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13/10/2006 | FRANCE | N°270876

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 13 octobre 2006, 270876


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 15 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 29 juin 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y... B, épouse A, et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B, épouse A, devant le tribunal admi

nistratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention europée...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 15 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 29 juin 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y... B, épouse A, et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B, épouse A, devant le tribunal administratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Z... Cabrera, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme B, épouse A,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Comissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B, épouse A, de nationalité turque, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 25 mars 2003, de la décision du PREFET DE L'EURE du 21 mars 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B réside en France depuis octobre 2000 et qu'elle s'est mariée en août 2001 avec un compatriote avec lequel elle a eu un enfant né en France en juin 2001 ; qu'en outre, elle fait valoir qu'elle n'a jamais troublé l'ordre public, que son mari bénéficie d'une promesse d'embauche et que leur fils souffre d'un asthme sévère nécessitant un suivi médical régulier ; que, toutefois, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de ce que le mari de Mme B est lui ;même en situation irrégulière et fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière du même jour, que son fils peut bénéficier en Turquie d'un suivi médical approprié à sa maladie et que Mme B n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside toute sa famille, l'arrêté du PREFET DE L'EURE du 29 juin 2004 n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu l'existence d'une telle atteinte pour annuler son arrêté du 29 juin 2004 ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B devant le tribunal administratif de Rouen et devant le Conseil d'Etat ;

Considérant que, par un arrêté du 26 juillet 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département le 29 juillet 2002, le PREFET DE L'EURE a donné à M. Stéphane X..., secrétaire général de la préfecture, délégation de signature pour les affaires concernant, notamment, l'admission et le séjour des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant que si Mme B soutient avoir demandé, le 24 avril 2004, le réexamen de sa situation au regard de l'asile, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence d'une telle demande, dont le préfet indique n'avoir aucune trace ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait dû être mise en possession d'un titre provisoire de séjour dans l'attente d'une nouvelle décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision prévoyant sa reconduite à destination de son pays d'origine, Mme B, qui est d'origine kurde, fait valoir qu'elle serait exposée à des risques en cas de retour en Turquie en raison du militantisme en faveur de la cause kurde de son père, plusieurs fois torturé et en raison d'une décision d'arrestation de la cour de sûreté de l'Etat et d'un mandat d'arrêt lancé contre son mari pour son aide au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), documents qui ne sont produits qu'en traduction et sans être accompagnés de la production d'une copie des originaux ; qu'elle n'assortit pas ses allégations de précisions et de justifications suffisamment probantes pour établir la réalité de ces risques, dont ni l'office français de protection des réfugiés et apatrides ni la commission des recours des réfugiés n'ont d'ailleurs retenu l'existence ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'EURE est fondé à demander l'annulation du jugement du 15 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 29 juin 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme B, épouse A ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter la demande de celle-ci ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 15 juillet 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen par Mme B, épouse A, est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'EURE, à Mme Y... B, épouse A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 270876
Date de la décision : 13/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 2006, n° 270876
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:270876.20061013
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