Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GELDOC HOLDING, dont le siège est Avenue de la Gineste B.P. 3501 à Rodez (12035) ; la SOCIETE GELDOC HOLDING demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 10 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 26 janvier 2000 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande en réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1990 et 1991 ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
2°) statuant au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Andrieu, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE GELDOC HOLDING,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE GELDOC HOLDING exerce une activité de vente de produits surgelés et sous-loue pour ce faire des locaux à la SCI Les Caraïbes ; que le président-directeur général de la SOCIETE GELDOC HOLDING est également gérant de la SCI, son épouse et lui détenant la majorité des parts des deux sociétés ; que la SOCIETE GELDOC HOLDING a fait l'objet, au titre des exercices clos les 31 décembre 1990 et 1991, de rappels d'impôt sur les sociétés fondés notamment sur la réintégration dans son bénéfice imposable de la part jugée excessive des loyers payés à la SCI ; que la SOCIETE GELDOC HOLDING demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 10 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 26 janvier 2000 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande en réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1990 et 1991 ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties, en tant que cet arrêt porte sur les redressements nés du caractère excessif des loyers versés à la SCI Les Caraïbes ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, alors en vigueur : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation... ;
Considérant que lorsque l'administration informe une société qu'elle envisage de réintégrer dans ses résultats imposables une fraction des loyers versés par celle-ci pour la location d'un ensemble immobilier, au motif qu'ils excédent la valeur locative réelle des biens loués, il lui appartient de préciser, outre l'adresse et le taux de rentabilité moyen des immeubles retenus comme termes de comparaison, la date du contrat de bail, les activités exercées, ainsi que les principales caractéristiques physiques de ces bâtiments, notamment la surface, le nombre d'étages et le nombre de pièces ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la notification de redressement du 3 mai 1993 énumère, en précisant le nom du propriétaire et du locataire, ainsi que l'adresse et la date du contrat de bail, les immeubles retenus comme termes de comparaison, dont elle mentionne le taux de rentabilité moyen ; qu'en en déduisant que, bien qu'elle ne comportât aucune mention des principales caractéristiques physiques de ces bâtiments, la notification de redressement du 3 mai 1993 était, sur ce point, régulièrement motivée, alors que ces lacunes étaient de nature à priver le contribuable de la possibilité de formuler ses observations de façon utile, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE GELDOC HOLDING est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la cour a statué sur le caractère excessif des loyers versés à la SCI Les Caraïbes ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler dans cette mesure l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la notification de redressement du 3 mai 1993 n'a pas été régulièrement motivée en ce qu'elle avait trait au caractère excessif des loyers versés à la SCI Les Caraïbes ; que la fraction d'impôt sur les sociétés résultant de ce chef de redressement a, par suite, été établie à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, dès lors, la SOCIETE GELDOC HOLDING est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de lui accorder la réduction, à due concurrence, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés dont s'agit ; qu'il y a lieu de prononcer dans cette mesure la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes et, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 10 juin 2004 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant que la cour a statué sur le supplément d'impôt sur les sociétés auquel la SOCIETE GELDOC HOLDING a été assujettie au titre des exercices 1990 et 1991 à raison du caractère excessif des loyers versés à la SCI Les Caraïbes.
Article 2 : Il est accordé à la SOCIETE GELDOC HOLDING une réduction du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices 1990 et 1991, à concurrence des droits et pénalités résultant de la réintégration dans son bénéfice imposable des loyers versés considérés comme excessifs.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 janvier 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SOCIETE GELDOC HOLDING.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GELDOC HOLDING et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.