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27/11/2006 | FRANCE | N°264662

France | France, Conseil d'État, 5eme sous-section jugeant seule, 27 novembre 2006, 264662


Vu la requête, enregistrée le 18 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés en date du 15 janvier 2004 décidant la reconduite à la frontière de Y... Nabila B A, fixant l'Algérie comme pays de destination et décidant du maintien en rétention administrative de l'intéressée ;

2°) de rejeter

les demandes présentées par Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble ;

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Vu la requête, enregistrée le 18 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés en date du 15 janvier 2004 décidant la reconduite à la frontière de Y... Nabila B A, fixant l'Algérie comme pays de destination et décidant du maintien en rétention administrative de l'intéressée ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales

Vu le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée alors en vigueur ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me de Nervo, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile aujourd'hui codifié à l'article L. 741 ;4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève du préfet compétent… ; / Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de Genève (…), l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si (…) 4° la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité algérienne, après être entrée irrégulièrement en France avec son mari et leur fils âgé de trois ans en octobre 2003, s'est rendue en Italie puis en Suisse ; qu'elle a été réadmise de Suisse en France le 15 janvier 2004, avec son mari et son fils ; qu'à l'issue de son audition immédiate, par un officier de police judiciaire, elle a présenté une demande d'asile ; que, le même jour, un arrêté de reconduite à la frontière a été pris à son encontre ainsi qu'une décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination et son maintien en rétention administrative jusqu'à l'exécution de l'arrêté de reconduite ; que, par jugement du 19 janvier 2004, le juge de la reconduite à la frontière du tribunal administratif de Grenoble a annulé les trois décisions au motif que la demande d'asile de l'intéressée n'avait pas pour seul objet de faire échec, dans un but dilatoire, à une mesure d'éloignement et que, par suite, l'intéressée avait droit à être admise provisoirement au séjour ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A ne justifie pas avoir entrepris avant le 15 janvier 2004 de démarches dans l'un des trois pays dans lesquels elle a séjourné au cours des mois précédents afin de bénéficier du droit d'asile ; qu'à l'appui de sa demande d'asile formulée à l'issue de son audition par les services de la police aux frontières, que son mari a produit un seul document en arabe et non traduit, selon lequel il serait passible de prison en cas de retour en Algérie ; que dès lors, le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif que la demande d'asile formulée par Mme A ne serait pas dilatoire pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2004 du PREFET DE LA HAUTE SAVOIE ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité de l'arrêté décidant la reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en vigueur à la date de l'arrêté par lequel le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE a décidé la reconduite à la frontière de Mme A : « Le représentant dans le département et à Paris, le préfet de police, peuvent par arrêté motivé décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français… » ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A n'a pas justifié être entrée en France munie des documents et visas requis par la réglementation en vigueur ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 2 décembre 2002 publié le 10 décembre 2002 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute ;Savoie, M. Philippe X... a reçu délégation pour signer les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ; que par suite le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait signé d'une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant, que le moyen tiré de ce que l'arrêté serait insuffisamment motivé manque en fait ;

Considérant, enfin, que si Mme A invoque une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a séjourné que quelques semaines en France dans les mois précédents, que son mari et son fils qui l'accompagnent sont de nationalité algérienne et sont également en situation irrégulière sur le territoire français et que rien ne s'oppose à ce qu'ils quittent le territoire français avec elle ; que, par suite, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'a pas porté aux droits de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que M. A son mari, soutient qu'il risque quinze ans de prison pour désertion en cas de retour en Algérie ; que, toutefois, il ressort des déclarations imprécises et confuses de l'intéressé que cette allégation n'est pas établie ; que le document produit en langue arabe est dépourvu de valeur probante en l'absence de traduction ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE HAUTE SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 15 janvier 2004 prononçant la reconduite à la frontière de Mme A et fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite et son arrêté fixant le maintien en rétention de l'intéressée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 19 janvier 2004 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, à Y... Nabila B, épouse A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 nov. 2006, n° 264662
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : DE NERVO

Origine de la décision
Formation : 5eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 27/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 264662
Numéro NOR : CETATEXT000008086596 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-11-27;264662 ?
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