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24/07/2006 | FRANCE | N°247769

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 24 juillet 2006, 247769


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE CEGEDIM, dont le siège est 116, rue d'Aguesseau BP 405 à Boulogne-billancourt (92103) ; la SOCIETE CEGEDIM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mars 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relatif à la mise à la disposition du public, pour un usage de rediffusion, de la base de données électroniques de l'institut national de la statistique et des études économiques dénommée SIRENE ;
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Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE CEGEDIM, dont le siège est 116, rue d'Aguesseau BP 405 à Boulogne-billancourt (92103) ; la SOCIETE CEGEDIM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mars 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relatif à la mise à la disposition du public, pour un usage de rediffusion, de la base de données électroniques de l'institut national de la statistique et des études économiques dénommée SIRENE ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 € qu'elle demande au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu le décret n° 73-314 du 14 mars 1973 modifié portant création d'un système national d'identification et d'un répertoire des entreprises et de leurs établissements ;

Vu le décret n° 95-171 du 17 février 1995 relatif à la rémunération de certains services rendus par l'Institut national de la statistique et des études économiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) gère le répertoire national d'identification des entreprises et de leurs établissements, dénommé base de données SIRENE, qui comprend des informations relatives aux entreprises ; que cette base de données, après des travaux d'amélioration, est commercialisée par l'INSEE sous la forme de licences d'usage final interdisant de communiquer les données aux tiers et sous la forme de licences de rediffusion permettant la commercialisation des données de la base auprès de tiers ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a pris le 12 mars 2002 deux arrêtés relatifs respectivement aux prix de cession pour usage final des produits issus de la base de données SIRENE et à la mise à disposition du public, pour un usage de rediffusion, de cette base de données ; que la société CEGEDIM, qui commercialise des fichiers élaborés à partir du répertoire SIRENE après y avoir appliqué ses propres opérations d'enrichissement, demande l'annulation de ce second arrêté ;

Considérant que, par un jugement avant dire droit en date du 2 avril 2003, le Conseil d'Etat a écarté le moyen tiré de ce que les droits privatifs perçus par l'Etat à l'occasion de la mise à disposition du public, pour un usage de rediffusion, de la base de données SIRENE, feraient obstacle, en raison de leur caractère excessif, à l'activité concurrentielle d'autres opérateurs et que leur perception constituerait par suite un abus de position dominante méconnaissant les dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce ;

Considérant que la société CEGEDIM soulève en outre, à l'appui de ses conclusions, le moyen tiré de ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne pouvait légalement prendre en compte, pour déterminer le montant de la redevance acquittée par les rediffuseurs, le coût des opérations d'amélioration de la base SIRENE et le moyen tiré de ce que cette redevance devrait, en tout état de cause, baisser en raison de l'augmentation du nombre des clients de l'INSEE entre lesquels l'Institut doit répartir les coûts de la mise à disposition des produits issus de sa base de données afin de ne pas faire de bénéfices ;

En ce qui concerne l'instruction de l'affaire :

Considérant qu'après avoir pris connaissance des premiers échanges de mémoires écrits, puis de ceux produits en réponse au jugement avant dire droit du 2 avril 2003, la dixième sous-section de la section du contentieux a, pour une meilleure instruction de l'affaire, prescrit et diligenté, conformément aux articles R. 623-1 et suivants du code de justice administrative, une enquête au cours de laquelle elle a entendu contradictoirement l'ensemble des parties ; que le procès-verbal de ces débats oraux a été joint au dossier de l'instruction écrite ; que c'est en cet état de l'instruction que la formation de jugement a délibéré ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé dans le jugement avant dire droit mentionné plus haut, la redevance correspondant à la mise à disposition de la base de données SIRENE, qui doit être regardée comme une oeuvre collective, peut légalement inclure des droits relevant de la propriété intellectuelle au profit de l'INSEE ;

Considérant que l'arrêté attaqué en date du 12 mars 2002 fixe notamment le prix de mise à disposition de tout ou partie de cette base, ainsi que celui de l'abonnement obligatoire aux mises à jour à périodicité, au choix du rediffuseur, quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou trimestrielle ; qu'il impose, en outre, une redevance de 1,22 euros pour cent unités documentaires en cas de cession à un utilisateur final pour un usage unique et de 3,05 euros pour cent unités documentaires en cas de cession pour un usage multiple ; que le montant de cette redevance est plafonné, pour chaque opération de rediffusion liée à un produit déterminé, à usage unique ou à usage multiple, à 48 784 euros ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le « coût d'amélioration de la base SIRENE » ne comprend pas celui, plus de quatre fois supérieur, de l'activité statistique et de tenue du répertoire national d'identification des entreprises et de leurs établissements, lesquelles relèvent des missions de service public liées à la base de données SIRENE ; qu'il y a lieu, en effet, de distinguer, dans le contenu du répertoire, d'une part, les « renseignements d'identification » énoncés à l'article 4 du décret du 14 mars 1973 modifié portant création d'un système national d'identification et d'un répertoire des entreprises et de leurs établissements et, d'autre part, les « renseignements » de l'article 5 qui « sont également portés au répertoire » mais dont la mise à jour n'est pas requise ; que l'INSEE peut, par suite, prendre en compte, pour déterminer le montant de la redevance demandée aux rediffuseurs, le coût des opérations d'amélioration de la base SIRENE ;

Considérant, en second lieu, que les tarifs fixés par l'arrêté attaqué, en incluant des droits relevant de la propriété intellectuelle, peuvent conduire l'INSEE à faire des profits, notamment au cas où le volume du marché sur lequel opèrent les rediffuseurs vient à s'accroître ;

Mais considérant d'une part, qu'ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat dans la décision avant dire droit du 2 avril 2003, ces droits ne doivent pas faire obstacle par leur caractère excessif à l'activité concurrentielle d'autres opérateurs économiques lorsque ces données constituent pour ces derniers une ressources essentielle pour élaborer un produit ou offrir une prestation sur un marché ; que toutefois, en l'espèce, cette même décision constate que le montant de la redevance réclamée n'est pas de nature à empêcher les rediffuseurs d'exercer leur activité ;

Considérant d'autre part, que ces droits relevant de la propriété intellectuelle et artistique, ne doivent pas conduire l'opérateur public à réaliser des profits d'un montant manifestement disproportionné ; qu'il ne ressort pas de l'instruction que les montants de bénéfices que la perception par l'INSEE de la redevance dont les tarifs sont contestés, pourrait lui permettre de réaliser, seraient, au niveau où ces tarifs ont été fixés par l'arrêté attaqué, manifestement disproportionnés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fins d'annulation contenues dans la requête de la SOCIETE CEGEDIM doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, le versement de la somme de 15000 euros réclamée par la SOCIETE CEGEDIM au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SOCIETE CEGEDIM doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE CEGEDIM est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CEGEDIM, à l'Institut national de la statistique et des études économiques, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 247769
Date de la décision : 24/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14 PROCÉDURE. INSTRUCTION. MOYENS D'INVESTIGATION. VÉRIFICATION ADMINISTRATIVE. - MISE À DISPOSITION D'OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES DE LA BASE DE DONNÉES SIRENE PAR L'INSEE - A) REDEVANCE PERÇUE EN CONTREPARTIE POUVANT LÉGALEMENT INCLURE DES DROITS RELEVANT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE [RJ1] - B) LIMITES - 1) MONTANT DES DROITS NE POUVANT FAIRE OBSTACLE À L'ACTIVITÉ CONCURRENTIELLE [RJ2] - 2) DROITS NE POUVANT CONDUIRE L'INSEE À RÉALISER DES PROFITS D'UN MONTANT MANIFESTEMENT DISPROPORTIONNÉ.

14 a) La redevance correspondant à la mise à disposition de la base de données SIRENE, qui doit être regardée comme une oeuvre collective, peut légalement inclure des droits relevant de la propriété intellectuelle au profit de l'INSEE. En incluant ces droits, les tarifs fixés pour cette redevance peuvent conduire l'INSEE à faire des profits, notamment au cas où le volume du marché sur lequel opèrent les rediffuseurs vient à s'accroître.... ...b) 1) Toutefois, ces droits ne doivent pas faire obstacle par leur caractère excessif à l'activité concurrentielle d'autres opérateurs économiques lorsque ces données constituent pour ces derniers une ressource essentielle pour élaborer un produit ou offrir une prestation sur un marché.,,b) 2) Par ailleurs, ces droits relevant de la propriété intellectuelle et artistique ne doivent pas conduire l'opérateur public à réaliser des profits d'un montant manifestement disproportionné.


Références :

[RJ1]

Cf 2 avril 2003, Société CEGEDIM, n°247769 (avant-dire droit), inédit au recueil.,,

[RJ2]

Rappr. 29 juillet 2002, Société CEGEDIM, p. 280.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2006, n° 247769
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: Mlle Verot Célia

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:247769.20060724
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