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26/07/2006 | FRANCE | N°292750

France | France, Conseil d'État, 5eme et 4eme sous-sections reunies, 26 juillet 2006, 292750


Vu, enregistré le 24 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 14 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes, avant de statuer sur la demande de M. X... A tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2003 par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a réduit de trois points le capital de points affectés à son permis de conduire, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil

d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
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Vu, enregistré le 24 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 14 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes, avant de statuer sur la demande de M. X... A tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2003 par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a réduit de trois points le capital de points affectés à son permis de conduire, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Lorsqu'une infraction aux règles du code de la route relatives à la vitesse maximale autorisée a été constatée sans que le conducteur ne soit intercepté, celui qui a réglé l'amende forfaitaire peut-il utilement soutenir devant le juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions en annulation de la décision de retrait des points, qu'il n'est pas l'auteur de cette infraction mais n'a réglé l'amende qu'en sa qualité de titulaire du certificat d'immatriculation '

2°) Est-il possible pour le titulaire du certificat d'immatriculation de se prévaloir des lacunes de l'information relative aux conséquences du paiement de l'amende forfaitaire quant au capital de points affectés à son permis de conduire, à l'appui de ses conclusions en annulation de la décision de retrait des points '

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 113-1 et R. 113 ;1 à R. 113-4 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Campeaux, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

REND L'AVIS SUIVANT :

I. En vertu de l'article 521 du code de procédure pénale, le jugement des contraventions relève du tribunal de police et, depuis la loi du 26 janvier 2005 relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance, relève également de la juridiction de proximité qui connaît en principe des contraventions des quatre premières classes. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article R. 48-1 du code de procédure pénale que les contraventions des quatre premières classes réprimées par le code de la route, dont font partie, aux termes de l'article R. 413-14 de ce code, les dépassements de moins de 50 km/h de la vitesse maximale autorisée, peuvent faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire prévue aux articles 529 et suivants du code de procédure pénale. Pour certaines infractions, dont les contraventions des troisième et quatrième classe aux règles du code de la route relatives aux vitesses maximales autorisées, cette amende forfaitaire est en outre minorée sous certaines conditions, en application des dispositions combinées de l'article 529-7 du code de procédure pénale et de l'article R. 49-8-5 du code de la route.

Ainsi qu'en dispose l'article 529 du code de procédure pénale, « (…) l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire (…) ». Toutefois, en vertu des articles 529-2 et 530 du même code, le destinataire d'un avis d'amende forfaitaire ou d'amende forfaitaire majorée peut présenter, dans le délai qui lui est imparti pour en acquitter le montant, une requête tendant à son exonération ou une réclamation, soumises aux règles de recevabilité prévues par ce code. Au vu de cette requête ou de cette réclamation et en application des dispositions de l'article 530-1 du même code, le ministère public, s'il n'oppose pas son irrecevabilité et ne renonce pas à l'exercice des poursuites, procède conformément aux articles 524 à 528-2 ou aux articles 531 et suivants du code de procédure pénale en saisissant, respectivement selon la procédure simplifiée ou la procédure normale, la juridiction de proximité qui connaîtra alors de la contravention reprochée à l'intéressé.

S'agissant des infractions au code de la route, les dispositions des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale prévoient que, lorsque la constatation d'infraction n'est pas suivie de l'interpellation du contrevenant et qu'il est recouru à la procédure de l'amende forfaitaire, l'avis de contravention et les autres documents prévus à ces articles sont envoyés au titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule.

Par ailleurs, le premier alinéa de l'article L. 121-3 du code de la route dispose que, par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-1 du même code en vertu desquelles le conducteur d'un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite de ce véhicule, « (…) le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement de l'amende encourue pour des contraventions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées (…), à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction ». Le deuxième alinéa du même article prévoit que : « La personne déclarée redevable en application des dispositions du présent article n'est pas responsable pénalement de l'infraction. Lorsque le tribunal de police ou la juridiction de proximité, y compris par ordonnance pénale, fait application des dispositions du présent article, sa décision (…) n'entraîne pas retrait des points affectés au permis de conduire ».

Enfin, aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : « Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. (…) / La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive » ; et aux termes de l'article L. 223-3 du même code : « Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. / Lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire (…), l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende (…) entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée (…) ».

II. 1° Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que lorsqu'une infraction aux règles du code de la route relatives aux vitesses maximales autorisées est constatée sans que soit intercepté le véhicule et que soit donc formellement identifié son conducteur, auteur de l'infraction, et qu'il est ensuite recouru à la procédure de l'amende forfaitaire lorsque celle-ci peut être utilisée, l'avis de contravention est adressé au titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, que l'article L. 121-3 du code de la route tient pour redevable pécuniairement de l'amende encourue pour ce type de contraventions sans toutefois établir à son égard une présomption de responsabilité pénale, et sauf à ce que l'intéressé établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction.

Il appartient donc au destinataire d'un tel avis de contravention qui estime ne pas être l'auteur véritable de l'infraction constatée au sujet du véhicule dont il détient le certificat d'immatriculation de formuler, dans le délai de paiement de l'amende forfaitaire, une requête en exonération auprès du service indiqué dans l'avis de contravention, auquel il incombe de transmettre cette requête au ministère public, ou à défaut, de former dans le délai de paiement de l'amende forfaitaire majorée une réclamation auprès du ministère public. Dans l'hypothèse où le ministère public, au vu de cette requête ou de cette réclamation, ne renonce pas à l'exercice des poursuites à son encontre et saisit la juridiction de proximité, l'intéressé pourra alors apporter devant le juge pénal tous les éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction. Dans le cas où il ne parviendrait pas à établir cet élément mais que sa culpabilité ne pourrait être davantage démontrée, et où la juridiction de proximité le déclarerait redevable de l'amende en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-3 du code de la route, cette décision n'entraînerait pas le retrait de points affectés à son permis de conduire, ainsi que le prévoient les dispositions du deuxième alinéa de cet article.

En revanche, lorsque le destinataire d'un avis de contravention choisit d'éteindre l'action publique par le paiement de l'amende forfaitaire, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 223-1 du code de la route que ce paiement établit la réalité de l'infraction et entraîne la réduction de plein droit du nombre de points dont est affecté le permis de conduire de l'intéressé. Par suite, celui-ci ne peut utilement soutenir devant le juge administratif, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de retrait de points, qu'il n'est pas le véritable auteur de l'infraction.

2° Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 223-3 du code de la route que lorsqu'un individu est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, et qu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire, l'intéressé est notamment informé que le paiement de l'amende établit la réalité de l'infraction et entraîne le retrait de points de son permis de conduire. Ces dispositions sont applicables au cas évoqué ci-dessus où l'avis de contravention est adressé au titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule contrôlé mais non intercepté. Eu égard aux conséquences du paiement de l'amende sur la validité de son permis de conduire, la délivrance de cette information préalable constitue une garantie essentielle donnée au destinataire de l'avis de contravention pour lui permettre de contester, devant la juridiction de proximité, être l'auteur de l'infraction, et constitue ainsi une condition de la légalité de la décision de retrait de points. Dès lors, l'intéressé peut utilement se prévaloir devant le juge administratif, à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette dernière décision, de la méconnaissance de cette obligation d'information préalable.

Il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant sur une question de droit nouvelle en vertu de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du même code, faute de partie perdante au sens de ce texte.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Nantes, à M. X... A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.


Sens de l'arrêt : Avis article l. 113-1
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICE GÉNÉRALE - CIRCULATION ET STATIONNEMENT - PERMIS DE CONDUIRE - INFRACTION À LA RÈGLE DE LA VITESSE MAXIMALE AUTORISÉE - PAIEMENT DE L'AMENDE FORFAITAIRE PAR LE TITULAIRE DU CERTIFICAT D'IMMATRICULATION - A) CONSÉQUENCE - INTÉRESSÉ NE POUVANT PLUS SOUTENIR À L'OCCASION DU CONTENTIEUX RELATIF AU RETRAIT DE POINTS QU'IL N'EST PAS L'AUTEUR DE L'INFRACTION - B) INFORMATION PRÉALABLE DE L'INTÉRESSÉ DE CE QUE LE PAIEMENT DE L'AMENDE FORFAITAIRE VAUT ÉTABLISSEMENT DE LA RÉALITÉ DE L'INFRACTION - GARANTIE ESSENTIELLE - CONSÉQUENCE - LÉGALITÉ DU RETRAIT DE POINTS SUBORDONNÉE À CETTE INFORMATION.

49-04-01-04 a) Il résulte des dispositions du code de procédure pénale et du code de la route et notamment de l'article L. 223-1 de ce dernier code que lorsqu'une infraction aux règles du code de la route relatives aux vitesses maximales autorisées est constatée sans que soit intercepté le véhicule et que soit donc formellement identifié son conducteur, auteur de l'infraction, et qu'il est ensuite recouru à la procédure de l'amende forfaitaire lorsque celle-ci peut être utilisée, l'avis de contravention est adressé au titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, que l'article L. 121-3 du code de la route tient pour redevable pécuniairement de l'amende encourue pour ce type de contraventions sans toutefois établir à son égard une présomption de responsabilité pénale, et sauf à ce que l'intéressé établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction. Il appartient donc au destinataire d'un tel avis de contravention qui estime ne pas être l'auteur véritable de l'infraction constatée au sujet du véhicule dont il détient le certificat d'immatriculation de formuler, dans le délai de paiement de l'amende forfaitaire, une requête en exonération auprès du service indiqué dans l'avis de contravention, auquel il incombe de transmettre cette requête au ministère public, ou à défaut, de former dans le délai de paiement de l'amende forfaitaire majorée une réclamation auprès du ministère public. En revanche, lorsque le destinataire d'un avis de contravention choisit d'éteindre l'action publique par le paiement de l'amende forfaitaire, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 223-1 du code de la route que ce paiement établit la réalité de l'infraction et entraîne la réduction de plein droit du nombre de points dont est affecté le permis de conduire de l'intéressé. Par suite, celui-ci ne peut utilement soutenir devant le juge administratif, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de retrait de points, qu'il n'est pas le véritable auteur de l'infraction.,,b) Il résulte des dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route que lorsqu'un individu est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, et qu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire, l'intéressé est notamment informé que le paiement de l'amende établit la réalité de l'infraction et entraîne le retrait de points de son permis de conduire. Ces dispositions sont applicables au cas évoqué ci-dessus où l'avis de contravention est adressé au titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule contrôlé mais non intercepté. Eu égard aux conséquences du paiement de l'amende sur la validité de son permis de conduire, la délivrance de cette information préalable constitue une garantie essentielle donnée au destinataire de l'avis de contravention pour lui permettre de contester, devant la juridiction de proximité, être l'auteur de l'infraction, et constitue ainsi une condition de la légalité de la décision de retrait de points. Dès lors, l'intéressé peut utilement se prévaloir devant le juge administratif, à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette dernière décision, de la méconnaissance de cette obligation d'information préalable.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DÉPENS - REMBOURSEMENT DES FRAIS NON COMPRIS DANS LES DÉPENS - ARTICLE L - 761-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE - INAPPLICABILITÉ DANS LE CAS OÙ LE CONSEIL D'ETAT EST SAISI D'UNE DEMANDE D'AVIS EN VERTU DE L'ARTICLE L - 113-1 DU MÊME CODE.

54-06-05-11 Il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant sur une question de droit nouvelle en vertu de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du même code, faute de partie perdante au sens de ce texte.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 jui. 2006, n° 292750
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Thomas Campeaux
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Formation : 5eme et 4eme sous-sections reunies
Date de la décision : 26/07/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 292750
Numéro NOR : CETATEXT000008224611 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-07-26;292750 ?
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