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30/08/2006 | FRANCE | N°246257

France | France, Conseil d'État, 5eme sous-section jugeant seule, 30 août 2006, 246257


Vu le recours, enregistré le 3 septembre 2001 au secrétariat de la commission spéciale de cassation adjointe temporairement au Conseil d'Etat, du MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 octobre 2000 par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier a réformé le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Aude en date du 2 juillet 1998 et reconnu à M. X... A un droit à pension pour troubles psychiques ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des vic

times de la guerre ;

Vu le décret du 10 janvier 1992 ;

Vu le code de ...

Vu le recours, enregistré le 3 septembre 2001 au secrétariat de la commission spéciale de cassation adjointe temporairement au Conseil d'Etat, du MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 octobre 2000 par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier a réformé le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Aude en date du 2 juillet 1998 et reconnu à M. X... A un droit à pension pour troubles psychiques ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le décret du 10 janvier 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : « Toute décision comportant attribution de pension doit être motivée et faire ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2 (…) » ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du même code que lorsque, comme en l'espèce, la présomption légale d'imputabilité n'est pas applicable, le demandeur de pension doit rapporter la preuve de l'existence d'une relation de causalité médicale certaine et directe entre l'origine ou l'aggravation de l'infirmité qu'il invoque et un ou des faits précis ou des circonstances particulières de son service ; que cette preuve ne saurait résulter d'une vraisemblance ou d'une probabilité ni des conditions générales du service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes ou des sujétions identiques ; que si le décret du 10 janvier 1992 prévoit certains aménagements dans les moyens d'administration de la preuve eu égard à la nature d'une infirmité d'ordre psychique, il ne résulte pas de ces dispositions qu'il y ait dans ce cas dérogation aux principes rappelés ci - dessus et édictés par les articles L. 2 et L. 3 du code ;

Considérant qu'en reconnaissant à M. A un droit à pension militaire d'invalidité sans rechercher si les troubles psychiques à l'origine de sa demande trouvaient leur origine dans un fait précis de service constaté dans les conditions de droit commun, la cour régionale des pensions n'a pas donné de base légale à son arrêt ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE est, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du recours, fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de l'instruction que l'adjudant A a été envoyé en mission en Bosnie-Herzégovine de juillet 1993 à janvier 1994 au titre de la Force de protection des Nations unies (FORPRONU) ; qu'il a été au cours de cette période conduit à assurer des missions dans des conditions psychologiquement éprouvantes, en étant exposé de manière prolongée à des situations de danger immédiat du fait de bombardements et de tirs d'armes automatiques de tireurs isolés et en étant témoin direct de la mort de victimes civiles ; que de telles circonstances, relatées par des témoignages revêtus d'une force probante suffisante émanant d'autres militaires ayant servi aux côtés de M. A, sont de nature à engendrer des troubles psychiques de guerre au sens du décret susvisé du 10 janvier 1992 ; que le dossier médical de l'intéressé fait apparaître qu'il a été examiné par des médecins psychiatres dans les jours ayant suivi la fin de sa mission au titre de la FORPRONU, puis suivi régulièrement en psychiatrie ; qu'est ainsi établie l'imputabilité des troubles présentés par M. A à un fait de service excédant les conditions habituelles de service des militaires ;

Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale rédigé pour le compte du centre de réforme de Montpellier et du rapport de l'expert commis par le tribunal départemental des pensions de l'Aude, que les troubles psychiques que présente M. A sont constitutifs d'une psycho-névrose traumatique engendrant une invalidité d'un taux global de 60 %, dont 10 % relèvent de causes étrangères au service dans les armées ; qu'il y a lieu, par suite, de ramener à 50 % le taux de la pension concédée à M. A par le jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par M. A tendant à ce que l'Etat lui verse une somme de 1 800 euros en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 6 octobre 2000 est annulé.

Article 2 : Il est reconnu à M. A un droit à pension militaire d'invalidité pour troubles psychiques de guerre au taux de 50 %.

Article 3 : Le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Aude du 2 juillet 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X... A et au MINISTRE DE LA DEFENSE.


Synthèse
Formation : 5eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 246257
Date de la décision : 30/08/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 30 aoû. 2006, n° 246257
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: M. Damien Botteghi
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:246257.20060830
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