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13/12/2006 | FRANCE | N°291595

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 13 décembre 2006, 291595


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mars 2006, présentée par M. André-Guy A, demeurant ..., agissant en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 7 février 2006 ; M. A demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de l'article 84 du décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 portant application de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et de déclarer que ces dispositions sont entachées d'illégalité ;

Vu les autres pièces du dossi

er ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son artic...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mars 2006, présentée par M. André-Guy A, demeurant ..., agissant en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 7 février 2006 ; M. A demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de l'article 84 du décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 portant application de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et de déclarer que ces dispositions sont entachées d'illégalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 141 ;

Vu le décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hugues Hourdin, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Richard, avocat de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêt du 7 février 2006, la cour d'appel de Poitiers a sursis à statuer sur l'appel présenté devant elle par la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires à l'encontre du jugement du tribunal des affaires sociales de Saintes du 14 mars 2005 jusqu'à ce que le juge administratif se prononce sur la légalité des dispositions de l'article 84 du décret du 20 décembre 1990 portant application de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et modifiant certaines dispositions relatives à cette caisse ;

Considérant qu'aux termes de l'article 84 du décret du 20 décembre 1990 : Le droit à pension est ouvert à partir de soixante ans./ Toutefois, cette condition n'est pas opposable : 1°) à l'assurée âgée de cinquante-cinq ans et qui compte vingt-cinq années de versement de cotisations (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 (ex-119) du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins pour un même travail ou un travail de même valeur./ 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ;

Considérant que les pensions servies par la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, organisée par la loi du 12 juillet 1937 et le décret susvisé du 20 décembre 1990, entrent dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001 ;

Considérant que les dispositions précitées du 1° de l'article 84 du décret du 20 décembre 1990 prévoient la possibilité pour les clercs et employés de notaires de sexe féminin de bénéficier sous certaines conditions d'une pension à jouissance immédiate ; qu'aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues et sous les mêmes conditions aux clercs et employés de notaires de sexe masculin ; qu'ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre salariés masculins et féminins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi de l'avantage en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4° paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions litigieuses du décret du 20 décembre 1990 doivent être déclarées illégales dans la mesure où elle excluent du bénéfice de l'avantage qu'elles instituent les clercs et employés de notaires de sexe masculin ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que les dispositions du 1° de l'article 84 du décret du 20 décembre 1990 portant application de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et modifiant certaines dispositions relatives à cette caisse sont illégales en tant qu'elles excluent du bénéfice de l'avantage qu'elles instituent les clercs et employés de sexe masculin.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. André-Guy A, à la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 291595
Date de la décision : 13/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - PORTÉE DES RÈGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRE ET DE L'UNION EUROPÉENNE - TRAITÉ DE ROME - ARTICLE 141 (ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES) - A) CHAMP D'APPLICATION - INCLUSION - PENSIONS SERVIES PAR LA CAISSE DE RETRAITE ET DE PRÉVOYANCE DES CLERCS ET EMPLOYÉS DE NOTAIRES - B) PORTÉE - INCOMPATIBILITÉ DE DISPOSITIONS LÉGISLATIVES RÉSERVANT AUX FEMMES LA POSSIBILITÉ DE BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À JOUISSANCE IMMÉDIATE [RJ1].

15-02-01 a) Les pensions servies par la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, organisée par la loi du 12 juillet 1937 et le décret du 20 décembre 1990, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.... ...b) Les dispositions du 1° de l'article 84 du décret du 20 décembre 1990 prévoient la possibilité pour les clercs et employés de notaires de sexe féminin de bénéficier sous certaines conditions d'une pension à jouissance immédiate. Aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues et sous les mêmes conditions aux clercs et employés de notaires de sexe masculin. Ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre salariés masculins et féminins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi de l'avantage en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4° paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - PRISE EN COMPTE DES ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRÉTATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE - CHAMP D'APPLICATION DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES (TCE ART - 141) - INCLUSION - PENSIONS SERVIES PAR LA CAISSE DE RETRAITE ET DE PRÉVOYANCE DES CLERCS ET EMPLOYÉS DE NOTAIRES [RJ1].

15-03-03-01 Les pensions servies par la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, organisée par la loi du 12 juillet 1937 et le décret du 20 décembre 1990, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - POLITIQUE SOCIALE - PRINCIPE D'ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES (TCE ART - 141) - A) CHAMP D'APPLICATION - INCLUSION - PENSIONS SERVIES PAR LA CAISSE DE RETRAITE ET DE PRÉVOYANCE DES CLERCS ET EMPLOYÉS DE NOTAIRES - B) PORTÉE - INCOMPATIBILITÉ DE DISPOSITIONS LÉGISLATIVES RÉSERVANT AUX FEMMES LA POSSIBILITÉ DE BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À JOUISSANCE IMMÉDIATE [RJ1].

15-05-17 a) Les pensions servies par la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, organisée par la loi du 12 juillet 1937 et le décret susvisé du 20 décembre 1990, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.... ...b) Les dispositions du 1° de l'article 84 du décret du 20 décembre 1990 prévoient la possibilité pour les clercs et employés de notaires de sexe féminin de bénéficier sous certaines conditions d'une pension à jouissance immédiate. Aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues et sous les mêmes conditions aux clercs et employés de notaires de sexe masculin. Ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre salariés masculins et féminins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi de l'avantage en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4° paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination.

PENSIONS - RÉGIMES PARTICULIERS DE RETRAITE - PENSIONS DIVERSES - PENSIONS SERVIES PAR LA CAISSE DE RETRAITE ET DE PRÉVOYANCE DES CLERCS ET EMPLOYÉS DE NOTAIRES - DISPOSITIONS RÉSERVANT AUX FEMMES LA POSSIBILITÉ DE BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À JOUISSANCE IMMÉDIATE - A) INCLUSION DANS LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE 141 DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE - RELATIF À L'ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES - B) INCOMPATIBILITÉ AVEC CES STIPULATIONS [RJ1].

48-03-05 a) Les pensions servies par la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, organisée par la loi du 12 juillet 1937 et le décret du 20 décembre 1990, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.... ...b) Les dispositions du 1° de l'article 84 du décret du 20 décembre 1990 prévoient la possibilité pour les clercs et employés de notaires de sexe féminin de bénéficier sous certaines conditions d'une pension à jouissance immédiate. Aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues et sous les mêmes conditions aux clercs et employés de notaires de sexe masculin. Ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre salariés masculins et féminins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi de l'avantage en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4° paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - PROFESSIONS S'EXERÇANT DANS LE CADRE D'UNE CHARGE OU D'UN OFFICE - NOTAIRES - PENSIONS SERVIES PAR LA CAISSE DE RETRAITE ET DE PRÉVOYANCE DES CLERCS ET EMPLOYÉS DE NOTAIRES - DISPOSITIONS RÉSERVANT AUX FEMMES LA POSSIBILITÉ DE BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À JOUISSANCE IMMÉDIATE - A) INCLUSION DANS LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE 141 DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE - RELATIF À L'ÉGALITÉ DE RÉMUNÉRATION ENTRE HOMMES ET FEMMES - B) INCOMPATIBILITÉ AVEC CES STIPULATIONS.

55-03-05-03 a) Les pensions servies par la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, organisée par la loi du 12 juillet 1937 et le décret du 20 décembre 1990, entrent dans le champ d'application des stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts C-147/95 du 17 avril 1997, C-366/99 du 29 novembre 2001 et C-206/00 du 13 décembre 2001.... ...b) Les dispositions du 1° de l'article 84 du décret du 20 décembre 1990 prévoient la possibilité pour les clercs et employés de notaires de sexe féminin de bénéficier sous certaines conditions d'une pension à jouissance immédiate. Aucune autre disposition ne prévoit l'octroi d'avantages analogues et sous les mêmes conditions aux clercs et employés de notaires de sexe masculin. Ainsi, les dispositions litigieuses introduisent une discrimination entre salariés masculins et féminins qui n'est justifiée par aucune différence de situation relativement à l'octroi de l'avantage en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, dont le 4° paragraphe ne peut être interprété comme autorisant le maintien d'une telle discrimination.


Références :

[RJ1]

Cf. 6 décembre 2006, n° 291473, Boissière, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 2006, n° 291595
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Hugues Hourdin
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:291595.20061213
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