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18/08/2006 | FRANCE | N°295334

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 août 2006, 295334


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 13 juillet 2206, présentée par M. A...B..., demeurant... ; M. B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de la décision contenue dans la lettre du 7 juillet 2006 du directeur de l'administration générale et de l'équipement du ministère de la justice, lui prescrivant de reverser un trop perçu de 6 873 euros, selon un échéancier de sept mensualités d'un montant de 981,86 euros chacune ;

il

expose que le " trop perçu " dont le reversement est exigé est lié à ...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 13 juillet 2206, présentée par M. A...B..., demeurant... ; M. B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de la décision contenue dans la lettre du 7 juillet 2006 du directeur de l'administration générale et de l'équipement du ministère de la justice, lui prescrivant de reverser un trop perçu de 6 873 euros, selon un échéancier de sept mensualités d'un montant de 981,86 euros chacune ;

il expose que le " trop perçu " dont le reversement est exigé est lié à la perception pendant 41 mois (de janvier 2003 à mai 2006) d'une " indemnité ENA " égale à la valeur annuelle de 3,5 points d'indice, indemnité qui, en vertu de l'arrêté du ministre de la justice du 9 juin 1998, n'aurait pas due lui être versée postérieurement au 1er janvier 2003 ; qu'il n'est en rien responsable de cette situation ; qu'après avoir formé un recours en annulation il sollicite la suspension de la décision de reversement ; qu'il y a urgence en raison de l'ampleur de la somme réclamée, comparée à sa rémunération actuelle qui est celle d'un administrateur civil hors classe, 3ème échelon, et à l'ampleur de ses charges familiales ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision de remboursement au regard de la jurisprudence du Conseil d'Etat relative aux effets de droit attachés aux décisions administratives à caractère pécuniaire, tels qu'ils ont été précisés notamment par l'avis contentieux du 3 mai 2004, Fort ;

Vu la lettre du 7 juillet 2006 du directeur de l'administration et de l'équipement du ministère de la justice ;

Vu, enregistré le 7 août 2006, le mémoire en défense présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucune des conditions exigées pour le prononcé d'une suspension par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne se trouve remplie ; que, d'une part, la décision de remboursement dont les effets ont été différés d'un mois par rapport au mois de juin 2006 initialement prévu, ne préjudicie pas de manière grave et immédiate à la situation de M.B... ; qu'en effet, si ses charges fixes représentent mensuellement la somme de 3 418 euros, son traitement net mensuel s'élève à 4 890,44 euros ; qu'en outre, les ressources du ménage comprennent le complément de revenu procuré par les allocations familiales pour les trois enfants du couple ainsi que le traitement de son épouse, professeur certifié ayant atteint le 9ème échelon de son grade ; que par ailleurs, le requérant, bénéficiant en qualité d'ancien élève de l'ENA d'un niveau certain d'expertise juridique, aurait dû s'aviser du caractère indû du versement de l'indemnité ; qu'il s'est ainsi placé de lui même dans la situation de resserrement des ressources dont il se plaint ; que, d'autre part, il n'existe aucun doute sérieux quant à la légalité de la mesure contestée ; qu'en effet, l'acte créateur de droit dont se prévaut le requérant, à savoir l'arrêté ministériel du 9 juin 1998, avait une durée limitée au 31 décembre 2002 ; que le droit au paiement de l'indemnité instituée par le décret du 24 février 1986 s'était éteint en ce qui le concerne au 31 décembre 2002 et n'a pu être implicitement prolongé ; qu'en tout état de cause, l'avis contentieux du Conseil d'Etat du 3 mai 2004 réserve la possibilité pour l'administration de demander à tout moment le reversement des sommes attribuées par suite d'une erreur dans la procédure de liquidation ou de paiement ;

Vu, enregistré le 10 août 2006, le mémoire en réplique présenté par M. B... qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires modifiée notamment par la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, en particulier son article 20 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, notamment son article 64 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié, portant règlement général sur la comptabilité publique, notamment son article 80 ;

Vu le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié, relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation ;

Vu le décret n° 86-248 du 24 février 1986 relatif à l'attribution d'une indemnité forfaitaire mensuelle à certains élèves et anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration, dans sa rédaction résultant des modifications consécutives à l'intervention des décrets n° 88-86 du 26 janvier 1988 et n° 91-433 du 13 mai 1991 ;

Vu le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifié, modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret ;

Vu le décret n° 98-1199 du 24 décembre 1998 relatif au régime indemnitaire de certains élèves et anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration, notamment son article 3 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 11 août 2006 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- M. A...B... ;

- le représentant du garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu les pièces desquelles il résulte que les parties ont reçu communication en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative d'un moyen susceptible d'être relevé d'office tiré de ce que la requête en référé, qui tend à la suspension de l'ordre de reversement de la somme de 6 873 euros, se trouve privée d'objet en raison de l'introduction sous le n° 295333, d'un recours en annulation de cet ordre de reversement au motif qu'un tel recours a lui-même un caractère suspensif ;

Vu, enregistré le 14 août 2006, les observations présentées par M. B... sur le moyen susceptible d'être relevé d'office ; il déclare faire sienne la jurisprudence conférant un effet suspensif au recours en annulation dirigé contre un ordre de reversement ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 16 août 2006 les observations présentées par le garde des sceaux sur le moyen susceptible d'être relevé d'office ; il soutient qu'en vertu de la loi du 30 juin 2000 la procédure de suspension instituée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est exclusive de toute autre procédure de suspension des actes administratifs ;

Considérant que le décret n° 86-248 du 24 février 1986 a institué une indemnité forfaitaire mensuelle au bénéfice des élèves et anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration ayant accompli avant leur accession à cette école, pendant une durée fixée en principe à huit années, des services de la nature de ceux énumérés à l'article 2 de ce décret, au nombre desquels figurent ceux effectués en qualité de fonctionnaire ou agent de l'Etat ; que cette indemnité est réservée aux élèves issus du concours interne ou du troisième concours ; que son attribution vaut pour la durée de la scolarité ; que, jusqu'à l'intervention du décret n° 98-1499 du 24 décembre 1998, elle bénéficiait également aux anciens élèves en position d'activité dans un corps recruté directement par la voie de l'Ecole nationale d'administration pour une durée n'excédant pas une période de sept années, décomptée à partir du début de leur scolarité ; que si le décret du 24 décembre 1998 a supprimé l'attribution de l'indemnité aux anciens élèves, son article 3 réserve le cas de ceux d'entre eux qui ont été recrutés par la voie du concours interne antérieurement au 1er janvier 1999 ;

Considérant que MarcB..., qui avait accompli plus de huit ans de services en catégorie A avant d'accéder à l'Ecole nationale d'administration a perçu, au cours de sa scolarité du 1er janvier 1996 au 31 mars 1998, l'indemnité forfaitaire mensuelle ; qu'il a été nommé à sa sortie de cette école dans le corps des administrateurs civils ; que, par un arrêté du 9 juin 1998 le garde des sceaux, ministre de la justice, a maintenu le bénéfice de l'indemnité mensuelle " dans les conditions définies par les articles 1, 2, 3 et 6 " du décret du 24 février 1986, ce qui correspond à une période allant jusqu'au 31 décembre 2002 ; que toutefois, le versement de cette indemnité a continué d'être effectué jusqu'au 31 mai 2006, faisant naître un trop perçu d'un montant global net de 6 873,05 euros ; que M. B... a été avisé de l'intention de l'administration de procéder au recouvrement de cette somme par voie de précompte sur son traitement par une lettre en date du 31 mai 2006, à l'encontre de laquelle il a formé le 9 juin suivant un recours gracieux ; que, par un courrier en date du 7 juillet 2006, le directeur de l'administration générale et de l'équipement au ministère de la justice lui a fait savoir qu'une retenue d'un montant mensuel de 981,86 euros serait pratiquée sur son traitement, du mois de juillet 2006 au mois de janvier 2007 ;

Considérant qu'après avoir introduit un pourvoi tendant à l'annulation de la décision de reversement " contenue " dans la lettre du 7 juillet 2006, M. B... demande par la présente requête au juge des référés du Conseil d'Etat d'en ordonner la suspension sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

Considérant que tel qu'il est issu de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, le premier alinéa de l'article L. 521-1 du code précité dispose que : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le garde des sceaux, ministre de la justice, ces dispositions n'ont pas eu pour objet de priver d'effet toute autre procédure conférant un caractère suspensif à un recours administratif ou contentieux ; qu'en particulier, elles ne font pas obstacle à l'application des dispositions des articles 6 et suivants du décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 qui, fixant les règles applicables au recouvrement des créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, prévoient que les recours administratifs ou contentieux formés à l'encontre des titres de perception correspondant à ces créances ont un effet suspensif ;

Considérant qu'en raison, d'une part du fait que M. B... a contesté tant auprès de l'administration que devant le Conseil d'Etat le bien fondé de l'ordre de reversement de la somme litigieuse et, d'autre part, du caractère suspensif attaché à cette contestation, la présente requête aux fins de suspension revêt un caractère superfétatoire et se trouve par là même dépourvue d'objet ;

Considérant à la vérité, que les pourvois dirigés contre un état exécutoire ou un titre de perception ont par nature le caractère d'un recours de plein contentieux ; qu'ils ne sont pas dispensés pour leur présentation du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; qu'en l'état de la procédure, le pourvoi introduit au principal par M. B... ne satisfait pas à cette exigence ;

Mais considérant que l'irrecevabilité encourue de ce chef par la requête en annulation, qui ne pourrait être opposée à l'intéressé que pour autant qu'une fois invité à la régulariser il s'abstiendrait d'y procéder, n'affecte pas le caractère suspensif attaché à son introduction ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête en référé de M. B..., qui tend au prononcé d'une mesure qui est, en l'état, sans objet, est irrecevable ; qu'elle doit pour ce motif être rejetée ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 295334
Date de la décision : 18/08/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES À LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - POSSIBILITÉ DE FORMER UNE DEMANDE DE RÉFÉRÉ-SUSPENSION (ART - L - 521-1 DU CJA) D'UN ORDRE DE REVERSEMENT ÉMIS PAR L'ADMINISTRATION À L'ENCONTRE D'UN DE SES AGENTS - ABSENCE [RJ1].

18-07-02 On ne peut demander au juge des référés de suspendre un ordre de reversement émis par l'administration à l'encontre d'un de ses agents dès lors que ce dernier a introduit un recours en annulation dirigé contre l'ordre de reversement, recours qui est en lui-même suspensif d'exécution.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART - L - 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - RECEVABILITÉ - ABSENCE - DEMANDE DE SUSPENSION D'UN ORDRE DE REVERSEMENT ÉMIS PAR L'ADMINISTRATION À L'ENCONTRE D'UN DE SES AGENTS [RJ1].

54-035-02-02 On ne peut demander au juge des référés de suspendre un ordre de reversement émis par l'administration à l'encontre d'un de ses agents dès lors que ce dernier a introduit un recours en annulation dirigé contre l'ordre de reversement, recours qui est en lui-même suspensif d'exécution.


Références :

[RJ1]

Rappr., sous le régime du sursis à exécution, 26 mars 1982, S.A. Compagnie générale frigorifique, p. 135 ;

7 février 1986, Ruble, p. 34.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 aoû. 2006, n° 295334
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:295334.20060818
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