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25/10/2006 | FRANCE | N°284463

France | France, Conseil d'État, 6eme sous-section jugeant seule, 25 octobre 2006, 284463


Vu la requête, enregistrée le 26 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X... B, président du tribunal de première instance de Papeete, demeurant ..., Polynésie française ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre de la justice et le haut-commissaire de la République en Polynésie française ont rejeté sa demande de remboursement intégral des loyers qu'il a acquittés depuis son installation en Polynésie française ;

2°) de condamner l'Etat à lui rembourser la somme

de 72 906 euros ainsi que les loyers échus et payés à compter du 1er septembre 20...

Vu la requête, enregistrée le 26 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X... B, président du tribunal de première instance de Papeete, demeurant ..., Polynésie française ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre de la justice et le haut-commissaire de la République en Polynésie française ont rejeté sa demande de remboursement intégral des loyers qu'il a acquittés depuis son installation en Polynésie française ;

2°) de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 72 906 euros ainsi que les loyers échus et payés à compter du 1er septembre 2005, à lui verser les intérêts légaux sur toutes les sommes qui lui seront versées au titre du remboursement des loyers à compter de la présentation de la quittance du loyer afférent au mois considéré ainsi que les intérêts des intérêts qui seront capitalisés à compter de l'enregistrement de la présente requête au Conseil d'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 ;

Vu l'arrêté du 2 décembre 2002 relatif à l'application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon de l'article 4 du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Auditeur,

- les observations de la SCP Vuitton, Vuitton, avocat de M. X... B,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 novembre 1967 : Les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat mariés ayant la qualité de chefs de famille, veufs, divorcés ou célibataires, en poste dans les territoires d'outre-mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent, sont logés et meublés par le service qui les emploie ; qu'aux termes de son article 3 : La mise à la disposition des magistrats et fonctionnaires de l'Etat visés à l'article premier ci-dessus d'un logement et de son ameublement donne lieu à une retenue précomptée mensuellement sur leur rémunération. (…) ; qu'aux termes de son article 4 : Les titulaires de logements de fonctions pour lesquels aucune retenue ne sera opérée seront limitativement désignés par arrêté conjoint du ministre d'Etat chargé de la fonction publique, du ministre d'Etat chargé des départements et territoires d'outre-mer et du ministre de l'économie et des finances ; que pour le cas où ces magistrats et fonctionnaires de l'Etat seraient obligés, faute de logements et d'ameublements administratifs de se loger et de se meubler à leurs frais, le premier alinéa de l'article 6 du décret prévoit qu'ils bénéficient du remboursement de leur loyer ; que le deuxième alinéa de cet article prévoit que le montant de ce remboursement ne pourra excéder la différence entre le loyer effectivement acquitté et une somme destinée à rester à la charge des magistrats ou fonctionnaires dont le montant intègre la retenue que devraient verser les intéressés s'ils étaient logés et meublés par leur service, augmentée le cas échéant de l'un ou l'autre des deux éléments suivants, soit une part égale à 25 % de la différence entre le montant de la retenue et celui du loyer réel dans la limite d'un loyer plafond fixé par arrêté soit une part égale à 75 % de la partie du loyer acquitté qui excède ce loyer plafond ;

Considérant que les auteurs du décret du 29 novembre 1967 ont entendu accorder aux magistrats qui occupent les fonctions dont la liste est fixée par l'arrêté interministériel prévu par son article 4, au titre de leur logement, un avantage pécuniaire représentant l'équivalent du montant de la retenue prévue par l'article 3, qu'ils soient ou non logés par le service qui les emploie ; qu'il n'y a donc pas lieu de déduire des remboursements qui doivent leur être accordés, lorsqu'ils sont obligés de se loger à leurs frais, une somme équivalant à cette retenue ; qu'en revanche sont applicables, le cas échéant, les modalités de plafonnement des remboursements dus par l'Etat ci-dessus analysées ;

Considérant que M. B, président du tribunal de première instance de Papeete (Polynésie française) depuis le 25 avril 2003, est en droit d'être titulaire d'un logement de fonctions par application de l'arrêté du 2 décembre 2002 ; qu'il ressort des pièces du dossier que, faute de disponibilité d'un tel logement, il s'est logé à ses frais depuis son installation à Papeete ; que, dès lors, il est fondé à demander l'annulation des décisions du ministre de la justice et du haut-commissaire de la République de Polynésie française lui refusant le remboursement intégral des loyers qu'il a acquittés depuis son installation à Papeete, sous réserve de l'application des modalités de plafonnement prévues par l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 ; que, toutefois, les indemnités mensuelles de remboursement partiel de son loyer qui lui auraient été versées par le ministre de la justice doivent être déduites du montant total du remboursement demandé par M. B ; que l'état de l'instruction ne permet pas de connaître avec précision les sommes ainsi remboursées par le ministre non plus que les conditions dans lesquelles les modalités de plafonnement peuvent être appliquées et par conséquent le montant de la somme due à M. B ; qu'il y a lieu de renvoyer le requérant devant le ministre de la justice pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme ;

Sur les intérêts :

Considérant que les sommes dues à M. B devront porter intérêts au taux légal à compter de la réception par l'administration de sa demande préalable en date du 27 avril 2005 pour la partie de la créance échue à cette date et à compter de chaque échéance mensuelle pour la partie postérieure à cette date ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée dans la requête enregistrée au Conseil d'Etat le 26 août 2005 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; qu'il y a lieu d'accorder au requérant le bénéfice d'une nouvelle capitalisation des intérêts au 26 août 2006 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros que M. B demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les décisions implicites de rejet du garde des sceaux, ministre de la justice et du haut-commissaire de la République en Polynésie française nées du silence gardé pendant plus de deux mois sur la demande du 27 avril 2005 de M. B sont annulées.

Article 2 : M. B est renvoyé devant le garde des sceaux, ministre de la justice pour qu'il soit procédé à la liquidation du remboursement auquel il a droit dans les conditions précisées dans les motifs de la présente décision. Les sommes dues porteront intérêts à taux légal à compter de la réception par l'administration de la demande préalable en date du 27 avril 2005 pour la partie de la créance échue à cette date et à compter de chaque échéance mensuelle pour la partie postérieure à cette date. Les intérêts échus les 26 août 2005 et 26 août 2006 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. B la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... B, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de la fonction publique et au ministre de l'outre-mer.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 25 oct. 2006, n° 284463
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Schrameck
Rapporteur ?: M. Stéphane Hoynck
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP VUITTON, VUITTON

Origine de la décision
Formation : 6eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 25/10/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 284463
Numéro NOR : CETATEXT000008220383 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-10-25;284463 ?
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