La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/09/2006 | FRANCE | N°296613

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 08 septembre 2006, 296613


Vu la requête, enregistrée le 21 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Y... A, demeurant ... ; M. Y... A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de la justice administrative, la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté sa réclamation formée contre la décision de l'ambassadeur de France à Erevan rejetant implicitement sa demande de visa d'entrée en France en qualit

é de conjoint de français présentée le 7 décembre 2005 ;

2°) d'enjoindr...

Vu la requête, enregistrée le 21 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Y... A, demeurant ... ; M. Y... A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de la justice administrative, la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté sa réclamation formée contre la décision de l'ambassadeur de France à Erevan rejetant implicitement sa demande de visa d'entrée en France en qualité de conjoint de français présentée le 7 décembre 2005 ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation dudit conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qu'il a exercée ;

il expose qu'il a contracté mariage le 16 juillet 2005 avec Mme B, de nationalité française, alors qu'il était présent en France comme demandeur d'asile ; que du fait de l'absence de réponse de l'ambassade de France à Erevan, il est éloigné de son épouse depuis décembre 2005 soit plus de huit mois ; que l'urgence est donc constituée ; que, selon l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, les refus de visa doivent être motivés s'ils sont opposés à un conjoint de français ; que la décision implicite contestée n'est pas motivée ; que son droit à mener une vie familiale normale conformément à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux principes constitutionnels est méconnu ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 août 2006, présenté par le ministre des affaires étrangères, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que tant que la commission de recours n'aura pas statué, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut être de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus ; que des indices précis font apparaître que le mariage est contracté dans le but exclusif d'obtenir un visa puis un titre de séjour ; que M. A a recouru à la fraude pour obtenir un premier visa en 2002 puis présenter une demande d'asile en mai 2003 ; que les déclarations de Mme B sur son mariage restent évasives et contradictoires ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 6 septembre 2006 qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la fraude éventuelle au séjour est sans conséquence sur la réalité du mariage ; que l'union a été célébrée sous la véritable identité du requérant et qu'aucune procédure pénale d'aucune sorte n'a été initiée contre le requérant ni pour fraude au séjour ni pour fraude au mariage ; que des contacts téléphoniques ont été maintenus tous les jours depuis le retour de M. A en Arménie et que Mme B s'est rendue dans ce pays en août 2006 ; que M. A n'a jamais été marié avant d'épouser Mme B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 211-2 ;

Vu la loi n° 91.647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, notamment ses articles 3, 20, 37 et 75 ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 instituant une commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 7 septembre 2006 à 16 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- le représentant du ministre des affaires étrangères ;

Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de la justice administrative, la possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée à la double condition que soit invoqué un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction , un doute sérieux quant à la légalité de cette décision et qu'il y ait urgence ;

Considérant qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté devant l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que pour y faire obstacle il appartient à l'administration si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude de nature à justifier légalement le refus de visa ;

Considérant que pour s'opposer à la délivrance du visa demandé par M. A, le ministre des affaires étrangères met en cause la sincérité de son mariage célébré en France le 16 juillet 2005 avec Mme B ressortissante française ; que toutefois il ressort des pièces du dossier ainsi que de celles qui ont été présentées contradictoirement à l'audience qu'aucune action en annulation n'a été diligentée contre ce mariage ; que les époux ont mené une vie commune jusqu'au départ en Arménie du requérant qui résidait en France en tant que demandeur d'asile et avait été invité par l'administration à regagner son pays pour solliciter un visa au titre de conjoint de français ; que, depuis son départ, les époux ont maintenu les liens par téléphone et par un voyage de Mme B en Arménie en août 2006 ; que le seul fait que M. A ait présenté une première demande d'asile sous une fausse identité et qu'il ait présenté à l'appui d'une précédente demande de titre de séjour un visa falsifié ne saurait suffire à établir que le mariage est fictif ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le refus opposé à M. A au motif que son mariage serait de complaisance avec pour seul objectif de permettre son retour sur le territoire français n'est pas corroboré par un faisceau d'indices probants, est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'eu égard à la séparation imposée aux époux A, il est satisfait, en l'espèce, à la condition d'urgence ;

Considérant que par suite le requérant est fondé de demander la suspension du refus de visa qui lui a été opposé par la décision de la commission de recours ; qu'il est enjoint à l'administration de procéder à un nouvel examen de la demande de visa de M. A, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'en revanche, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant enfin qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros demandée par le requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission des recours contre les refus de visa d'entrée en France prise à l'encontre de M. A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de réexaminer la demande de visa présentée par M. A dans le mois suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de la justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Y... A et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 296613
Date de la décision : 08/09/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 sep. 2006, n° 296613
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:296613.20060908
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award