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26/07/2006 | FRANCE | N°270008

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 26 juillet 2006, 270008


Vu le recours, enregistré le 16 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER ; le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 23 mars 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel des consorts C annulé le jugement du 20 septembre 2000 du tribunal administratif de Grenoble rejetant leur demande tendant à l'annulation de l'

arrêté du 9 mars 1998 du préfet de la Haute-Savoie déclarant ...

Vu le recours, enregistré le 16 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER ; le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 23 mars 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel des consorts C annulé le jugement du 20 septembre 2000 du tribunal administratif de Grenoble rejetant leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 1998 du préfet de la Haute-Savoie déclarant cessibles les parcelles de terrain leur appartenant et nécessaires à l'exécution des travaux de réalisation de la zone de dépôts le Vallon de Combes et annulé ledit arrêté en tant qu'il déclare cessibles les parcelles leur appartenant cadastrées D 3235, D 407, D 3234 et D 1924 sur le territoire de la commune de Cruseilles ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête présentée par les consorts A devant la cour administrative d'appel de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu la loi du 29 décembre 1892 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par les consorts A :

Considérant que lorsqu'une décision de justice, conformément à son dispositif, a été notifiée à plusieurs ministres, le délai de recours contentieux court, à l'égard de chacun d'eux, à compter de la date à laquelle cette décision lui a été notifiée ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 23 mars 2004, contre lequel se pourvoit le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER, a été notifié à ce dernier, ainsi que le prévoyait son dispositif, le 24 mai 2004 ; qu'ainsi, même si l'arrêt attaqué a également été notifié à un autre ministre le 31 mars 2004, le délai de recours n'a commencé à courir à l'encontre du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER qu'à compter du 24 mai 2004 ; que, par suite, le recours de ce dernier, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 juillet 2004, soit dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 821-1 du code de justice administrative, n'est pas tardif ; qu'il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par les consorts A doit être écartée ;

Sur l'arrêt attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics : Lorsqu'il y a lieu d'occuper temporairement un terrain, soit pour en extraire ou ramasser des matériaux, soit pour y fouiller ou y faire des dépôts de terre, soit pour tout autre objet relatif à l'exécution de projets de travaux publics, civils ou militaires, cette occupation est autorisée par un arrêté du préfet.../ Cet arrêté indique d'une façon précise les travaux à raison desquels l'occupation est ordonnée, les surfaces sur lesquelles elle doit porter, la nature et la durée de l'occupation et la voie d'accès... et qu'aux termes de l'article 9 de la même loi : L'occupation des terrains... nécessaires à l'exécution des travaux publics ne peut être ordonnée pour un délai supérieur à cinq années./ Si l'occupation doit se prolonger au-delà de ce délai, et à défaut d'accord amiable, l'administration devra procéder à l'expropriation, qui pourra aussi être réclamée par le propriétaire dans les formes prescrites par la loi du 3 mai 1841 ;

Considérant que les dispositions de la loi du 29 décembre 1892, et notamment son article 9, n'ont ni pour objet, ni pour effet, d'interdire à l'administration de procéder, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à l'expropriation de parcelles de terrain à des fins d'occupation temporaire ; qu'en jugeant que l'expropriation des parcelles appartenant aux consorts A était illégale du seul fait que leur occupation avait un caractère temporaire et entrait ainsi dans le champ d'application de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur les moyens dirigés, par voie d'exception, contre la légalité de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 27 novembre 1997 déclarant d'utilité publique les travaux et les acquisitions de terrains nécessaires à la réalisation d'un dépôt de matériaux au Vallon des Combes :

Considérant que, si les consorts A soutiennent que les parcelles leur appartenant pouvaient faire l'objet d'une convention d'occupation temporaire, comme cela leur avait initialement été proposé, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette circonstance est sans influence sur la légalité de l'arrêté déclarant d'utilité publique l'acquisition de leurs parcelles ;

Considérant que, si les consorts A font valoir que la commune de Cruseilles pourrait utiliser les terrains concernés pour un objet autre que celui prévu par la déclaration d'utilité publique, cette circonstance, qui permettrait aux intéressés de faire jouer, le cas échéant, leur droit de rétrocession en application de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, est sans influence sur la légalité de l'arrêté déclarant d'utilité publique l'expropriation de ces parcelles ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Sur le moyen tiré de l'erreur entachant le périmètre de l'arrêté de cessibilité attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les consorts A, la parcelle cadastrée sous le n° 3532 servira, pour partie, d'assiette aux travaux hydrauliques rendus nécessaires par le dépôt, dans le Vallon des Combes , de matériaux provenant de la construction de l'autoroute A 41 et, pour partie, à recevoir ces mêmes dépôts ; qu'elle est, en outre, contiguë à des parcelles destinées en totalité à recevoir des dépôts ; que de telles utilisations sont expressément prévues par l'arrêté attaqué et correspondent à l'objet de l'arrêté du 27 novembre 1997 déclarant d'utilité publique les travaux et les acquisitions de terrains nécessaires à la réalisation d'un dépôt de matériaux au Vallon des Combes ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette parcelle aurait été incluse à tort dans le périmètre de l'arrêté de cessibilité attaqué doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 9 mars 1998 déclarant cessibles les parcelles nécessaires aux dépôts, installations, annexes, voiries, assainissements et installations de chantier en vue de l'exécution du dépôt de matériaux au Vallon des Combes et, subsidiairement, à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il concerne la parcelle n° 3532 leur appartenant ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse aux consorts A la somme que ceux-ci demandent au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 23 mars 2004 est annulé.

Article 2 : La requête présentée devant la cour administrative d'appel de Lyon par les consorts A est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les consorts A devant le Conseil d'Etat et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, à Mme Marie-Thérèse A, M. Louis-Jean A et Mme Catherine B et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE - NOTIONS GÉNÉRALES - IMMEUBLES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE EXPROPRIÉS - PARCELLES ENTRANT PAR AILLEURS DANS LE CHAMP D'APPLICATION DU RÉGIME D'OCCUPATION TEMPORAIRE PRÉVU PAR LA LOI DU 29 DÉCEMBRE 1892.

34-01-02 Les dispositions de la loi du 29 décembre 1892, et notamment son article 9, n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'administration de procéder, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à l'expropriation de parcelles de terrain à des fins d'occupation temporaire. En jugeant que l'expropriation de parcelles était illégale du seul fait que leur occupation avait un caractère temporaire et entrait ainsi dans le champ d'application de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892, une cour administrative d'appel commet dès lors une erreur de droit.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - NOTIFICATION À L'ETAT - DÉSIGNATION DE PLUSIEURS MINISTRES DANS LE DISPOSITIF - DÉLAI DE RECOURS CONTENTIEUX COURANT - À L'ÉGARD DE CHAQUE MINISTRE - À COMPTER DE LA NOTIFICATION QUI LUI A ÉTÉ FAITE DE LA DÉCISION [RJ1].

54-06 Lorsqu'une décision de justice, conformément à son dispositif, a été notifiée à plusieurs ministres, le délai de recours contentieux court, à l'égard de chacun d'eux, à compter de la date à laquelle cette décision lui a été notifiée.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - RECEVABILITÉ - DÉLAI D'APPEL - NOTIFICATION DU JUGEMENT À L'ETAT - DÉSIGNATION DE PLUSIEURS MINISTRES DANS LE DISPOSITIF - DÉLAI DE RECOURS CONTENTIEUX COURANT - À L'ÉGARD DE CHAQUE MINISTRE - À COMPTER DE LA NOTIFICATION QUI LUI A ÉTÉ FAITE DU JUGEMENT [RJ1].

54-08-01-01-03 Lorsqu'une décision de justice, conformément à son dispositif, a été notifiée à plusieurs ministres, le délai de recours contentieux court, à l'égard de chacun d'eux, à compter de la date à laquelle cette décision lui a été notifiée.

TRAVAUX PUBLICS - OCCUPATION TEMPORAIRE DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE POUR L'EXÉCUTION DE TRAVAUX PUBLICS - RÉGIME PRÉVU PAR LA LOI DU 29 DÉCEMBRE 1892 - OBSTACLE À L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE DE PARCELLES À DES FINS D'OCCUPATION TEMPORAIRE - ABSENCE.

67-04 Les dispositions de la loi du 29 décembre 1892, et notamment son article 9, n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'administration de procéder, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à l'expropriation de parcelles de terrain à des fins d'occupation temporaire. En jugeant que l'expropriation de parcelles était illégale du seul fait que leur occupation avait un caractère temporaire et entrait ainsi dans le champ d'application de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892, une cour administrative d'appel commet dès lors une erreur de droit.


Références :

[RJ1]

Comp. 31 mars 1971, Ministre de l'économie et des finances c/ Sieur Dejoux, p. 263.


Publications
Proposition de citation: CE, 26 jui. 2006, n° 270008
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Martine Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Date de la décision : 26/07/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 270008
Numéro NOR : CETATEXT000008221568 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-07-26;270008 ?
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