La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2006 | FRANCE | N°292880

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 03 novembre 2006, 292880


Vu, enregistré le 27 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 20 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant de statuer sur la demande de la COMMUNE DU MONT-DORE tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2005 du président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie de mettre en place un dispositif de type chicanes sur la route provinciale n°1 dans l'agglomération de Saint-Louis et à ce qu'il soit enjoint à ladite assemblée de retirer ce dispositif dans un délai de quinze jours sous astreinte

de 500000 francs CFP par jour de retard, a transmis, en appli...

Vu, enregistré le 27 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 20 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant de statuer sur la demande de la COMMUNE DU MONT-DORE tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2005 du président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie de mettre en place un dispositif de type chicanes sur la route provinciale n°1 dans l'agglomération de Saint-Louis et à ce qu'il soit enjoint à ladite assemblée de retirer ce dispositif dans un délai de quinze jours sous astreinte de 500000 francs CFP par jour de retard, a transmis, en application des dispositions de l'article 205 de la loi organique du 19 mars 1999, le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question de savoir quelle est l'autorité compétente, de la Nouvelle-Calédonie, la province ou la commune, pour décider de la mise en oeuvre d'un dispositif ralentisseur de type chicanes sur les routes provinciales en Nouvelle-Calédonie à l'intérieur des agglomérations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code des communes de la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code territorial de la route de la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

REND L'AVIS SUIVANT

Aux termes de l'article 204 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : « I. - Les actes (..) de l'assemblée de province, de son bureau et de son président mentionnés au II sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou à leur notification aux intéressés, ainsi qu'à leur transmission au haut-commissaire ou à son représentant dans la province, (...) par le président de l'assemblée de province. (..) / II. - Sont soumis aux dispositions du I les actes suivants : (..)/ D. - Pour les assemblées de province : (...) /2° Les décisions réglementaires et individuelles prises par leur président en application des articles 40, 173 et 174 ». Aux termes de l'article 205 de la même loi : « Lorsque le tribunal administratif est saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes mentionnés aux (..) 1° à 3° du D du II de l'article 204 et que ce recours est fondé sur un moyen sérieux invoquant l'inexacte application de la répartition des compétences entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes ou que ce moyen est soulevé d'office, il transmet le dossier sans délai pour avis au Conseil d'Etat, par un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours. Le Conseil d'Etat examine la question soulevée dans un délai de trois mois et il est sursis à toute décision sur le fond jusqu'à son avis ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. Le tribunal administratif statue dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'avis au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou de l'expiration du délai imparti au Conseil d'Etat. »

En application de ces dispositions, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a sursis à toute décision au fond sur la demande de la COMMUNE DU MONT-DORE, tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2005 du président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie de mettre en place un dispositif ralentisseur de type chicanes et à ce qu'il soit enjoint à ladite assemblée de retirer ce dispositif dans un délai de quinze jours sous astreinte de 500000 francs CFP par jour de retard, et a transmis le dossier au Conseil d'Etat en lui posant la question de la légalité de la décision du président de l'assemblée de la province Sud au regard de la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie, la province et la commune pour la mise en place d'un dispositif de régulation de la circulation de type « chicanes » sur une route provinciale en agglomération.

La commune requérante soutient que le président de l'assemblée de la province Sud n'était pas compétent pour décider la mise en place de chicanes sur la route provinciale n°1 dans l'agglomération de Saint-Louis, sur son territoire, dès lors d'une part, qu'une telle décision relevait du pouvoir de police de la circulation exercé par le maire, d'autre part, que le code territorial de la route de la Nouvelle-Calédonie ne prévoyant pas les dispositifs de type « chicane », seule la Nouvelle-Calédonie a compétence pour créer ces nouveaux dispositifs routiers.

L'article 173 de la loi organique du 19 mars 1999 dispose : « Le président de l'assemblée de province est l'exécutif de la province (...). Il gère le domaine de la province (...)». Aux termes de l'article L. 131-3 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie : « Le maire a la police de la circulation sur les routes territoriales, les routes provinciales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations ».

Il résulte de ces dispositions que la province, en tant que propriétaire du domaine, est seule compétente pour opérer tous travaux d'aménagement ou d'entretien de son domaine routier, y compris à l'intérieur des agglomérations, dès lors que ces travaux ne privent pas de leur portée les compétences détenues par le maire au titre de son pouvoir de police de la circulation.

Il résulte également des dispositions précitées que le maire d'une commune peut, dans le cadre de son pouvoir de police de la circulation, décider de la mise en place de dispositifs de ralentissement sur les routes provinciales à l'intérieur de l'agglomération et sur le territoire de sa commune si ces dispositifs n'ont ni pour objet, ni pour effet, de modifier l'assiette de la route provinciale. Si la mise en place, à l'initiative de la commune, de ces dispositifs modifie l'assiette de la voirie provinciale, l'accord de la collectivité propriétaire du domaine est requis.

Il n'est pas contesté que la décision dont il est demandé au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité prévoit la mise en place de huit chicanes sur une portion de la route provinciale n°1 à l'intérieur de l'agglomération de Saint-Louis, sur le territoire de la COMMUNE DU MONT-DORE, afin d'obliger les véhicules à se conformer aux limitations de vitesse et à accroître la sécurité sur la portion de voie concernée. En l'espèce, la décision du président de la province Sud relevait de sa compétence en tant que propriétaire du domaine et ne privait de sa portée aucune mesure adoptée par le maire de la commune dans le cadre de sa compétence en matière de police de la circulation.

En ce qui concerne la compétence de la Nouvelle-Calédonie pour créer de nouveaux dispositifs routiers, le code territorial de la route de la Nouvelle-Calédonie, qui n'a pas pour objet de définir de manière exhaustive l'ensemble des dispositifs envisageables pour assurer la sécurité des voies, dispose dans son article R. 212 : « Les dispositions du présent code ne font pas obstacle au droit, conféré par les lois et les règlements au Haut-Commissaire de la République, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, à l'exécutif de la province et aux maires de prescrire, dans les limites de leur pouvoir et lorsque l'intérêt de la sécurité ou de l'ordre public l'exige, des mesures plus rigoureuses que celles édictées par ledit code ». Il résulte de ces dispositions que l'ensemble des autorités précitées peuvent, dans leur champ de compétences respectif tel que défini ci-dessus, mettre en place les dispositifs de régulation de la circulation nécessaires lorsque l'intérêt de la sécurité ou de l'ordre public l'exige.

Aussi le président de l'assemblée de la province Sud était-il compétent pour prendre la décision litigieuse, qui relevait de sa compétence en tant que propriétaire du domaine, sans que puisse être invoquée l'absence de mention du dispositif litigieux dans le code territorial de la route.

Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, à la COMMUNE DU MONT DORE, au président de l'assemblée de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie, au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et au ministre de l'outre-mer.

Il sera publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-01-03-02-02-02 OUTRE-MER. DROIT APPLICABLE DANS LES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET EN NOUVELLE-CALÉDONIE. AUTRES LOIS ET RÈGLEMENTS. AUTRES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET NOUVELLE-CALÉDONIE. NOUVELLE-CALÉDONIE. DEMANDE D'AVIS. - VOIRIE ROUTIÈRE - A) RÉPARTITION DES COMPÉTENCES - 1) PROVINCE - COMPÉTENCE POUR RÉALISER DES TRAVAUX D'AMÉNAGEMENT ET D'ENTRETIEN DE SON DOMAINE ROUTIER - 2) COMMUNE - COMPÉTENCE POUR DÉCIDER LA MISE EN PLACE DE DISPOSITIFS DE RALENTISSEMENT NE MODIFIANT PAS L'ASSIETTE D'UNE ROUTE PROVINCIALE [RJ1] - B) ETENDUE DES COMPÉTENCES CONFÉRÉES PAR LE CODE TERRITORIAL DE LA ROUTE - INCLUSION - CRÉATION DE TOUT DISPOSITIF DE RÉGULATION DE LA CIRCULATION NÉCESSAIRE À LA SÉCURITÉ OU À L'ORDRE PUBLIC.

46-01-03-02-02-02 a) 1) Il résulte des dispositions de l'article 173 de la loi organique du 19 mars 1999 et de l'article L. 131-3 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie que la province, en tant que propriétaire du domaine, est seule compétente pour opérer tous travaux d'aménagement ou d'entretien de son domaine routier, y compris à l'intérieur des agglomérations, dès lors que ces travaux ne privent pas de leur portée les compétences détenues par le maire au titre de son pouvoir de police de la circulation.... ...2) Il résulte également des mêmes dispositions que le maire d'une commune peut, dans le cadre de son pouvoir de police de la circulation, décider de la mise en place de dispositifs de ralentissement sur les routes provinciales à l'intérieur de l'agglomération et sur le territoire de sa commune si ces dispositifs n'ont ni pour objet, ni pour effet, de modifier l'assiette de la route provinciale. Si la mise en place, à l'initiative de la commune, de ces dispositifs modifie l'assiette de la voirie provinciale, l'accord de la collectivité propriétaire du domaine est requis.,,b) En ce qui concerne la compétence de la Nouvelle-Calédonie pour créer de nouveaux dispositifs routiers, le code territorial de la route de la Nouvelle-Calédonie, qui n'a pas pour objet de définir de manière exhaustive l'ensemble des dispositifs envisageables pour assurer la sécurité des voies, dispose dans son article R. 212 : « Les dispositions du présent code ne font pas obstacle au droit, conféré par les lois et les règlements au Haut-Commissaire de la République, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, à l'exécutif de la province et aux maires de prescrire, dans les limites de leur pouvoir et lorsque l'intérêt de la sécurité ou de l'ordre public l'exige, des mesures plus rigoureuses que celles édictées par ledit code ». Il résulte de ces dispositions que l'ensemble des autorités précitées peuvent, dans leur champ de compétences respectif tel que défini ci-dessus, mettre en place les dispositifs de régulation de la circulation nécessaires lorsque l'intérêt de la sécurité ou de l'ordre public l'exige. Aussi le président de l'assemblée de la province Sud était-il compétent pour prendre la décision litigieuse, qui relevait de sa compétence en tant que propriétaire du domaine, sans que puisse être invoquée l'absence de mention du dispositif litigieux dans le code territorial de la route.


Références :

[RJ1]

Rappr. 29 juillet 1994, Commune de Magalas, n°123812, inédite au recueil.


Publications
Proposition de citation: CE, 03 nov. 2006, n° 292880
Publié au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: Mlle Verot

Origine de la décision
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Date de la décision : 03/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 292880
Numéro NOR : CETATEXT000008240500 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-11-03;292880 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award