Vu 1°) la requête, enregistrée le 22 juin 2004 sous le n° 268996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 14 avril 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 8 avril 2004 en tant que cet arrêté désigne l'Algérie comme pays à destination duquel M. Abdenour A doit être renvoyé ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision fixant le pays à destination ;
Vu 2°) la requête, enregistrée le 2 juillet 2004 sous le n° 269385 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abdenour A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 avril 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2004 du préfet du Val d'Oise décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) de faire droit aux conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jacky Richard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux requêtes susvisées concernent la situation d'une même personne et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que M. A, ressortissant algérien, est entré en France le 5 mars 2002 et a demandé le bénéfice de l'asile territorial ; qu'après que le ministre de l'intérieur eut rejeté sa demande par une décision du 30 juillet 2003, le préfet de Seine-Saint-Denis lui a notifié le 5 septembre 2003 un refus de titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire national dans un délai d'un mois ; que l'intéressé s'étant maintenu en France au delà de ce délai, le PREFET DU VAL-D'OISE a pris à son encontre le 8 avril 2004 un arrêté de reconduite à la frontière et une décision distincte fixant le pays de destination qui doit être regardée, dans les termes où elle est rédigée, comme désignant l'Algérie ; que M. A a contesté ces deux décisions devant le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; que, par un jugement en date du 14 avril 2004, le magistrat délégué par le président de ce tribunal a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière mais a annulé la décision fixant le pays de destination en raison des risques que courrait l'intéressé en cas de retour dans ce pays ; que le PREFET DU VAL-D'OISE fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé cette décision tandis que M. A fait appel du même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ;
Considérant en premier lieu que M. A n'invoque pas, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté du ministre de l'intérieur rejetant sa demande d'asile territorial ; que, par suite, le moyen tiré des risques qu'il encourrait en cas de retour en Algérie est inopérant à l'encontre de l'arrêté du PREFET DU VAL-D'OISE décidant sa reconduite à la frontière qui n'a pas pour effet de l'obliger à retourner dans ce pays ; que, par suite, sa requête et son appel incident qui ne soulèvent aucun autre moyen, ne peuvent qu'être rejetés ;
Considérant en second lieu qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages précis et concordants produits pour la première fois en appel, que M. A a fait l'objet de menaces de mort en raison de sa participation à un groupe municipal de défense et qu'il est exposé, en cas de retour dans son pays, à des risques personnels pour sa vie ou son intégrité physique ; que, par suite, le PREFET DU VAL-D'OISE ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prendre une décision fixant l'Algérie comme pays à destination duquel devait être renvoyé M. A ; que, dès lors, le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête du PREFET DU VAL-D'OISE doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans le dossier n° 268 996 ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boulloche, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que l'avocat de M. A demande à ce titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DU VAL-D'OISE et les conclusions de M. A tendant à l'annulation du jugement du 14 avril 2004 du magistrat délégué par le Président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont rejetées.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Boulloche, avocat de M. A, une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-D'OISE, à M. Abdenour A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.