Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 19 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO , dont le siège est Cabinet Vassiliades, 8, rue du 4 Septembre à Paris (75002) ; le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 16 mai 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 8 février 2006 du préfet de Paris accordant un permis de construire pour la construction d'une annexe à la maison d'arrêt de la santé ;
2°) statuant en référé, de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, présentée par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, enregistrée le 12 octobre 2006 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,
- les observations Me Odent, avocat du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO ,
- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 522-1 du même code : Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale ; que selon l'article R. 522-4 du même code : Notification de la requête est faite aux défendeurs. / Les délais les plus brefs sont donnés aux parties afin de fournir leurs observations (...) ; que l'article R. 522-7 du même code dispose que : L'affaire est réputée en état d'être jugée dès lors qu'a été accomplie la formalité prévue au premier alinéa de l'article R. 522-4 et que les parties ont été régulièrement convoquées à une audience publique pour y présenter leurs observations ; qu'enfin, en vertu des dispositions de l'article R. 522-8 du même code : L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens (...) ;
Considérant que, sauf dans le cas où il est fait application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, ces dispositions font obligation au juge des référés, afin que soit respecté le caractère contradictoire de la procédure, de communiquer au demandeur, par tous moyens, les observations écrites de la partie adverse, y compris lors de l'audience pendant laquelle se poursuit l'instruction de la demande de suspension ; qu'il lui revient, lorsque ces observations sont produites au cours de l'audience ou peu de temps avant, d'apprécier au cas par cas, en tenant compte notamment de ce que lui demande l'autre partie, qui peut souhaiter faire valoir des éléments nouveaux qu'elle n'était pas en mesure d'invoquer précédemment, s'il y a lieu soit de suspendre l'audience ou de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure à celle-ci, soit au contraire de ne pas le faire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Paris a produit, le 15 mai 2006, jour fixé pour la tenue de l'audience de référé, un mémoire en défense en réponse à la communication de la demande du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO et que ce mémoire a été communiqué à ce dernier une heure avant l'audience ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que le syndicat requérant, qui était représenté à l'audience de référé et qui, ainsi que le mentionnent les visas de l'ordonnance attaquée, y a présenté une argumentation en réponse à celle que le préfet faisait valoir dans son mémoire, aurait sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Paris que soit suspendue l'audience à la suite de la production de ce mémoire ou que soit différée la clôture de l'instruction à une date postérieure à celle-ci ; qu'il n'a pas non plus produit, à l'issue de l'audience, d'éléments nouveaux susceptibles de justifier un report de la clôture de l'instruction ou, ultérieurement, une réouverture de celle-ci ; qu'il n'est ainsi pas fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu ;
Mais considérant que, pour prendre l'arrêté du 8 février 2006 accordant un permis de construire pour la construction d'une annexe à la maison d'arrêt de la santé, le préfet de Paris a fait application des dispositions des articles U.H.14.1 et U.H.15 du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Paris, qui, respectivement, dans le secteur d'implantation du bâtiment projeté, fixent un coefficient d'occupation des sols de 3 pour certaines destinations, dont les équipements publics participant à la vie locale , alors que ce coefficient n'est en principe que de 0,5 pour les bureaux et les activités, et autorisent des dépassements limités de ces coefficients ; qu'à cet effet, le bâtiment projeté a été regardé comme constituant un tel équipement ; que, toutefois, eu égard aux caractéristiques du projet en cause, qui, ainsi qu'il ressort du dossier soumis au juge des référés, est séparé de la maison d'arrêt de la santé par une rue et qui, pour l'essentiel, a vocation à accueillir des bureaux et des locaux de formation, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant que le moyen tiré de la méconnaissance des règles applicables en matière de coefficient d'occupation des sols n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; qu'ainsi, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par le syndicat requérant ;
Considérant, d'une part, que, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d'un bâtiment autorisée par un permis de construire, la condition d'urgence doit, en principe, être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés ; qu'il peut, toutefois, en aller autrement au cas où le pétitionnaire ou l'autorité qui a délivré le permis justifie de circonstances particulières ; qu'en l'espèce, il n'est fait état d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à la constatation de la condition d'urgence ;
Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le moyen tiré de la méconnaissance des règles applicables en matière de coefficient d'occupation des sols est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; qu'en revanche, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens développés par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO et tirés du défaut de consultation du ministre de la justice en méconnaissance des dispositions de l'article U.H.10.1 du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Paris, du non-respect des règles spécifiques fixées au même article à l'encontre des constructions projetées à l'intérieur du périmètre de sécurité situé aux abords de la maison d'arrêt de la santé, de la méconnaissance des normes de stationnement prévues par les articles U.H.12.1 et U.H.12.2 de ce règlement, de l'absence de dépôt préalable d'une demande de permis de démolir en violation de l'article R. 421-3-4 du code de l'urbanisme et de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1-1 de ce code en raison de l'empiètement de la construction projetée sur une autre propriété, ne paraissent pas de nature à faire naître un tel doute ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit à la demande du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO et de suspendre l'exécution de l'arrêté du 8 février 2006 du préfet de Paris accordant un permis de construire pour la construction d'une annexe à la maison d'arrêt de la santé ;
Considérant, enfin, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 16 mai 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 8 février 2006 du préfet de Paris est suspendue.
Article 3 : L'Etat versera au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LES JARDINS D'ARAGO , au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.