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11/08/2006 | FRANCE | N°277357

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 11 août 2006, 277357


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 février et 8 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ERDIMECA, élisant domicile chez la société SF 3.I., 38 avenue Hoche à Paris (75008) ; la SOCIETE ERDIMECA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 7 décembre 2004 en tant que la cour administrative d'appel de Versailles, faisant partiellement droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du 24 janvier 2002 du tribunal administratif de

Versailles accordant à la société requérante la décharge des cotisation...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 février et 8 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ERDIMECA, élisant domicile chez la société SF 3.I., 38 avenue Hoche à Paris (75008) ; la SOCIETE ERDIMECA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 7 décembre 2004 en tant que la cour administrative d'appel de Versailles, faisant partiellement droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du 24 janvier 2002 du tribunal administratif de Versailles accordant à la société requérante la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993 et la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er janvier 1992 au 30 novembre 1994 ainsi que des pénalités correspondantes, a d'une part remis à la charge de la société requérante lesdites impositions à l'exception, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, des droits et pénalités résultant de la réintégration en 1993 d'une facture d'un montant de 265 000 F de la société Interface Ile-de-France et d'une facture d'un montant de 739 850 F de la société en nom collectif Jaralco ainsi que des redressements d'un montant de 300 000 F en 1992 et 50 000 F en 1993 pour défaut de valorisation d'un stock de petit outillage et, en ce qui concerne les compléments de taxe sur la valeur ajoutée, des droits et pénalités résultant de la réintégration en 1993 des deux factures précédemment mentionnées, d'autre part réformé le jugement attaqué en ce qu'il avait de contraire à sa décision ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Japiot, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la SOCIETE ERDIMECA,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE ERDIMECA a fait l'objet d'une enquête concernant d'éventuels manquements aux règles de facturation, sur le fondement des dispositions des articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales, qui a été close le 30 juin 1994, puis d'une vérification de comptabilité, portant sur les années 1992, 1993 et 1994, qui a été effectuée du 9 janvier au 13 mars 1995 ; que des redressements lui ont été notifiés le 17 mai 1995 en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; que la SOCIETE ERDIMECA se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 décembre 2004 en tant que la cour administrative d'appel de Versailles, faisant partiellement droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du 24 janvier 2002 du tribunal administratif de Versailles accordant à la société requérante la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993 et la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er janvier 1992 au 30 novembre 1994 ainsi que des pénalités correspondantes, a remis à la charge de la société requérante lesdites impositions à l'exception, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, des droits et pénalités résultant de la réintégration en 1993 d'une facture d'un montant de 265 000 F de la société Interface Ile-de-France et d'une facture d'un montant de 739 850 F de la société en nom collectif Jaralco ainsi que des redressements d'un montant de 300 000 F en 1992 et 50 000 F en 1993 pour défaut de valorisation d'un stock de petit outillage et, en ce qui concerne les compléments de taxe sur la valeur ajoutée, des droits et pénalités résultant de la réintégration en 1993 des deux factures précédemment mentionnées ;

Considérant, en premier lieu, que lorsque l'administration entend procéder à un redressement, il lui appartient de mentionner, dans la notification de redressement, la nature de la procédure d'imposition qu'elle entend suivre à cette fin ; que, toutefois, l'omission de cette mention ou l'erreur que cette notification pourrait comporter n'entache pas d'irrégularité la procédure en cause lorsque cette omission ou erreur n'a pas eu pour effet de priver le contribuable de l'une des garanties de procédure dont il était en droit de bénéficier ; qu'ainsi, la cour a pu, sans erreur de droit, écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la notification adressée à la société requérante le 17 mai 1995, au motif que celle-ci ne comportait pas la mention des procédures d'imposition dont le service avait entendu se prévaloir, dès lors qu'elle a relevé que la société requérante n'établissait pas ni même n'alléguait qu'elle aurait été privée de l'une des garanties de procédure susmentionnées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles (...), elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie./ II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (...)/ VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 ; qu'aux termes de l'article L. 80 F du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en application du code général des impôts (...), les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matière ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation./ (...) L'enquête définie au présent article ne relève pas des procédures de contrôle de l'impôt prévues aux articles L. 10 à L. 47 A. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 80 H du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : A l'issue de l'enquête prévue à l'article L. 80 F, les agents de l'administration établissent un procès-verbal consignant les manquements constatés ou l'absence de tels manquements. (...)/ Les constatations du procès-verbal ne peuvent être opposées à cet assujetti, au regard d'impositions de toute nature, que dans le cadre des procédures de contrôle mentionnées à l'article L. 47 (...) ;

Considérant que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les dispositions combinées des articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1992 dont elles sont issues, permettent à l'administration d'enquêter, dans les conditions qu'elles définissent, sur les manquements aux règles de facturation applicables aux personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et de rechercher notamment d'éventuelles factures fictives ; que l'administration n'est pas tenue, dans ce cas, de mettre en oeuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 16 B qui nécessitent l'autorisation du président du tribunal de grande instance ; qu'elle peut ensuite, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 80 H du livre des procédures fiscales précité, se fonder sur les éléments recueillis dans le cadre de cette enquête pour procéder à une vérification de comptabilité dans les conditions prévues notamment par l'article L. 47 du même code ; qu'il suit de là que la cour a fait une exacte application des dispositions susrappelées, sans dénaturer les pièces du dossier, en écartant d'une part le moyen tiré de ce que l'enquête effectuée en 1994 par l'administration fiscale dans les locaux de la société requérante, sur le fondement des dispositions des articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales, pour rechercher des manquements aux règles de facturation et d'éventuelles factures fictives, constituait une vérification de comptabilité non conforme aux dispositions du livre des procédures fiscales et, d'autre part, le moyen tiré de ce que cette enquête aurait dû être effectuée dans les conditions prévues par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales précité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : Lorsque, ayant donné son accord au redressement ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la notification de redressement, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de redressement, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société requérante a accepté, sans aucune réserve, les redressements en litige par un courrier en date du 6 juillet 1995 ; que la cour a, par une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation, estimé que l'attestation de l'expert comptable de la société requérante, en date du 8 décembre 1997, n'établit pas que cette acceptation aurait été subordonnée à la renonciation à toute sanction fiscale ou pénale de la part de l'administration ; qu'ainsi, la cour a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales en jugeant qu'il appartenait à la société requérante de rapporter la preuve de l'exagération des redressements litigieux ; que la cour a pu ensuite, sans dénaturer les pièces du dossier, estimer que la SOCIETE ERDIMECA ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, de la réalité des prestations facturées par la société SF 3I dont l'administration a réintégré le montant dans les résultats de la société requérante ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ; que la cour administrative d'appel de Versailles, en estimant que l'administration avait rapporté la preuve, qui lui incombait, de l'intention délibérée du contribuable de se soustraire à l'impôt concernant les prestations susmentionnées de la société SF 3I, et donc sa mauvaise foi, a donné aux faits qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, une qualification juridique exacte et n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ERDIMECA n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SOCIETE ERDIMECA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE ERDIMECA est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ERDIMECA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 277357
Date de la décision : 11/08/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - POUVOIRS D'ENQUÊTE EN MATIÈRE DE MANQUEMENTS AUX RÈGLES DE FACTURATION DE LA TVA (ART - L - 80 F ET L - 80 H DU LPF) - A) NÉCESSITÉ DE METTRE EN OEUVRE LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE L - 16 B DU LPF - ABSENCE - B) POSSIBILITÉ D'UTILISER LES ÉLÉMENTS RECUEILLIS DANS LE CADRE D'UNE VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ - EXISTENCE [RJ1].

19-01-03-01 Les dispositions combinées des articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1992 dont elles sont issues, permettent à l'administration d'enquêter, dans les conditions qu'elles définissent, sur les manquements aux règles de facturation applicables aux personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et de rechercher notamment d'éventuelles factures fictives. L'administration n'est pas tenue, dans ce cas, de mettre en oeuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 16 B qui nécessitent l'autorisation du président du tribunal de grande instance. Elle peut ensuite, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 80 H du livre des procédures fiscales, se fonder sur les éléments recueillis dans le cadre de cette enquête pour procéder à une vérification de comptabilité dans les conditions prévues notamment par l'article L. 47 du même livre.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ - POUVOIRS DE L'ADMINISTRATION - UTILISATION D'ÉLÉMENTS RECUEILLIS DANS LE CADRE D'UNE ENQUÊTE EN MATIÈRE DE MANQUEMENTS AUX RÈGLES DE FACTURATION DE LA TVA (ART - L - 80 F ET L - 80 H DU LPF) - RÉGULARITÉ - MÊME EN L'ABSENCE DE MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE L - 16 B DU LPF [RJ1].

19-01-03-01-02-05 Les dispositions combinées des articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1992 dont elles sont issues, permettent à l'administration d'enquêter, dans les conditions qu'elles définissent, sur les manquements aux règles de facturation applicables aux personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et de rechercher notamment d'éventuelles factures fictives. L'administration n'est pas tenue, dans ce cas, de mettre en oeuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 16 B qui nécessitent l'autorisation du président du tribunal de grande instance. Elle peut ensuite, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 80 H du livre des procédures fiscales, se fonder sur les éléments recueillis dans le cadre de cette enquête pour procéder à une vérification de comptabilité dans les conditions prévues notamment par l'article L. 47 du même livre.


Références :

[RJ1]

Comp. Cass. com. 12 décembre 1995, RJF 3/96 n°312.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 aoû. 2006, n° 277357
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Olivier Japiot
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:277357.20060811
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