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17/11/2006 | FRANCE | N°272640

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 17 novembre 2006, 272640


Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE, dont le siège est chez M. More, BP 335, Kaweni, à Mamoudzou (97600) ; l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Président de la République a rejeté la demande présentée par l'association le 25 mai 2004 tendant à l'abrogation partielle du décret du 12 décembre 1978 fixant le régime des rémunérations des magistrats et fonctionnaires d

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Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE, dont le siège est chez M. More, BP 335, Kaweni, à Mamoudzou (97600) ; l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Président de la République a rejeté la demande présentée par l'association le 25 mai 2004 tendant à l'abrogation partielle du décret du 12 décembre 1978 fixant le régime des rémunérations des magistrats et fonctionnaires de l'Etat à Mayotte, du décret du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service à Mayotte, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ainsi que de l'ordonnance du 7 février 2002 relative à l'extension et à la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte ;

2°) d'enjoindre au Président de la République, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, d'abroger les dispositions litigieuses de ces décrets et de cette ordonnance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, et notamment ses articles 34 et 37 ;

Vu la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 modifiée fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d'outre-mer, les conditions de recrutement, de mise en congé ou à la retraite de ces mêmes fonctionnaires ;

Vu le décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948 modifié, portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels de l'Etat relevant du régime général des retraites ;

Vu le décret n° 67-600 du 23 juillet 1967 relatif au régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer ;

Vu le décret n° 78-1159 du 12 décembre 1978 fixant le régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat à Mayotte ;

Vu le décret n° 96-1028 du 26 novembre 1996 modifié, relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ;

Vu l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 modifiée, relative à l'extension et à la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gatineau, avocat de l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'autorité compétente saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de fait ou de droit postérieures à cette date ; que l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Président de la République sur la demande qu'elle lui a faite le 25 mai 2004 tendant à l'abrogation du décret du 12 décembre 1978, du décret du 27 novembre 1996 et de l'ordonnance du 7 février 2002 ;

Sur la légalité du refus d'abroger le décret du 12 décembre 1978 fixant le régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat à Mayotte ;

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition de l'article 34 de la Constitution ne réserve au législateur le soin de fixer les règles applicables à la rémunération des fonctionnaires ; qu'aux termes de l'article 4 du décret du 10 juillet 1948, dans sa rédaction applicable à la date du décret litigieux, issue de l'article 2 du décret du 11 octobre 1974 : « Les personnels civils et militaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peuvent bénéficier d'aucune indemnité autre que celles prévues par leur statut général. /Ces indemnités sont attribuées par décret » ; qu'il résulte de ces dispositions que le Premier ministre est compétent pour fixer par décret le régime indemnitaire des fonctionnaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il suit de là que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret dont l'abrogation a été sollicitée, au demeurant pris en conseil des ministres par le Président de la République, serait entaché d'incompétence ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'association requérante, le décret du 12 décembre 1978 n'a abrogé aucune disposition de la loi du 30 juin 1950 ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait dû être précédé de la consultation du Conseil d'Etat en vertu de l'alinéa 2 de l'article 37 de la Constitution doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que le deuxième alinéa de l'article 7 de la loi du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte, en vigueur à la date du décret litigieux, aux termes duquel « Les textes de nature législative précédemment applicables à Mayotte le demeurent dans toutes leurs dispositions qui ne sont pas contraires à la présente loi », n'a pas eu pour objet et ne saurait, en tout état de cause, avoir eu pour effet d'interdire à l'autorité titulaire du pouvoir réglementaire de faire usage de son pouvoir de modifier le régime indemnitaire des fonctionnaires de l'Etat et des magistrats en service à Mayotte tel qu'il résultait de la loi du 30 juin 1950, complétée par le décret du 23 juillet 1967 ; qu'il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la loi du 30 juin 1950 ne peut être utilement invoqué à l'encontre du décret litigieux ;

Considérant, en quatrième lieu, que si le décret litigieux a eu pour effet de supprimer l'application, au traitement des fonctionnaires affectés à Mayotte, du coefficient de majoration propre à chaque territoire prévu par l'article 2 du décret du 23 juillet 1967, cette suppression a concerné tous les fonctionnaires en poste à Mayotte ; qu'il ressort de l'examen des dispositions législatives et réglementaires déterminant les régimes de rémunération et d'indemnités des fonctionnaires de l'Etat et magistrats affectés outre-mer invoqués par l'association requérante qu'existent des différences de traitement nombreuses entre ces fonctionnaires selon le lieu de leur affectation et de leur centre des intérêts matériels et moraux ; qu'il en résulte que l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE n'est pas fondée à soutenir que le décret litigieux aurait institué au détriment des fonctionnaires affectés à Mayotte qui y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux des discriminations injustifiées ;

Considérant, en dernier lieu, que le décret du 12 décembre 1978 a pour seul objet de fixer le régime de rémunération des magistrats et fonctionnaires de l'Etat à Mayotte ; qu'il ne saurait dès lors être critiqué pour n'avoir pas reconnu aux fonctionnaires d'origine mahoraise affectés en dehors de Mayotte le bénéfice de l'indemnité d'éloignement ;

Sur la légalité du refus d'abroger le décret du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires de l'Etat en service à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et dans les îles Wallis et Futuna :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 : « Pour faire face aux sujétions particulières inhérentes à l'exercice de la fonction publique dans les territoires d'outre-mer, les fonctionnaires civils visés à l'article 1er recevront : (...) /2° Une indemnité destinée à couvrir les sujétions résultant de l'éloignement pendant le séjour et les charges afférentes au retour (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu réserver le bénéfice de l'indemnité d'éloignement aux seuls fonctionnaires affectés outre-mer ; que, par suite, l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant d'ouvrir droit à l'indemnité d'éloignement aux fonctionnaires d'origine mahoraise affectés en métropole, le décret du 27 novembre 1996 serait intervenu en méconnaissance de la loi du 30 juin 1950 ;

Sur la légalité du refus d'abroger l'ordonnance du 7 février 2002 relative à l'extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte :

Considérant que les conditions dans lesquelles sont placés les fonctionnaires, qu'ils exercent sur le territoire métropolitain de la France ou outre-mer, sont différentes selon qu'ils ont ou non le centre de leurs intérêts matériels et moraux sur le lieu de leur affectation ; que, par suite, l'ordonnance du 7 février 2002 a pu, sans méconnaître le principe de l'égalité de traitement, prévoir que le régime des prestations familiales qu'il institue à Mayotte serait, s'agissant des magistrats et fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, applicable à ceux-là seuls qui y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Président de la République sur sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE est rejetée.

Article 2 La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE, au Premier ministre, au ministre de l'outre-mer, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de la santé et des solidarités, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 272640
Date de la décision : 17/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 2006, n° 272640
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Laurence Marion
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile Marie-Hélène
Avocat(s) : SCP GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:272640.20061117
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