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13/09/2006 | FRANCE | N°287530

France | France, Conseil d'État, 10eme sous-section jugeant seule, 13 septembre 2006, 287530


Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE DF PRESSE, dont le siège est ... ; la SOCIETE DF PRESSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2005 par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a prononcé l'interdiction, d'une part, de proposer, de donner ou de vendre la revue « BRUT » à des mineurs, d'autre part, d'exposer cette revue éditée par les éditions DF PRESSE ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3

500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE DF PRESSE, dont le siège est ... ; la SOCIETE DF PRESSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2005 par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a prononcé l'interdiction, d'une part, de proposer, de donner ou de vendre la revue « BRUT » à des mineurs, d'autre part, d'exposer cette revue éditée par les éditions DF PRESSE ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne-Marie Camguilhem, Conseiller d'Etat,

-

- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la SOCIETE DF PRESSE,

-

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'un arrêté prononçant une ou plusieurs des interdictions prévues par l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 modifiée sur les publications destinées à la jeunesse est au nombre des décisions qui doivent être motivées en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Considérant que l'arrêté du 26 octobre 2005, par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a, sous les peines prévues au sixième alinéa de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, interdit de proposer, de donner ou de vendre à des mineurs, ainsi que d'exposer la revue « BRUT », éditée par la SOCIETE DF PRESSE, est fondé sur « la place faite à la violence dans cette revue », ainsi que sur « le danger qu'elle représente pour les mineurs qui pourraient l'acquérir » ; que de tels motifs, qui comportent les éléments de fait et de droit de nature à fonder la mesure prise, satisfont aux prescriptions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susmentionnée ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la loi du 16 juillet 1949 :

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 précitée : « Le ministre de l'intérieur est habilité à interdire : - de proposer, de donner ou de vendre à des mineurs de dix-huit ans les publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique, ou de la place faite au crime ou à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l'incitation, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ; - d'exposer ces publications à la vue du public en quelque lieu que ce soit, et notamment à l'extérieur ou à l'intérieur des magasins ou des kiosques, et de faire pour elles de la publicité par la voie d'affiches ; - d'effectuer, en faveur de ces publications, de la publicité au moyen de prospectus, d'annonces ou insertions publiées dans la presse, de lettres-circulaires adressées aux acquéreurs éventuels ou d'émissions radiodiffusées ou télévisées. / Toutefois, le ministre de l'intérieur a la faculté de ne prononcer que les deux premières, ou la première, de ces interdictions (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'examen du contenu de plusieurs exemplaires de la revue « BRUT », devenue la revue « BR », que celle-ci reproduit notamment de nombreuses photographies de cadavres mutilés, à la suite d'agressions ou d'accidents destinés à choquer le lecteur par leur caractère violent ainsi que des photographies pornographiques ; que par suite, le ministre a pu à bon droit considérer que la revue « BRUT » présente un danger pour la jeunesse, et décider d'interdire la vente de la publication aux mineurs ;

Considérant en outre qu'il appartient au juge de la légalité de rechercher si les circonstances de l'espèce justifient l'intervention de mesures accompagnant l'interdiction de vente aux mineurs des publications présentant un danger pour la jeunesse ; qu'il ressort des pièces du dossier que les couvertures du magazine comportent des photographies et des textes de nature à justifier l'interdiction d'exposition à la vue du public, sans que la circonstance que des revues d'inspiration comparable à la publication litigieuse auraient fait, antérieurement, l'objet de simples interdictions aux mineurs puisse utilement être invoquée ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme :

Considérant qu'en vertu des stipulations du 2ème alinéa de l'article 10 de ladite convention, l'exercice de la liberté d'expression « peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique ... à la protection de la santé ou de la morale (...) » ; que les mesures faisant l'objet de l'arrêté attaqué entrent dans le champ d'application de ces stipulations et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les interdictions prononcées par l'arrêté attaqué aient porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression, eu égard au but poursuivi par ces mesures ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DF PRESSE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2005 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE DF PRESSE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DF PRESSE et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 10eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 287530
Date de la décision : 13/09/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 sep. 2006, n° 287530
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Anne-Marie Camguilhem
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile
Avocat(s) : SCP GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:287530.20060913
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