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13/11/2006 | FRANCE | N°283944

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 13 novembre 2006, 283944


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 8 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Paul A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 16 juin 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy lui a donné acte du désistement de ses conclusions indemnitaires et a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement en date du 18 septembre 2001 du tribunal administratif de Nancy rejetant ses demandes tendant à l'annulation de la lett

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 8 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Paul A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 16 juin 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy lui a donné acte du désistement de ses conclusions indemnitaires et a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement en date du 18 septembre 2001 du tribunal administratif de Nancy rejetant ses demandes tendant à l'annulation de la lettre du 7 octobre 1999 du ministre de la fonction publique l'informant qu'il transmettait sa demande au secrétaire d'Etat chargé de l'industrie, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction au ministre chargé des postes et télécommunications de lui communiquer ses états de service, de le rétablir dans ses droits et obligations de fonctionnaire de l'Etat et de supprimer tout écrit diffamatoire, et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 7 millions de francs (soit la somme de 1 067 143,12 euros) à titre de dommages-intérêts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance et d'appel ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 451 958 euros à titre de dommages-intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée ;

Vu le décret du 29 octobre 1936, notamment l'article 3 ;

Vu le décret n° 90-1225 du 31 décembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François Mary, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A soutient que l'arrêt attaqué aurait été pris en violation de son droit à un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de son droit à un procès équitable protégé par l'article 6 de cette même convention, tant en raison de la longueur de la procédure que des conditions dans lesquelles cette procédure a été engagée ; que, d'une part, si les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable et peuvent, le cas échéant, obtenir la réparation du dommage qui aurait été causé par le fonctionnement du service public de la justice, la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure ; que, d'autre part, la circonstance que la cour, qui s'est prononcée sur l'ensemble des conclusions dont elle était saisie, ait communiqué la requête de M. A à France Télécom, et non au ministre chargé de la fonction publique, qui n'a pris aucune des mesures que lui impute le requérant, en ce qui concerne le versement de son traitement et la reconnaissance de ses états de service, ne saurait constituer, par elle-même, une méconnaissance de ces stipulations ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 432 ;4 du code de justice administrative : « Les recours et les mémoires, lorsqu'ils ne sont pas présentés par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, doivent être signés par le ministre intéressé ou par le fonctionnaire ayant reçu délégation à cet effet » ; que la circonstance, à la supposer établie, que Mme Marie-José Palasz, directrice-adjointe à la direction des affaires juridiques, qui a signé le mémoire en défense, ne justifiait d'aucune délégation de signature pour rédiger ce mémoire, au nom du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, n'est pas de nature, en tout état de cause, à entacher d'irrégularité la procédure, dès lors qu'il ne résulte pas de la motivation de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel se soit fondée sur ce mémoire pour statuer sur la requête de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à cette cour que par la lettre du 7 octobre 1999, le ministre de la fonction publique s'est borné à informer le requérant que sa demande était transmise pour examen au secrétaire d'Etat à l'industrie ; qu'en estimant, pour opposer une fin de non-recevoir au recours de M. A, que cette lettre ne présentait pas le caractère d'un acte lui faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, la cour n'a ni entaché son arrêt d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant que M. A s'était borné devant les premiers juges à contester la lettre précitée du 7 octobre 1999 ; qu'en relevant, par suite, que les conclusions d'annulation de M. A dirigées contre les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par le ministre chargé de la fonction publique et par le ministre chargé des postes et des télécommunications sur les demandes que l'intéressé leur avait adressées, étaient présentées pour la première fois en cause d'appel, la cour n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit, ni de dénaturation des pièces du dossier ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt attaqué serait entaché d'un vice de légalité externe ou interne, en tant que la cour a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la lettre du 7 octobre 1999 du ministre chargé de la fonction publique, ainsi que des décisions implicites de rejet susmentionnées ;

Considérant, toutefois, que, par un mémoire, enregistré le 15 avril 2005 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, présenté avec le ministère d'un avocat, M. A, fonctionnaire de l'Etat radié des cadres pour avoir abandonné son poste à France Télécom, a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité qu'il a chiffrée avec précision, en réparation des préjudices matériel et moral qu'il aurait subis du fait de la perte de revenus résultant de sa radiation des cadres ; qu'en ne mentionnant pas ce mémoire dans les visas de l'arrêt attaqué, et en se bornant à constater qu'eu égard à l'existence d'un précédent mémoire, enregistré le 11 janvier 2002, par lequel le requérant déclarait abandonner son action indemnitaire, celui-ci devait être regardé comme s'étant purement et simplement désisté de cette action, la cour administrative d'appel de Nancy a entaché son arrêt d'irrégularité et d'omission à statuer sur ces conclusions ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant seulement que la cour lui a donné acte du désistement de ses conclusions indemnitaires ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer au fond sur ces conclusions indemnitaires en application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur ces conclusions :

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité du tribunal, énoncé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant que la circonstance que la procédure devant le tribunal administratif aurait eu une durée excessive, est sans incidence sur la régularité de celle-ci ;

Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que l'auteur du mémoire en défense précité ne justifiait d'aucune délégation pour signer celui-ci au nom du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en méconnaissance du second alinéa de l'article R. 432 ;4 précité du code de justice administrative, n'est pas de nature, en tout état de cause, à entacher d'irrégularité la procédure suivie devant ce tribunal, dès lors que ce dernier n'a pas fondé son jugement sur l'argumentation présentée par le ministre ;

Considérant que le moyen tiré de ce que l'avocat de France Télécom aurait contrevenu aux dispositions de l'article 3 du décret du 29 octobre 1936 ne peut qu'être écarté, dès lors que ce conseil n'était pas constitué dans une action contre l'Etat ;

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires de M. A :

Considérant qu'il résulte des écritures de M. A que ces conclusions tendent uniquement à la mise en cause de la responsabilité pour faute de l'Etat du fait que les « ministres de tutelle » se sont abstenus, d'une part, de s'opposer à la décision du 23 mars 1999 du directeur régional de France Télécom prononçant sa radiation des cadres pour abandon de poste et, d'autre part, de transmettre à France Télécom des certificats médicaux attestant de son arrêt de maladie du 3 février 1999 au 31 mars 1999 ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 29 ;1 de la loi du 2 juillet 1990, modifiée, relative au service public de la poste et à France Télécom, dans sa rédaction issue de l'article 5 de la loi du 26 juillet 1996 : « Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale de France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard… » ; qu'il résulte de ces dispositions, dont l'entrée en vigueur n'était pas subordonnée à la publication d'un texte réglementaire, que les fonctionnaires qui exercent leur activité au sein de France Télécom, bien qu'ils demeurent fonctionnaires de l'Etat, sont placés sous l'autorité exclusive du président de cette entreprise ; que si l'article 34 de cette même loi confie au ministre chargé des postes et télécommunications le soin de veiller « … dans le cadre de ses attributions générales sur le secteur des postes et télécommunications, au respect des lois et règlements applicables au service public des postes et télécommunications et aux autres missions qui sont confiées par la présente loi à … France Télécom », le ministre ne tient ni de cet article, ni d'aucun autre texte, qualité pour exercer un pouvoir de tutelle sur les décisions de France Télécom, depuis que cette dernière est devenue une personne morale de droit privé en application de la loi du 26 juillet 1996 ; qu'ainsi, le président de France Télécom était seul compétent pour prendre la décision de radiation des cadres de M. A ; que, par suite, les conclusions de ce dernier tendant à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat de ce chef doivent être regardées comme étant mal dirigées ; qu'il suit de là que les moyens tirés de l'illégalité de la décision de radiation que M. A invoque à l'appui des conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice que ladite décision lui aurait causé, sont inopérants ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que le préfet de Meurthe-et-Moselle a transmis à France Télécom les certificats médicaux produits par M. A conformément à la réglementation alors en vigueur ; que, par suite, le moyen tiré d'un manquement fautif de l'Etat à ses obligations manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande, en tant qu'elle tendait à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa radiation des cadres ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 16 juin 2005 est annulé, en tant que, par cet arrêt, la cour a donné acte à M. A de ce qu'il se serait désisté de ses conclusions indemnitaires.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant la cour administrative d'appel de Nancy et tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat, sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul A, à France Télécom et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 nov. 2006, n° 283944
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-François Mary
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Date de la décision : 13/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 283944
Numéro NOR : CETATEXT000008254561 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-11-13;283944 ?
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