La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2006 | FRANCE | N°279140

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 29 novembre 2006, 279140


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Lucien A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la demande qu'il lui a adressée tendant, d'une part, à ce qu'il reconsidère son refus de payer, au titre de la part universitaire, le complément de rémunération prévu par son arrêté du 26 mars 2004, signé conjointem

ent avec le ministre de la santé, des familles et des personnes handicapées...

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Lucien A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la demande qu'il lui a adressée tendant, d'une part, à ce qu'il reconsidère son refus de payer, au titre de la part universitaire, le complément de rémunération prévu par son arrêté du 26 mars 2004, signé conjointement avec le ministre de la santé, des familles et des personnes handicapées et, d'autre part, à ce qu'il procède au rappel des compléments de rémunération depuis le 1er septembre 2003 ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche d'exécuter l'arrêté du 26 mars 2004 en tant qu'il le concerne et de procéder au rappel des compléments de rémunération dus au titre de la part universitaire à compter du 1er septembre 2003 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les observations de Me Foussard, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une lettre d'accord du 18 avril 2003 du ministre chargé du budget, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ont, par arrêté du 26 mars 2004, accordé à M. A, à compter de sa nomination et titularisation dans le corps des professeurs d'université-praticien hospitalier le 1er septembre 2003, un complément de salaire, constitué d'une « part universitaire » et d'une « part hospitalière », lui permettant de conserver la rémunération dont il bénéficiait en tant que directeur général de la santé à la date du 31 août 2003 et destiné à être résorbé au fur et à mesure de l'évolution de sa carrière au sein de son nouveau corps ; que M. A a saisi, par lettre reçue le 29 novembre 2004, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche d'une demande tendant, d'une part, à ce qu'il exécute l'arrêté en tant qu'il le concerne et, d'autre part, à ce qu'il procède au rappel des paiements non effectués depuis le 1er septembre 2003 ; que le silence gardé sur ce courrier a fait naître, le 29 janvier 2005, une décision implicite de rejet dont M. A demande l'annulation ;

Considérant d'une part que, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droit, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que, d'autre part, une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ;

Considérant que l'arrêté du 26 mars 2004, qui crée des droits au profit de M. A, n'ayant été ni contesté ni retiré dans le délai de quatre mois à compter de sa signature, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche était tenu de lui donner son plein effet et d'assurer le paiement de la part universitaire du complément de rémunération reconnu au requérant par ledit arrêté ; que le ministre ne saurait opposer la circonstance que le défaut de paiement est imputable à la payeuse générale du trésor qui, par lettre du 12 juillet 2004, a suspendu le paiement en s'interrogeant sur la légalité de l'arrêté dès lors que, faute d'avoir retiré dans le délai de quatre mois cette décision, il était tenu de requérir ce comptable afin qu'il mette en paiement la dépense ; qu'il suit de là que la décision implicite de rejet de la demande de M. A tendant à ce que le ministre exécute l'arrêté du 26 mars 2004 et procède au rappel des paiements dûs à compter du 1er septembre 2003, est illégale et doit être annulée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsqu'une décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction (...) prescrit (...) cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application (de l'article) L. 911-1 (...) d'une astreinte (...) dont elle fixe la date d'effet » ;

Considérant que l'annulation de la décision implicite de rejet du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche implique nécessairement qu'il assure l'exécution de l'arrêté du 26 mars 2004 ; qu'il y a, par suite, lieu de lui enjoindre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de procéder au paiement de la part universitaire du complément de rémunération de M. A, avec rappel des sommes non versées à compter du 1er septembre 2003 ; qu'il n'y a, en revanche, pas lieu de faire application des dispositions précitées de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la demande de M. A est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche d'assurer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, le paiement de la part universitaire du complément de rémunération de M. A, prévu par l'arrêté du 26 mars 2004, avec rappel des sommes non versées à compter du 1er septembre 2003.

Article 3 : l'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Lucien A, au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre de la santé et des solidarités et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 279140
Date de la décision : 29/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2006, n° 279140
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Damien Botteghi
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:279140.20061129
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award