La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/09/2006 | FRANCE | N°281711

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 06 septembre 2006, 281711


Vu 1°), sous le n° 281711, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juin et 19 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS, dont le siège est ... (75483) ; la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le refus implicite du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale de faire droit à sa demande tendant à l'abrogation de la circulaire DRT n° 2004/10 du 15 décembre 2004 concernant les disposition

s sur la « journée de solidarité » résultant des articles 2 à 5 de la...

Vu 1°), sous le n° 281711, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juin et 19 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS, dont le siège est ... (75483) ; la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le refus implicite du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale de faire droit à sa demande tendant à l'abrogation de la circulaire DRT n° 2004/10 du 15 décembre 2004 concernant les dispositions sur la « journée de solidarité » résultant des articles 2 à 5 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et, d'autre part, du document du 20 avril 2005 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale complémentaire de la circulaire DRT n° 2004/10 élaboré sous la forme d'un « question-réponse » relatif à la mise en oeuvre de la journée de solidarité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), la requête et le mémoire rectificatif, enregistrés les 21 et 22 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE, dont le siège est ... (75680) ; la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la circulaire « question-réponse » du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale en date du 20 avril 2005 relative à la mise en oeuvre de la journée de solidarité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la charte sociale européenne (révisée) faite à Strasbourg le 3 mai 1996, publiée par le décret n° 2000-110 du 4 février 2000 ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Veil, Auditeur,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS et de Me Haas, avocat de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS et de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 212 ;16 du code du travail : « Une journée de solidarité est instituée en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées. Elle prend la forme d'une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés et de la contribution prévue au 1° de l'article 11 de la loi n° 2004 ;626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées pour les employeurs » ;

En ce qui concerne la circulaire du 15 décembre 2004 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 222 ;2 du code du travail : « Les jeunes travailleurs âgés de moins de dix ;huit ans ne peuvent travailler les jours de fête reconnus par la loi » ; qu'en prévoyant qu'« en ce qui concerne les salariés de moins de 18 ans, la loi se combine avec les dispositions particulières du code du travail régissant le travail des mineurs. (…) Si la journée de solidarité est fixée un jour férié, elle ne concernera pas les jeunes travailleurs », la circulaire du 15 décembre 2004 n'a fait que rappeler les dispositions législatives précitées ; qu'elle n'a ainsi opéré ni discrimination à l'égard des jeunes travailleurs âgés de moins de dix ;huit ans ni ajouté de disposition par rapport à la loi ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du sixième alinéa de l'article 2 de la loi du 30 juin 2004 : « Le travail accompli, dans la limite de sept heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération lorsque le salarié est rémunéré en application de la loi n° 78 ;49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle ainsi que, dans la limite de la valeur d'une journée de travail, pour les salariés dont la rémunération est calculée par référence à un nombre annuel de jours de travail conformément au III de l'article L. 212 ;15 ;3 » ; qu'en prévoyant que « le principe de non ;rémunération ne s'applique pas aux salariés qui ne sont pas rémunérés en application de la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle. Ceux ;ci ne sont pas actuellement rémunérés pour les jours fériés chômés. Ils seront donc normalement rémunérés pour le travail effectué lors de la journée de solidarité. (…) Les salariés qui ne bénéficient pas des avantages liés à la loi de mensualisation et qui ne bénéficient donc pas de l'indemnisation des jours fériés chômés seront astreints à cette journée de travail supplémentaire, mais seront rémunérés normalement pour le travail accompli durant cette journée de solidarité », la circulaire du 15 décembre 2004 s'est bornée à rappeler l'absence de distinction, prévue par la loi du 30 juin 2004 entre salariés mensualisés et non mensualisés en ce qui concerne l'obligation de travailler pendant la journée de solidarité ; qu'ainsi, elle n'a pas illégalement ajouté de dispositions nouvelles à la loi ;

Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 212 ;16 du code du travail que la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance d'un principe de rémunération de toute heure de travail à hauteur du salaire minimum garanti ne peut qu'être écarté ; que, d'autre part, en vertu de l'article 4 de la charte sociale européenne, les Etats parties s'engagent à reconnaître le droit des travailleurs à une rémunération suffisante pour leur assurer, ainsi qu'à leur famille, un niveau de vie décent ; qu'eu égard à la nature et au degré de charge supplémentaire de travail prévue par la loi du 30 juin 2004, ces dispositions, ne sont, en tout état de cause, pas méconnues ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 30 juin 2004 « une convention ou un accord de branche ou une convention ou un accord d'entreprise détermine la date de la journée de solidarité » ; qu'ainsi, le législateur n'a pas ouvert la possibilité de déterminer la date de la journée de solidarité par accord établissement ; que, par suite, la circulaire du 15 décembre 2004, en prévoyant qu'« il appartient en principe aux partenaires sociaux de fixer sa date par accord de branche ou d'entreprise, voire le cas échéant par accord d'établissement », a méconnu les dispositions de l'article 2 de la loi du 30 juin 2004 ; que, dès lors, la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS est fondée à demander l'annulation des dispositions de la circulaire du 15 décembre 2004 prévoyant la possibilité de fixer la date de la journée de solidarité par accord d'établissement, qui sont divisibles ;

En ce qui concerne la circulaire du 20 avril 2005 :

Considérant, d'une part, que la circulaire du 20 avril 2004 a prévu une possibilité pour les partenaires sociaux de fixer la date de la journée de solidarité par accord de branche ou d'entreprise voire d'établissement ; qu'ainsi qu'il a été dit, ces dispositions ont méconnu les dispositions de l'article 2 de la loi du 30 juin 2004 ; que, dès lors, la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS est fondée à demander l'annulation des dispositions de la circulaire du 20 avril 2005 prévoyant la possibilité de fixer la date de la journée de solidarité par accord d'établissement, qui sont divisibles ;

Considérant, d'autre part, que le passage de la circulaire litigieuse intitulé « question ;réponse n° 11 » a prévu que la journée de solidarité ne pouvait être fractionnée ; qu'aux termes du huitième alinéa de l'article L. 212 ;16 du code du travail : « Les heures correspondant à la journée de solidarité, dans la limite de sept heures ou de la durée proportionnelle à la durée contractuelle pour les salariés à temps partiel, ne s'imputent ni sur le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212 ;6 ni sur le nombre d'heures complémentaires prévu aux articles L. 212 ;4 ;3 et L. 212 ;4 ;4 » ; qu'ainsi, en instituant une journée de solidarité, le législateur n'a pas entendu interdire le fractionnement des sept heures de travail supplémentaires prévues par la loi du 30 juin 2004 ; que, par suite, les dispositions du passage de la circulaire litigieuse intitulée « question ;réponse n° 11 » ont méconnu les dispositions de cette loi ; que, dès lors, la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE est fondée à demander l'annulation de ces dispositions, qui sont divisibles ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun des syndicats requérants d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Dans la circulaire du 15 décembre 2004, les mots « voire le cas échéant par accord d'établissement » sont annulés.

Article 2 : Dans la circulaire du 20 avril 2005, les mots « voire d'établissement » sont annulés.

Article 3 : Le passage de la circulaire du 20 avril 2005 intitulé « question ;réponse n° 11 » est annulé.

Article 4 : L'Etat versera respectivement à la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS et à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS et de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS, à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE, au Premier ministre et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 06 sep. 2006, n° 281711
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Sébastien Veil
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU ; HAAS

Origine de la décision
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Date de la décision : 06/09/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 281711
Numéro NOR : CETATEXT000008224215 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-09-06;281711 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award