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18/10/2006 | FRANCE | N°277332

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 18 octobre 2006, 277332


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 février et 7 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Dominique A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 25 octobre 2004 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre l'interdiction d'exercer pendant une durée de cinq ans l'une quelconque des activités à l'occasion desquelles il a commis les manquements retenus et une sanction pécuniaire de 200 000 euros ;

2°)

de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement d'une...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 février et 7 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Dominique A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 25 octobre 2004 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre l'interdiction d'exercer pendant une durée de cinq ans l'une quelconque des activités à l'occasion desquelles il a commis les manquements retenus et une sanction pécuniaire de 200 000 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ;

Vu le règlement général du conseil des marchés financiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'Autorité des marchés financiers,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que si la première notification de griefs adressée le 6 novembre 2003 par le conseil des marchés financiers à M. A et l'invitant à consulter son dossier n'est pas parvenue à l'intéressé, qui avait changé d'adresse, une seconde notification identique lui a été envoyée, le 13 avril 2004, à sa nouvelle adresse, par l'Autorité des marchés financiers, qui avait succédé au conseil des marchés financiers ; que c'est également à sa nouvelle adresse que lui a été envoyée, le 16 septembre 2004, la convocation à la séance de la commission des sanctions au cours de laquelle celle-ci devait se prononcer sur son dossier ; qu'il a été accusé réception de ces deux courriers, envoyés en recommandé ; que si M. A soutient qu'il ne les a pas reçus et que, d'ailleurs, les signatures figurant sur les deux accusés de réception diffèrent, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors que l'Autorité des marchés financiers a accompli les diligences requises et qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les plis auraient été remis à des personnes n'ayant pas qualité pour les recevoir ; que le dossier de la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de M. A, auquel celui-ci avait accès, comportait le rapport d'inspection du conseil des marchés financiers ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les droits de la défense auraient été méconnus ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, que la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 622-16 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sans préjudice des dispositions de l'article L. 613-21, les prestataires de services d'investissement, les membres d'un marché réglementé, les entreprises de marché et les chambres de compensation sont passibles des sanctions prononcées par le conseil des marchés financiers à raison des manquements à leurs obligations professionnelles, définies par les lois et règlements en vigueur » ; qu'aux termes de l'article L. 622 ;17 du même code : « Les personnes placées sous l'autorité ou agissant pour le compte des personnes mentionnées au I de l'article L. 622-16 sont passibles des sanctions prononcées par le conseil des marchés financiers à raison des manquements à leurs obligations professionnelles, définies par les lois et règlements en vigueur (…)./ Les sanctions applicables sont l'avertissement, le blâme et le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle. En outre, le conseil des marchés financiers peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 60 000 euros ou au triple du montant des profits éventuellement réalisés (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la décision attaquée vise les articles L. 621 ;14 et L. 621-15 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a fait application, s'agissant du quantum de la sanction, des articles L. 622-16 et L. 622-17 du même code, dans leur rédaction issue de la loi du 2 juillet 1996, lesquels étaient les seuls légalement applicables en l'espèce, dès lors que les faits reprochés à M. A ont été commis antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003 ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du principe de non-rétroactivité des dispositions répressives plus sévères doit être écarté ;

Considérant, toutefois, que les dispositions de l'article L. 622-17 du code monétaire et financier selon lesquelles le montant d'une sanction peut être fixé en fonction des profits éventuellement réalisés ne permettent de prendre en compte que les profits qui ont été personnellement appréhendés, à un titre ou un autre, par la personne sanctionnée ; qu'il ne ressort ni de la notification des griefs adressée à M. A ni de la décision attaquée elle-même que M. A aurait personnellement appréhendé des profits d'un montant justifiant que soit prononcée à son encontre une sanction d'un montant supérieur à 60 000 euros ; qu'il suit de là que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a entaché sa décision d'erreur de droit en estimant qu'elle pouvait infliger à l'intéressé une sanction pécuniaire excédant un tel montant ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a été personnellement à l'origine d'une opération ayant consisté à procéder, le même jour, à des achats et ventes d'un même titre, puis à affecter a posteriori le gain correspondant sur le compte d'un de ses clients et la perte sur le compte « erreurs » de l'établissement qui l'employait ; qu'un tel manquement, qui ne saurait être imputé à la prétendue inexpérience de l'intéressé, est de nature à justifier, eu égard à sa gravité, la sanction prononcée par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ramenée, en ce qui concerne son volet pécuniaire, à un montant de 60 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l'Autorité des marchés financiers ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La sanction pécuniaire prise le 25 octobre 2004 par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers à l'encontre de M. A est ramenée à un montant de 60 000 euros.

Article 2 : La décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : L'Autorité des marchés financiers versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'Autorité des marchés financiers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Dominique A, à l'Autorité des marchés financiers, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à la BNP Paribas, à la BNP Equities et à la société KBL France.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 277332
Date de la décision : 18/10/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2006, n° 277332
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:277332.20061018
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