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25/10/2006 | FRANCE | N°266837

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 25 octobre 2006, 266837


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 16 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Louis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er mars 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 13 juin 2000 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande d'annulation de la décision du 8 octobre 1998 du préfet des Ardennes refusant de lui verser une subvention de 870 000 F po

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 16 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Louis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er mars 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 13 juin 2000 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande d'annulation de la décision du 8 octobre 1998 du préfet des Ardennes refusant de lui verser une subvention de 870 000 F pour l'abattage de son cheptel contaminé, ensemble la décision du 19 janvier 1999 dudit préfet rejetant son recours gracieux formé contre la décision précitée ;

2°) statuant au fond, d'annuler les décisions précitées du préfet des Ardennes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 63-301 du 19 mars 1963 modifié relatif à la prophylaxie de la tuberculose bovine ;

Vu l'arrêté du 16 mars 1990 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie bovine collective de la tuberculose bovine ;

Vu l'arrêté du 6 juillet 1990 fixant les mesures financières relatives à la lutte contre la brucellose bovine et à la lutte contre la tuberculose bovine et caprine ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, Auditeur,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 19 mai 1998, le préfet des Ardennes a déclaré infecté par la tuberculose bovine le troupeau appartenant à M. A, placé ce troupeau sous surveillance sanitaire et prescrit son abattage complet au plus tard le 15 juillet 1998 ; que, par décision du 8 octobre 1998, le directeur des services vétérinaires des Ardennes a refusé à l'intéressé le bénéfice du régime légal d'indemnisation prévu en pareil cas ; que M. A se pourvoit contre l'arrêt en date du 1er mars 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir annulé le jugement du 13 juin 2000 du tribunal administratif de Châlons en Champagne, a rejeté ses conclusions comme irrecevables en l'absence d'exercice du recours gracieux obligatoire prescrit par l'article 14 de l'arrêté interministériel du 6 juillet 1990 ;

Considérant que l'article 12 de l'arrêté du 6 juillet 1990, pris en application de l'article 13 du décret du 19 mars 1963 relatif à la prophylaxie de la tuberculose bovine, aujourd'hui codifié à l'article R. 224-54 du code rural, fixe les conditions d'indemnisation par l'Etat de l'abattage des bovins infectés par la tuberculose ; que l'article 14 du même arrêté prévoit que ces indemnités ne sont pas attribuées dans les cas suivants : (…) 5° Animal vendu selon le mode dit sans garantie ou vendu à un prix jugé abusivement bas par le directeur des services vétérinaires ; / 6° Toutes circonstances faisant apparaître une intention abusive de l'éleveur afin de détourner la réglementation de son objet ; que le même article précise que : Toutefois, en cas de contestation par le propriétaire débouté en application des dispositions des paragraphes 5° et 6° du présent article, la décision est prise par le préfet, après avis de la commission prévue à l'article 16 du décret du 19 mars 1963 modifié (…) ; que cette commission comprend, sous la présidence du représentant du préfet, une personnalité désignée par la chambre départementale d'agriculture et le directeur des services vétérinaires ;

Considérant que, si elles prévoient que, dans certains cas, la décision définitive de refus d'indemnisation est prise par le préfet après avis d'une commission comprenant une représentation professionnelle, ces dispositions ne peuvent toutefois, dans les termes où elles sont rédigées, être interprétées comme imposant à un éleveur à qui une décision de refus a été notifiée par les services vétérinaires de saisir le préfet d'un recours gracieux avant d'engager un contentieux devant la juridiction administrative ; qu'au demeurant, les auteurs de l'arrêté du 6 juillet 1990 n'étaient pas habilités à instaurer un recours préalable obligatoire avant toute contestation d'un refus d'indemnisation devant le juge administratif ; qu'ainsi la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit en substituant au motif de rejet retenu par le tribunal administratif dans son jugement du 13 juin 2000 celui tiré de l'irrecevabilité de la demande présentée devant cette juridiction par M. A ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, que M. A fait valoir que dans son jugement du 13 juin 2000 rejetant sa demande, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a omis d'examiner le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 19 mai 1998 déclarant son troupeau infecté par la tuberculose et prescrivant son marquage, son confinement puis son abattage, en l'absence de preuve de l'infection de son troupeau ; que toutefois la légalité de la décision refusant l'indemnisation prévue par l'arrêté du 6 juillet 1990, à l'annulation de laquelle M A borne ses conclusions, n'est pas subordonnée à celle de la décision ordonnant l'abattage du troupeau, en sorte que les moyens tirés de l'éventuelle illégalité de cette dernière décision sont inopérants dans le présent litige ; qu'ainsi, en ne répondant pas à ce moyen, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. A invoque devant le Conseil d'Etat un autre motif susceptible d'entacher la légalité de la décision ordonnant l'abattage de son troupeau, tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 16 mars 1990 sur la base duquel a été prise la décision ordonnant l'abattage, il résulte de ce qui a été dit ci dessus que ce moyen est inopérant dans le présent litige ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte ni du décret du 19 mars 1963, ni de l'arrêté interministériel du 6 juillet 1990, ni de l'arrêté préfectoral du 19 mai 1998 que l'administration, à qui il appartenait seulement de surveiller l'exécution des mesures prescrites, aurait dû effectuer son propre inventaire du troupeau avant l'abattage ;

Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que les anomalies constatées par la direction des services vétérinaires à la suite de l'abattage du troupeau de M. A tenaient à la falsification de bons d'équarrissage, à la substitution d'animaux adultes portés à l'inventaire par des nouveaux nés, au défaut d'identification d'animaux abattus, à la fausse déclaration de codes relatifs à la race et à la filiation, à l'indication de fausses dates de naissance, au défaut de notification d'une vache morte, à la réapparition sur les inventaires de bovins déclarés morts l'année précédente, à la discordance entre des dates de naissance et de filiation ainsi qu'à des incertitudes quant au poids des carcasses, l'ensemble concernant une partie importante des animaux abattus ; que les explications fournies par M. A ne portent que sur une partie de ces anomalies et ne sont pour l'essentiel pas de nature à remettre en cause les constatations faites par l'administration, lesquelles sont de nature à faire douter de la sincérité de l'ensemble de ses déclarations ; que la circonstance que, par un jugement en date du 31 mars 2003, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a relaxé M. A des fins d'une poursuite concernant la falsification de trois bons d'équarrissage est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée compte tenu de l'ensemble des faits reprochés à l'intéressé ; qu'ainsi, en raison des irrégularités substantielles affectant le respect des mesures de prophylaxie de la tuberculose prescrites par l'arrêté du 19 mai 1998, le préfet des Ardennes n'a pas commis d'erreur d'appréciation en privant l'intéressé du bénéfice de l'indemnisation prévue par l'article 16 de l'arrêté du 6 juillet 1990 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 1er mars 2004 est annulé.

Article 2 : La requête d'appel de M. A est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis A et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 266837
Date de la décision : 25/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2006, n° 266837
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:266837.20061025
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