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26/07/2006 | FRANCE | N°266087

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 26 juillet 2006, 266087


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 23 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marcel A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 janvier 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête à concurrence des sommes de 235 708 F en matière d'impôt sur le revenu et de 63 347 F en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a rejeté le surplus des conclusions de sa

requête dirigée contre le jugement du 21 décembre 1998 du tribunal admin...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 23 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marcel A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 janvier 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête à concurrence des sommes de 235 708 F en matière d'impôt sur le revenu et de 63 347 F en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête dirigée contre le jugement du 21 décembre 1998 du tribunal administratif de Versailles le déboutant de sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984 à 1986, et, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 26 avril 1984 au 30 avril 1987 ;

2°) statuant au fond, de prononcer la décharge de l'intégralité des impositions litigieuses ainsi que des pénalités y afférentes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A qui exploite une activité de négoce de véhicules neufs et d'occasion à Saint-Germain-lès-Arpajon dans l'Essonne depuis le 26 avril 1984, n'a pas déposé dans les délais légaux ses déclarations au titre des bénéfices industriels et commerciaux réalisés au cours des exercices 1985 et 1986, ses déclarations de revenus au titre des années 1984, 1985 et 1986 et ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 26 avril 1984 au 30 avril 1987 ; qu'il a fait, au titre de ces périodes, l'objet d'une vérification de comptabilité dont l'avis, remis le 27 mai 1987, indiquait que les opérations de vérification commenceraient le 5 juin 1987 ; qu'il a demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles il a été assujetti en vertu des redressements qui lui ont été notifiés à la suite de cette vérification ; qu'il demande l'annulation de l'arrêt du 21 janvier 2004 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il rejette la fraction demeurée en litige de ces impositions ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que pour écarter le moyen tiré par M. A de ce que la vérification de sa comptabilité aurait commencé le jour même de la remise de l'avis de vérification, en violation de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel de Paris a relevé qu'il résulte de l'instruction, et notamment du relevé qui a été signé par le contribuable, que le vérificateur s'est borné, le 27 mai 1987, à dresser un inventaire des documents comptables présentés et une liste des véhicules se trouvant sur la surface de vente de l'entreprise, en relevant leur prix de vente affiché et leur kilométrage, ainsi qu'à établir un procès-verbal des livres comptables non tenus ; qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond que la seule pièce signée par le contribuable le 27 mai 1987 qui y figure, est le procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité auquel n'est pas joint l'inventaire mentionné par la cour ; qu'il en résulte que l'arrêt attaqué a dénaturé ces pièces ; qu'il y a lieu, pour ce motif, de l'annuler en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête de M. A ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : … une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification… En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ;

Considérant que si M. A soutient que la vérification de sa comptabilité a commencé dès la visite inopinée du vérificateur le 27 mai 1987, il résulte de l'instruction que ce dernier s'est alors borné à examiner l'existence et l'état des documents comptables et qu'il a consigné ses constatations dans un procès-verbal des livres comptables non tenus ; qu'il a pu, sans confronter les documents comptables inventoriés aux déclarations de l'intéressé, constater l'absence, au titre de l'exercice 1986, de mention des amortissements au journal des opérations diverses qui doivent y figurer, et en déduire l'absence de comptabilisation de ces amortissements relevée dans la notification de redressements du 5 août 1987 ; qu'ainsi, et nonobstant la mention des dates de déroulement de la vérification de comptabilité figurant sur cette notification, M. A n'est pas fondé à soutenir que le vérificateur aurait procédé à l'examen au fond de ses documents comptables sans respecter le délai raisonnable ouvert par la remise de l'avis de vérification qu'imposent les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; qu'au demeurant, la situation de taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article L. 66-3° du livre des procédures fiscales, et d'évaluation d'office de ses bénéfices industriels et commerciaux en vertu de l'article L. 73-1° du même livre, où le plaçaient le défaut de déclaration de son chiffre d'affaires au titre de l'ensemble de la période d'imposition litigieuse et le défaut de déclaration de son bénéfice imposable, nonobstant la déclaration régulière de ses revenus de 1984, rend inopérant pour les impositions correspondantes le moyen tiré de ce que la vérification de la comptabilité aurait été irrégulière ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, la notification de redressements du 5 août 1987 mentionne la base et les éléments de calcul du redressement relatif aux amortissements déduits au titre de l'année 1986 ; qu'elle est ainsi conforme aux dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales applicable dès lors que les bénéfices industriels et commerciaux de ladite année ont fait l'objet d'une procédure d'évaluation d'office non contestée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 256-1 dans sa rédaction alors en vigueur : L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis, 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement. De même, ils n'ont pas à être portés lorsque le contribuable n'a pas fait la déclaration nécessaire au calcul des droits ; que, faute pour M. A d'avoir souscrit dans les délais légaux ses déclarations de chiffre d'affaires, l'administration était dispensée de porter les éléments du calcul des droits dans les avis de mise en recouvrement qu'elle lui a adressés le 25 juin 1986 ; que le contribuable n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la mention d'une date de notification de redressements erronée sur ces avis de mise en recouvrement constituerait un vice de procédure ; que si l'avis de mise en recouvrement du 10 février 1988 portait la mention erronée avril 1984 sous la rubrique correspondant à la période d'imposition alors que les rappels concernés étaient établis au titre de la période du 26 avril 1984 au 30 avril 1987, cette erreur matérielle demeure sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que l'avis litigieux renvoyait expressément à la notification de redressements du 5 août 1987 qui permettait au redevable d'identifier sans ambiguïté la période exacte d'imposition ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le vérificateur aurait écarté à tort comme non probante la comptabilité de l'entreprise de négoce d'automobiles exploitée par M. A est inopérant dès lors que le service n'a procédé à aucune reconstitution extra-comptable des recettes de cette entreprise ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts alors applicable : Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues aux 2° et 3° du II et au III de l'article 44 bis, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt-quatre mois suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les société que pour la moitié de leur montant ; qu'aux termes du 2° du II de l'article 44 bis : A la clôture de l'exercice, le prix de revient des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en application des dispositions du 1 de l'article 39 A doit représenter au moins les deux tiers du prix de revient total des immobilisations corporelles amortissables ; les entreprises qui ne remplissent pas cette condition à la clôture de leur premier exercice peuvent pratiquer l'abattement à titre provisoire ; cet avantage leur sera définitivement acquis si le pourcentage des deux tiers est atteint à la clôture de l'exercice suivant ; que M. A ne précise pas la nature des équipements relevant du mode d'amortissement dégressif détenus par son entreprise, ni le montant de leur prix de revient par rapport au montant du prix de revient total des immobilisations corporelles amortissables ; qu'il ne peut être ainsi regardé comme apportant la justification du respect de la condition fixée par les dispositions précitées de l'article 44 bis à la clôture du premier ou du deuxième exercice de l'entreprise de négoce automobile créée le 26 avril 1984 ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration a refusé de lui appliquer l'exonération prévue par l'article 44 quater ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A soutient à juste titre que le vérificateur ne pouvait fonder la réintégration des amortissements déduits au titre de l'exercice 1986, motivée par leur absence de comptabilisation, sur les dispositions de l'article 39 B du code général des impôts relatives au montant minimal de l'amortissement que les entreprises doivent pratiquer ; que l'administration a cependant fait valoir au cours de la procédure contentieuse, comme elle en a le droit, que le redressement litigieux trouve son fondement dans les dispositions de l'article 39-1-2° du même code prévoyant que le bénéfice net est établi sous déduction des amortissements réellement effectués par l'entreprise, dont il résulte que ne peuvent être déduits du bénéfice imposable que les amortissements qui ont été effectivement inscrits dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés et qu'il appartient au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise ; que les pièces produites par le requérant n'établissent pas qu'il en ait été ainsi pour les amortissements déduits du résultat de l'exercice 1986 ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. A fait valoir que, du fait d'une erreur commise dans les déclarations qu'il a souscrites, une partie des revenus imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux selon le régime du forfait en tant que revenus tirés de la location d'un fonds de commerce de garage situé à Corgnac-sur-l'Isle (Dordogne), auraient été également imposés à tort en tant que revenus fonciers, au titre des années 1984 et 1985 ; que, toutefois, les pièces produites par le requérant ne permettent pas d'identifier les sommes déclarées à tort dans la catégorie des revenus fonciers ; qu'il n'apporte pas la preuve de ce que le montant des travaux déduits des revenus fonciers déclarés au titre de l'année 1986 aurait dû, en réalité, faire l'objet d'un amortissement pour la détermination du bénéfice industriel et commercial de ladite année ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les contribuables peuvent demander que le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent aux opérations d'un exercice donné soit déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice ; qu'aux termes de l'article L. 79 du même livre : Les dispositions des articles L. 77 et L. 78 sont applicables, dans les mêmes conditions, en cas de vérifications séparées des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées et de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, l'imputation prévue en ce qui concerne les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées n'est effectuée que si la vérification des bases de ces taxes est achevée avant celle des bases des deux autres impôts ; que seuls, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à une vérification de comptabilité sont déductibles, en application de ces dispositions, des compléments d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés établis à la suite d'un contrôle de même nature ; que le requérant ne peut par suite demander que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés par les avis de mise en recouvrement du 25 juin 1986 au titre de la période du 26 avril 1984 au 29 février 1986 à la suite d'un contrôle sur pièces soit déduits des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1984 à 1986 à la suite de la vérification de comptabilité réalisée en 1987 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 21 janvier 2004 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la requête de M. A devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Marcel A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 266087
Date de la décision : 26/07/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2006, n° 266087
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:266087.20060726
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