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06/12/2006 | FRANCE | N°291473

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 06 décembre 2006, 291473


Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Patrick A, demeurant ..., agissant en exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Carcassonne en date du 14 février 2006 ; M. A demande au Conseil d'Etat de déclarer illégales les dispositions de l'article 49 du règlement du personnel PS 10 D de la Société Nationale des Chemins de Fer français (SNCF) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté

européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont ...

Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Patrick A, demeurant ..., agissant en exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Carcassonne en date du 14 février 2006 ; M. A demande au Conseil d'Etat de déclarer illégales les dispositions de l'article 49 du règlement du personnel PS 10 D de la Société Nationale des Chemins de Fer français (SNCF) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julie Burguburu, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement en date du 14 février 2006, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Carcassonne a sursis à statuer sur la demande présentée devant lui par M. A, jusqu'à ce que le juge administratif se prononce sur la légalité des dispositions de l'article 49 du règlement PS 10 D de la SNCF intitulé régime de sécurité sociale du personnel du cadre permanent - assurances vieillesse et invalidité;

Considérant qu'aux termes de l'article 49 du règlement mentionné ci-dessus : Les femmes-agents ayant au moins trois enfants vivants (ou décédés par fait de guerre) et comptant au moins quinze années de services effectifs, à l'exclusion notamment de toute période de disponibilité, même valable pour la retraite, qui cessent leurs fonctions volontairement sont admises au bénéfice d'une pension proportionnelle péréquable dont la jouissance est immédiate (...). ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. (...) / 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ;

Considérant que les pensions servies par le régime spécial de retraite de la SNCF, organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, entrent dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001 ;

Considérant que les dispositions précitées du règlement PS 10 D de la SNCF prévoient la possibilité pour les agents féminins ayant eu trois enfants ou plus de bénéficier, sous certaines conditions, d'une pension à jouissance immédiate ; qu'aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues sous les mêmes conditions aux agents masculins qui ont assuré l'éducation de leurs enfants ; qu'ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre agents féminins et agents masculins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi des avantages en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4ème paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions litigieuses du règlement PS 10 D de la SNCF doivent être déclarées illégales dans la mesure où elles excluent du bénéfice des avantages qu'elles instituent, les agents masculins ayant assuré l'éducation de leurs enfants ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que les dispositions de l'article 49 du règlement PS 10 D de la SNCF sont illégales en tant qu'elles excluent du bénéfice des avantages qu'elles instituent les agents masculins ayant assuré l'éducation de leurs enfants.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick A, à la SNCF et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - PORTÉE DES RÈGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRE ET DE L'UNION EUROPÉENNE - TRAITÉ DE ROME - ARTICLE 141 (ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES) - A) CHAMP D'APPLICATION - INCLUSION - PENSIONS SERVIES PAR LE RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DE LA SNCF - B) PORTÉE - INCOMPATIBILITÉ DE DISPOSITIONS RÉSERVANT AUX FEMMES LA POSSIBILITÉ DE BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À JOUISSANCE IMMÉDIATE [RJ1].

15-02-01 a) Les pensions servies par le régime spécial de retraite de la SNCF, organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.,,b) Les dispositions du règlement PS 10 D de la SNCF prévoient la possibilité pour les agents féminins ayant eu trois enfants ou plus de bénéficier, sous certaines conditions, d'une pension à jouissance immédiate. Aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues sous les mêmes conditions aux agents masculins qui ont assuré l'éducation de leurs enfants. Ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre agents féminins et agents masculins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi des avantages en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4ème paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - PRISE EN COMPTE DES ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRÉTATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE - ARTICLE 141 (ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES) - CHAMP D'APPLICATION - INCLUSION - PENSIONS SERVIES PAR LE RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DE LA SNCF [RJ1].

15-03-03-01 Les pensions servies par le régime spécial de retraite de la SNCF, organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - POLITIQUE SOCIALE - PRINCIPE D'ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES (TCE ART - 141) - A) CHAMP D'APPLICATION - INCLUSION - PENSIONS SERVIES PAR LE RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DE LA SNCF - B) PORTÉE - INCOMPATIBILITÉ DE DISPOSITIONS RÉSERVANT AUX FEMMES LA POSSIBILITÉ DE BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À JOUISSANCE IMMÉDIATE [RJ1].

15-05-17 a) Les pensions servies par le régime spécial de retraite de la SNCF, organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.,,b) Les dispositions du règlement PS 10 D de la SNCF prévoient la possibilité pour les agents féminins ayant eu trois enfants ou plus de bénéficier, sous certaines conditions, d'une pension à jouissance immédiate. Aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues sous les mêmes conditions aux agents masculins qui ont assuré l'éducation de leurs enfants. Ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre agents féminins et agents masculins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi des avantages en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4ème paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination.

PENSIONS - RÉGIMES PARTICULIERS DE RETRAITE - PENSIONS DIVERSES - PENSIONS SERVIES PAR LE RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DE LA SNCF - CONFORMITÉ AU DROIT COMMUNAUTAIRE - A) INCLUSION DANS LE CHAMP D'APPLICATION DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES (TCE ART - 141) - B) INCOMPATIBILITÉ AVEC CE PRINCIPE DE DISPOSITIONS RÉSERVANT AUX FEMMES LA POSSIBILITÉ DE BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À JOUISSANCE IMMÉDIATE [RJ1].

48-03-05 a) Les pensions servies par le régime spécial de retraite de la SNCF, organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.,,b) Les dispositions du règlement PS 10 D de la SNCF prévoient la possibilité pour les agents féminins ayant eu trois enfants ou plus de bénéficier, sous certaines conditions, d'une pension à jouissance immédiate. Aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues sous les mêmes conditions aux agents masculins qui ont assuré l'éducation de leurs enfants. Ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre agents féminins et agents masculins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi des avantages en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4ème paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination.

TRANSPORTS - TRANSPORTS FERROVIAIRES - PERSONNEL DE LA SNCF - PENSIONS SERVIES PAR LE RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE DE LA SNCF - CONFORMITÉ AU DROIT COMMUNAUTAIRE - A) INCLUSION DANS LE CHAMP D'APPLICATION DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES (TCE ART - 141) - B) INCOMPATIBILITÉ AVEC CE PRINCIPE DE DISPOSITIONS RÉSERVANT AUX FEMMES LA POSSIBILITÉ DE BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À JOUISSANCE IMMÉDIATE.

65-01-02 a) Les pensions servies par le régime spécial de retraite de la SNCF, organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.,,b) Les dispositions du règlement PS 10 D de la SNCF prévoient la possibilité pour les agents féminins ayant eu trois enfants ou plus de bénéficier, sous certaines conditions, d'une pension à jouissance immédiate. Aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues sous les mêmes conditions aux agents masculins qui ont assuré l'éducation de leurs enfants. Ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre agents féminins et agents masculins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi des avantages en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4ème paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination.


Références :

[RJ1]

Cf. 13 décembre 2006, n°291595, Mailhetard, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation: CE, 06 déc. 2006, n° 291473
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mme Julie Burguburu
Rapporteur public ?: M. Vallée

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 06/12/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 291473
Numéro NOR : CETATEXT000008251146 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-12-06;291473 ?
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