de Paris, au cours de laquelle sa requête allait être examinée, a été adressée à l'avocat du requérant à Uturoa dans l'Ile de Raiatea le 12 octobre 2000 et reçue par celui-ci le 25 octobre 2000, soit le jour même de l'audience de cette cour ; qu'ainsi l'arrêt attaqué ayant été rendu en méconnaissance de l'article R. 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, M. A est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée par la Polynésie française ;

Considérant, en premier lieu, que M. A soutient que le service de l'économie rurale du territoire a été dans l'incapacité de lui fournir des graines de teck et des tuteurs de vanille en quantité suffisante au cours des années 1986 et 1987 et que ces défaillances fautives qui ont affecté le développement de son exploitation engagent la responsabilité du territoire ; que toutefois, il ne résulte d'aucune disposition de la délibération de l'assemblée territoriale de la Polynésie française du 2 juin 1983 portant code des investissements ni de l'arrêté d'agrément du 5 juillet 1985 ni de l'obligation générale d'assistance technique et de conseil à l'investisseur mise à la charge de ce service pendant la durée de réalisation de l'investissement par la convention du 28 mai 1986 que le territoire était tenu, dans le cadre du programme d'aide à l'investissement, d'approvisionner M. A en graines de teck et en tuteurs de vanille ; que le territoire ne s'est pas non plus engagé à ces fournitures en dehors de la convention ; que dès lors la demande d'indemnisation de M. A pour ce chef de préjudice ne peut qu'être rejetée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 11 de l'arrêté du conseil du gouvernement du 23 juillet 1982 relatif aux conditions sanitaires auxquelles doivent satisfaire les animaux importés, seule l'importation sur le territoire de la Polynésie française des reines d'abeilles est autorisée sous réserve de la production d'un certificat sanitaire délivré par les autorités compétentes du pays d'origine et de provenance ; que cette disposition doit être regardée comme interdisant, sans possibilité de dérogation, l'importation d'essaims d'abeilles ; que, par suite, la demande d'indemnisation du préjudice résultant du refus opposé par le territoire à M. A, le 9 février 1987, à sa demande d'importer des essaims d'abeilles, doit être rejetée ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A soutient avoir subi un préjudice du fait des entraves mises à l'exportation de sa récolte d'ananas par le ministre de l'agriculture du territoire en 1989 ; que malgré le soutien apporté par le ministre à une société d'exportation d'ananas dont les actionnaires étaient des fonctionnaires de son ministère et le démontage des installations collectives nécessaires au tri et à l'emballage des ananas auquel il est soutenu que le ministre aurait fait procéder, M. A a pu exporter sa récolte d'ananas en 1989 et n'établit pas qu'il aurait été empêché de poursuivre l'exploitation de ce fruit au cours des années suivantes ; que dès lors, en l'absence d'un préjudice certain, la demande d'indemnité que M. A formule à ce titre doit être rejetée ;

Considérant enfin que si M. A soutient que le refus du gouvernement du territoire de Polynésie française de reconnaître l'existence des préjudices qu'il a subis méconnaît les principes d'égalité, de bonne foi et de confiance légitime consacrés par la Cour de justice des Communautés européennes, ces allégations ne sont pas, en tout état de cause, assorties de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 novembre 1997, le tribunal administratif de Papeete a rejeté ses demandes d'indemnités pour les divers préjudices allégués ;

Sur la requête n° 238708 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si les première et deuxième fractions de la prime d'investissement ont été versées à M. A, le versement de la troisième fraction de cette prime était, selon les stipulations de la convention, subordonné à la réalisation de 90 % du programme d'investissement ; que M. A, ayant rencontré des difficultés dans son exploitation, n'a pu atteindre l'objectif que lui assignait la convention ; que le président du gouvernement de la Polynésie française, après avis de la commission des investissements a, par un arrêté du 26 janvier 1997, modifié l'arrêté du 5 juillet 1985 en annulant l'article 2 qui fixe le montant de l'investissement servant de base au calcul des avantages pour lui substituer une aide limitée à la somme de 13 057 912 F CFP correspondant à l'investissement de 56 773 531 F CFP réalisé ; que M. A se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 4 juillet 2001 qui a rejeté sa requête tendant d'une part, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Papeete rejetant sa demande d'annulation de l‘arrêté du 26 janvier 1997 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au territoire de verser les troisième et quatrième fractions de la subvention avec intérêts au taux légal ;

Considérant que M. A soutient que la cour, en ne répondant pas au moyen tiré de ce que les agissements et les manquements de la Polynésie française l'ont mis dans l'incapacité de réaliser les objectifs assignés par la convention du 26 mai 1986, a insuffisamment motivé son arrêt et l'a entaché d'erreur de droit ; que ce moyen n'a pas été pas soulevé dans la requête d'appel et était en outre inopérant ; que dés lors, l'arrêt attaqué est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune erreur de droit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, contrairement à ce soutient M. A, la cour administrative d'appel ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que l'intéressé n'avait pas réalisé dans un délai de six ans et à hauteur de 90 %, comme le prévoyait la convention, le programme d'investissement éligible aux diverses aides fiscales, sociales et à la prime pour l'investissement d'un montant de 152 millions de F CFP, qui ouvrait droit au versement de la troisième prime d'aide à l'investissement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions présentées, dans ces deux affaires, devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Paris et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française le versement des sommes demandées par M. A ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A les sommes que demande la Polynésie française ;

D E C I D E :

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Article 1er : Sous le n° 230036, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 7 novembre 2000 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A sous le n° 230036 est rejeté.

Article 3 : Sous le n° 238708, la requête de M. A est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Karl. A, au président de la Polynésie française et au ministre de l'outre-mer.


Synthèse
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 230036
Date de la décision : 24/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2006, n° 230036
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:230036.20060724
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