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11/09/2006 | FRANCE | N°279814

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 11 septembre 2006, 279814


Vu 1°) sous le n° 279814, le recours, enregistré le 21 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 9 octobre 2000 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé la décision du 27 mars 1995 du ministre de la défense portant ref

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Vu 1°) sous le n° 279814, le recours, enregistré le 21 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 9 octobre 2000 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé la décision du 27 mars 1995 du ministre de la défense portant refus d'exclure les services civils validés des services pris en compte pour le calcul de la pension militaire de retraite de M. Mohammed A, et d'autre part, au rejet des conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) statuant au fond, de faire droit au recours qu'il a présenté devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

Vu 2°) sous le n° 279849, le recours, enregistré le 22 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le ministre de la défense demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 9 octobre 2000 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE du 27 mars 1995 portant refus d'exclure les services civils validés des services pris en compte pour le calcul de la pension militaire de retraite de M. Mohammed A, et d'autre part, au rejet des conclusions aux fins d'annulation de cette décision présentées par M. A devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) statuant au fond, de faire droit au recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie présenté devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et du MINISTRE DE LA DEFENSE sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen des recours ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, gendarme pendant 34 ans, 5 mois et 10 jours, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 mai 1990 ; que le total de ses annuités s'élevant, compte tenu de diverses bonifications, à 46 ans, 3 mois et 21 jours, a été limité à 40 annuités pour la liquidation de sa pension militaire de retraite qui lui a été concédée par une décision notifiée par arrêté du 2 juillet 1990 reçu le 19 juillet suivant ; que l'intéressé a également réclamé la liquidation d'une pension de retraite civile auprès de la caisse régionale d'assurances maladies d'Aquitaine à raison de ses annuités antérieures à son entrée dans la gendarmerie ; qu'il a demandé le 27 février 1995 au service des pensions des armées d'exclure du calcul de sa pension militaire les services civils qu'il avait accomplis en qualité de préposé stagiaire de l'administration des douanes entre le 1er avril 1958 et le 20 janvier 1960 et qui avaient été validés par une décision du MINISTRE DE LA DEFENSE du 20 octobre 1965 ; que cette demande a été rejetée par une décision du MINISTRE DE LA DEFENSE en date du 27 mars 1995 ; que, par un jugement du 9 octobre 2000, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette dernière décision ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement par un arrêt du 1er mars 2005 contre lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoient en cassation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit… ; que l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964, autorise la prise en compte, pour la constitution du droit à pension, des services d'auxiliaire, de temporaire, d'aide ou de contractuel accomplis dans les administrations centrales de l'Etat, les services extérieurs en dépendant et les établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel et commercial, même si ces services ont été accomplis avant l'âge de dix-huit ans ; qu'il résulte de ces dispositions que si une demande tendant à ce que des services validés ne soient pas pris en compte pour la liquidation de la pension doit être regardée, lorsqu'elle a été présentée avant cette liquidation, comme tendant au retrait de la décision validant ces services et si, en ce cas, le ministre conserve la faculté de rapporter cette décision, s'il le juge opportun, à condition que ce retrait ne puisse porter aucune atteinte aux droits des tiers, une même demande présentée après la liquidation de la pension constitue une demande de révision de celle-ci à laquelle il ne peut être fait droit que dans les conditions prévues par l'article L. 55 précité ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article qu'une pension définitivement acquise ne peut être révisée et que cette règle ne connaît que deux exceptions, en cas d'erreur matérielle ou d'erreur de droit ; que, compte tenu de la portée de la règle du caractère définitif de la pension, ces deux exceptions doivent être interprétées strictement ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et le MINISTRE DE LA DEFENSE sont fondés à soutenir que la cour, en jugeant qu'une révision d'une pension, qui ne répare aucune illégalité entachant la décision de liquidation, peut être accordée sur demande de l'intéressé si elle n'implique aucune revalorisation du montant de la pension et ne porte aucune atteinte aux droits des tiers, a commis une erreur de droit ; qu'ils sont, dès lors, fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que pour annuler la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE refusant de soustraire des annuités prises en compte pour la liquidation de la pension de M. A les services qu'il avait accomplis en qualité de préposé stagiaire de l'administration des douanes, le tribunal administratif a jugé que la mesure sollicitée ne constituait pas une révision de cette pension et qu'en conséquence les dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne faisaient pas obstacle à ce que le ministre puisse la rapporter dès lors que cette mesure était sans incidence sur la constitution et le montant des droits à pension ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le tribunal a ainsi commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A devant le tribunal administratif ;

Considérant, en premier lieu, que M. A n'a demandé la révision de sa pension, pour le motif de droit tiré de l'application des dispositions de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qu'après l'expiration du délai d'un an prévu à l'article L. 55 précité du même code et qui courait à compter de la notification qui lui a été faite de la décision de concession initiale de sa pension ; que la pension qui lui a été concédée est donc devenue définitive, avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables ;

Considérant, en second lieu, que l'administration n'est pas tenue de donner aux retraités une information particulière sur les droits spécifiques qu'ils pourraient éventuellement revendiquer en application des textes législatifs et réglementaires relatifs aux pensions civiles et militaires de retraite ; que les dispositions dont le bénéfice est invoqué, ont fait, à l'époque, l'objet d'une publication régulière par insertion au Journal officiel ; qu'aucune autre mesure de publicité n'incombait à l'administration ; que, par suite, M. A ne peut prétendre que, faute pour l'administration de lui avoir notifié ces dispositions, le délai fixé par l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne lui serait pas opposable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. A, qui tendait à la révision de sa pension pour erreur de droit, a été présentée après l'expiration du délai d'un an fixé par les dispositions précitées de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE était tenu de rejeter cette demande ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à en demander l'annulation ; que, dès lors, les conclusions de sa demande présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 1er mars 2005 et les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 9 octobre 2000 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif de Bordeaux sont rejetées, ainsi que ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Bordeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, au MINISTRE DE LA DEFENSE et à M. Mohammed A.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 279814
Date de la décision : 11/09/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

48-02-01-10-005 PENSIONS. - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE. - QUESTIONS COMMUNES. - RÉVISION DES PENSIONS ANTÉRIEUREMENT CONCÉDÉES. - RÉVISION EN CAS D'ERREUR (ARTICLE L. 55 DU CODE). - DEMANDE DE RÉVISION - NOTION - INCLUSION - DEMANDE TENDANT À CE QUE DES SERVICES VALIDÉS NE SOIENT PAS PRIS EN COMPTE POUR LA LIQUIDATION DE LA PENSION [RJ1].

48-02-01-10-005 Il résulte des dispositions des articles L. 5 et L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite que si une demande tendant à ce que des services validés ne soient pas pris en compte pour la liquidation de la pension doit être regardée, lorsqu'elle a été présentée avant cette liquidation, comme tendant au retrait de la décision validant ces services et si, en ce cas, le ministre conserve la faculté de rapporter cette décision, s'il le juge opportun, à condition que ce retrait ne puisse porter aucune atteinte aux droits des tiers, une même demande présentée après la liquidation de la pension constitue une demande de révision de celle-ci à laquelle il ne peut être fait droit que dans les conditions prévues par l'article L. 55.


Références :

[RJ1]

Rappr. 9 avril 1999, Saunier, p. 127.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 sep. 2006, n° 279814
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur public ?: M. Casas

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:279814.20060911
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