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26/07/2006 | FRANCE | N°272621

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 26 juillet 2006, 272621


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre 2004 et 27 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (M.A.I.F.), dont le siège est 200, avenue Salvador Allende à Niort Cedex 9 (79038) et M. Yves A, demeurant ... ; la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE et M. A demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 17 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 4 juin 2003 par lequel le tribunal administratif de Rennes a c

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre 2004 et 27 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (M.A.I.F.), dont le siège est 200, avenue Salvador Allende à Niort Cedex 9 (79038) et M. Yves A, demeurant ... ; la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE et M. A demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 17 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 4 juin 2003 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Port-Louis à leur verser diverses sommes en réparation des dommages matériels occasionnés au bateau dont M. A est propriétaire, au cours de la tempête qui s'est abattue dans la nuit du 19 au 20 décembre 1998 sur le port de plaisance du Driasker ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Le Prado, avocat de la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (M.A.I.F.) et de M. A, et de Me Odent, avocat de la commune de Port-Louis,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'une tempête s'est abattue dans la nuit du 19 au 20 décembre 1998 sur le port de plaisance du Driasker situé sur le territoire de la commune de Port-Louis (Morbihan), entraînant de nombreux arrachages, ruptures ou déformations de catways et de pontons ; que le bateau « An Hel » appartenant à M. A a été heurté, à bâbord, par le catway auquel il était amarré et qui avait été arraché et, à tribord, par un bateau voisin appartenant à M. B dont le catway avait été également arraché ;

Considérant que, pour estimer que cette tempête avait revêtu un caractère de force majeure, de nature à exonérer la commune de Port-Louis de la responsabilité qu'elle encourt en tant que concessionnaire des installations portuaires, la cour administrative d'appel de Nantes a relevé que l'intensité des vents, d'une vitesse moyenne maximale de 111 km/h sur une période de dix minutes, combinée au changement soudain de leur direction, passant d'ouest à nord/nord-ouest, et la marée haute, qui avait engendré un clapot d'un mètre de hauteur dans la zone portuaire, présentaient un caractère exceptionnel ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le port de plaisance du Driasker avait fait l'objet, le 26 mars 1992, soit six ans auparavant, d'une forte tempête avec des vents d'orientation nord-ouest, enregistrés à 115 km/h, endommageant les bateaux qui y étaient amarrés ; qu'ainsi, en retenant que la tempête du 20 décembre 1998 présentait un caractère imprévisible de nature à la faire regarder comme un événement de force majeure, la cour administrative d'appel de Nantes a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée ; que, par suite, la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE et M. A sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant que les dommages subis par le bateau de M. A ont été provoqués, d'une part, par le heurt du catway auquel il était attaché et qui a été arraché par la tempête, d'autre part, par le heurt d'une autre embarcation dont le catway avait aussi été arraché ; que, dès lors, un lien de causalité direct existait entre les dommages subis par M. A et l'ouvrage public portuaire ;

Considérant que le responsable d'un ouvrage public peut être déchargé de la responsabilité qui pèse sur lui à l'égard des usagers en établissant l'aménagement et l'entretien normaux de l'ouvrage ;

Considérant que, si la commune de Port-Louis fait valoir, d'une part, que l'entretien courant des installations portuaires était assuré régulièrement par un agent du port et, d'autre part, que le suivi du gros entretien était confié à des sociétés spécialisées et produit, à cet égard, les factures des interventions effectuées entre 1995 et 1998, il résulte de l'instruction que les vérifications ont concerné essentiellement les manilles, mouillages et chaînes ; qu'en revanche, le contrôle régulier des catways, dont la rupture ou l'arrachage est à l'origine des dommages, n'est pas établi ; qu'en outre, il n'est pas contesté que les installations portuaires, composées de pontons en aluminium ancrés par des chaînes sur des corps morts sans brise-clapot et mises en service en 1985 et 1987, présentaient un vieillissement prématuré ; qu'au surplus, le défaut de conception des installations, dont la technique avait été abandonnée dans la plupart des autres ports de plaisance en raison de sa fragilité aux intempéries, a favorisé l'apparition des dommages ; qu'ainsi, la commune de Port-Louis n'est pas fondée à soutenir qu'aucun défaut d'entretien ne pouvait lui être imputé ;

Considérant que, si la commune de Port-Louis soutient que le dommage trouve son origine dans le défaut d'amarrage du bateau de M. A, elle n'apporte aucun commencement de preuve à cet égard ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la victime aurait commis une faute de nature à atténuer sa responsabilité ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la tempête qui s'est abattue dans la nuit du 19 au 20 décembre 1998 sur le port de plaisance du Driasker ne peut être regardée comme présentant un caractère imprévisible eu égard au sinistre qui s'était produit six ans auparavant sur les mêmes lieux dans des conditions comparables, avec des vents à dominante nord dépassant les 110 km/h ; que, par suite, elle ne constituait pas un événement de force majeure de nature à exonérer la commune de Port-Louis de sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Port-Louis n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 4 juin 2003 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à indemniser M. A des dommages matériels occasionnés à son bateau, le « An Hel », et à verser à l'assureur de ce dernier, la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE, le montant des sommes que celle-ci a déboursées en réparation de ce sinistre ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Port-Louis le versement conjoint à la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE et à M. A de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux devant la cour administrative d'appel de Nantes et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE et de M. A, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la commune de Port-Louis demande au titre des frais exposés par elle tant devant la cour administrative d'appel que devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 17 juin 2004 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la commune de Port-Louis devant la cour administrative d'appel de Nantes et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La commune de Port-Louis versera conjointement à la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE et à M. A la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE France (M.A.I.F.), à M. Yves A, à la commune de Port-Louis et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 272621
Date de la décision : 26/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2006, n° 272621
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : LE PRADO ; ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:272621.20060726
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