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26/07/2006 | FRANCE | N°281398

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 26 juillet 2006, 281398


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mody A, demeurant ... ; M. A, agissant en exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 11 mars 2005, demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité du décret en date du 6 décembre 1988, en tant qu'il le libère de ses liens d'allégeance envers la France, et de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 70-459 du 4 juin 1970 ;

Vu l

a loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 ;

Vu le décret n° 73-643 du 10 juillet 1973 ;

Vu le décr...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mody A, demeurant ... ; M. A, agissant en exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 11 mars 2005, demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité du décret en date du 6 décembre 1988, en tant qu'il le libère de ses liens d'allégeance envers la France, et de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 70-459 du 4 juin 1970 ;

Vu la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 ;

Vu le décret n° 73-643 du 10 juillet 1973 ;

Vu le décret n° 84-310 du 27 avril 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Mallet, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement en date du 11 mars 2005, le tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer dans l'instance relative à la nationalité de M. Mody A, jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur la légalité du décret du 6 décembre 1988 en tant qu'il a libéré M. Mody A de ses liens d'allégeance envers la France ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 91 du code de la nationalité française, en vigueur à la date dudit décret : Perd la nationalité française, le Français même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français. / Cette autorisation est accordée par décret. / Le mineur doit, le cas échéant, être autorisé ou représenté dans les conditions prévues aux articles 53 et 54 ; qu'il ressort des dispositions combinées des articles 53 et 54 du même code que, pour un mineur de seize ans, la demande est présentée, au nom de ce dernier, par la personne ou les personnes exerçant à son égard l'autorité parentale ; qu'aux termes de l'article 372 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : « Pendant le mariage, les père et mère exercent en commun leur autorité », et qu'aux termes de l'article 372 ;2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : « A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des époux est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant » ; que la libération des liens d'allégeance envers la France prévue par l'article 91 précité du code de la nationalité française ne saurait constituer un acte usuel au sens de l'article 372 ;2 du code civil ; que, dès lors, la faculté ouverte à un mineur de seize ans d'être autorisé par décret à perdre la qualité de Français ne peut résulter que de la demande de ses deux parents s'ils sont mariés et titulaires de l'autorité parentale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une demande signée le 4 décembre 1987, M. Makan A, père du requérant et titulaire, comme son épouse, de l'autorité parentale, a demandé au ministre chargé des naturalisations, de libérer son fils Mody, né en 1982, de ses liens d'allégeance avec la France, en application de l'article 91 précité du code de la nationalité française ; que cette demande n'était signée que de M. Makan A, qui a fait valoir que son épouse se trouvait alors au Mali ; que, si le ministre chargé des naturalisations a demandé au consul général de France à Bamako, par lettre en date du 19 avril 1988, de recueillir l'expression écrite de la volonté de Mme A, il est constant que l'accord de celle-ci n'avait pas été recueilli lorsque l'administration a pris sa décision ; que le ministre chargé des naturalisations ne saurait se prévaloir utilement de ce que la demande de M. Makan A aurait été constitutive d'une situation d'urgence, autorisant la signature du décret emportant perte de la nationalité française de M. Mody A en l'absence de consentement écrit de Mme A à la démarche de son époux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Mody A est fondé à soutenir que le décret du 6 décembre 1988 est entaché d'illégalité en ce qu'il porte libération de ses liens d'allégeance envers la France ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que le décret du 6 décembre 1988 est entaché d'illégalité en tant qu'il libère M. Mody A de ses liens d'allégeance envers la France.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mody A et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 281398
Date de la décision : 26/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2006, n° 281398
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Mallet
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:281398.20060726
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