La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2006 | FRANCE | N°284462

France | France, Conseil d'État, 6eme sous-section jugeant seule, 27 novembre 2006, 284462


Vu la requête, enregistrée le 26 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) de réformer la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à obtenir, sur le fondement du décret du 29 novembre 1967, le remboursement intégral des loyers acquittés au titre de son logement depuis le mois de janvier 2003 ;

2°) à titre principal, de fixer le montant des remboursements à la somme de 93 856 euros, correspondant aux loyers

échus et payés depuis janvier 2003 jusqu'à la date d'introduction de la requ...

Vu la requête, enregistrée le 26 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) de réformer la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à obtenir, sur le fondement du décret du 29 novembre 1967, le remboursement intégral des loyers acquittés au titre de son logement depuis le mois de janvier 2003 ;

2°) à titre principal, de fixer le montant des remboursements à la somme de 93 856 euros, correspondant aux loyers échus et payés depuis janvier 2003 jusqu'à la date d'introduction de la requête, augmentée du montant des loyers échus et payés depuis cette date, le tout assorti des intérêts légaux calculés à compter de la présentation des quittances au ministre, avec capitalisation de ces intérêts à compter de l'introduction de la requête ;

3°) à titre subsidiaire, de fixer le montant des remboursements à la somme des retenues irrégulièrement effectués, augmentée des intérêts légaux calculés à compter de sa demande préalable du 27 avril 2005, avec capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Code civil ;

Vu le décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'Outre-mer ;

Vu l'arrêté interministériel du 2 décembre 2002 relatif à l'application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon de l'article 4 du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer, modifié par le décret n° 85-1237 du 25 novembre 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vuitton, Vuitton, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Sur le cadre juridique du litige :

Considérant que le décret du 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer distingue, pour la prise en charge du logement et de l'ameublement de ces magistrats et fonctionnaires, deux régimes différents, selon que les intéressés sont logés et meublés par le service qui les emploie ou sont obligés de se loger et de se meubler à leurs frais, faute de logements et d'ameublements administratifs ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de ce décret : « Les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat mariés ayant la qualité de chef de famille, veufs, divorcés ou célibataires, en poste dans les territoires d'outre-mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent, sont logés et meublés par le service qui les emploie » ; que, selon son article 3 : « La mise à la disposition des magistrats et fonctionnaires de l'Etat visés à l'article premier ci-dessus d'un logement et d'un ameublement donne lieu à une retenue précomptée mensuellement sur leur rémunération (…) » ; que le taux de cette retenue, fixé par arrêté interministériel, représente 15% du traitement net des intéressés ; que, toutefois, l'article 4 du décret exonère de cette retenue les titulaires de logements de fonctions « limitativement désignés par arrêté conjoint du ministre d'Etat chargé de la fonction publique, du ministre d'Etat chargé des départements et territoires d'Outre-mer et du ministre de l'économie et des finances » au nombre desquels figurent, en application de l'article 1er de l'arrêté interministériel du 2 décembre 2002, pris pour l'application de cette disposition, « Les présidents et procureurs de la République des tribunaux de première instance de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française » ;

Considérant, d'autre part, que, pour le cas où les magistrats et les fonctionnaires seraient contraints, faute de logements administratifs, de se loger à leurs frais, le premier alinéa de l'article 6 du décret prévoit qu'ils bénéficient du remboursement de leur loyer ; que le deuxième alinéa de cet article prévoit que le montant de ce remboursement ne pourra excéder la différence entre le loyer effectivement acquitté et une somme destinée à rester à la charge des magistrats ou fonctionnaires, qui comprend la retenue que devraient verser les intéressés s'ils étaient logés et meublés par leur service, augmentée, le cas échéant, de l'un ou l'autre ou des deux éléments suivants, soit une part égale à 25 % de la différence entre le montant de la retenue et celui du loyer réel dans la limite du loyer plafond fixé par arrêté interministériel, soit une part égale à 75 % de la partie du loyer acquitté qui excède le loyer plafond prévu ci-dessus ;

Considérant que les auteurs du décret du 29 novembre 1967 ont ainsi entendu accorder aux magistrats et fonctionnaires qui occupent les fonctions dont la liste est fixée par l'arrêté interministériel prévu par son article 4, au titre de leur logement, un avantage pécuniaire représentant l'équivalent du montant de la retenue prévue par l'article 3, qu'ils soient ou non logés par le service qui les emploie ; qu'il n'y a donc pas lieu de déduire des remboursements de loyer qui leur sont accordés, lorsqu'ils sont obligés de se loger à leurs frais, une somme équivalent à cette retenue ; qu'en revanche, sont applicables, le cas échéant, les modalités de plafonnement des versements dus par l'État prévues au deuxième alinéa de l'article 6, rappelées ci-dessus ;

Sur le montant des remboursements litigieux :

Considérant que M. A, procureur de la République près le tribunal de première instance de Papeete (Polynésie française), est en droit d'obtenir un logement de fonctions en vertu de l'article 1er du décret du 29 novembre 1967 ; qu'il occupe une des fonctions dont les titulaires sont dispensés, par l'arrêté interministériel du 2 décembre 2002 pris en application de l'article 4 du décret, de la retenue prévue par l'article 3 du décret ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été contraint, faute de logements administratifs, de se loger à ses frais depuis son installation à Papeete ; qu'il n'y a donc pas lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de déduire des remboursements de loyer qui doivent lui être accordés une somme équivalant à la retenue de l'article 3 du décret ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir qu'en procédant à une telle minoration des sommes qui lui sont allouées, le garde des sceaux, ministre de la justice, a inexactement appliqué l'article 6 du décret ; qu'il y a lieu de réformer dans cette mesure, sous réserve de l'application des modalités de plafonnement prévues au deuxième alinéa du même article, la décision implicite par laquelle le ministre a refusé de faire droit à sa demande du 27 avril 2005 ; que, toutefois, l'état de l'instruction ne permet pas de connaître avec précision le montant des sommes déjà remboursées à M. A, non plus que les conditions dans lesquelles les modalités de plafonnement pourraient être appliquées à ces remboursements et, par conséquent la somme exacte qui lui est due ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer le requérant devant le garde des sceaux, ministre de la justice, afin qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme ;

Sur l'octroi d'intérêts au taux légal :

Considérant qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions du requérant, tendant à ce que les remboursements complémentaires qui lui seront attribués portent intérêts au taux légal à compter de la date de présentation au ministre des quittances de loyer correspondantes ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant qu'en application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que, toutefois, cette demande prend effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. A, dans sa requête introduite devant le Conseil d'État le 26 août 2005, a demandé la capitalisation des intérêts échus sur la somme qui lui est due ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions et de capitaliser, au 26 août 2005, les intérêts échus à cette date depuis plus d'un an ; qu'il y lieu d'accorder au requérant le bénéfice d'une nouvelle capitalisation des intérêts au 26 août 2006 ;

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'État le paiement à M. A de la somme de 2 500 euros au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les remboursements de loyers dus à M. A, depuis le mois de janvier 2003 jusqu'à la date de la présente décision, seront calculés en réintégrant la somme correspondant à la retenue pour logement de fonction prévue par l'article 3 du décret du 29 novembre 1967, sous réserve de l'application des modalités de plafonnement énoncées au deuxième alinéa de l'article 6 du même décret.

Article 2 : Les sommes dues à M. A en application de la présente décision porteront intérêt au taux légal à compter de la date de présentation au ministre des quittances correspondantes. Les intérêts échus depuis plus d'un an au 26 août 2005 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes des intérêts. Les intérêts échus seront à nouveau capitalisés au 26 août 2006.

Article 3 : La décision attaquée est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.

Article 4 : M. A est renvoyé devant le garde des sceaux, ministre de la justice, en vue de la liquidation des sommes qui lui sont dues au titre du remboursement des loyers échus et payés depuis le mois de janvier 2003 jusqu'à la date de la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 nov. 2006, n° 284462
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Schrameck
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : SCP VUITTON, VUITTON

Origine de la décision
Formation : 6eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 27/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 284462
Numéro NOR : CETATEXT000008256240 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-11-27;284462 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award