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20/12/2006 | FRANCE | N°273814

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 20 décembre 2006, 273814


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre 2004 et 1er mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PERPIGNAN ECHAFAUDAGE, dont le siège est 595, rue Panhard-Levassor, espace Polygone Nord à Perpignan (66000), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE PERPIGNAN ECHAFAUDAGE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 1er septembre 2004 relatif à l'utilisation des équipements de travail mis à disposition pour des travaux temporaires en hauteur et modifiant le code du travail (deuxième par

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre 2004 et 1er mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PERPIGNAN ECHAFAUDAGE, dont le siège est 595, rue Panhard-Levassor, espace Polygone Nord à Perpignan (66000), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE PERPIGNAN ECHAFAUDAGE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 1er septembre 2004 relatif à l'utilisation des équipements de travail mis à disposition pour des travaux temporaires en hauteur et modifiant le code du travail (deuxième partie : décrets en Conseil d'Etat ) et le décret n° 65-48 du 8 janvier 1965 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, présentée le 15 novembre 2006, pour la SOCIETE PERPIGNAN ECHAFAUDAGE ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 28, 82, 85 et 137 ;

Vu la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques ;

Vu la directive 2001/45/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 modifiant la directive 89/655/CEE du Conseil concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l'utilisation par les travailleurs au travail d'équipements de travail ;

Vu le code du travail, notamment ses articles L. 231-3 et L. 233-5-1 ;

Vu le code de commerce, notamment son article L. 420-2 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Michel Delpech, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE PERPIGNAN ECHAFAUDAGE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Layher,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les sociétés MJ-Gerust Gmbh, Centre d'échelles et de matériel et Alfix Gmbh ont intérêt à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi, leurs interventions sont recevables ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 233-5-1 du code du travail : « I - Les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements mentionnés à l'article L. 231-1 doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la sécurité et la santé des travailleurs (...). III - Des décrets en Conseil d'Etat (...) fixent, en tant que de besoin : 1°) Les mesures d'organisation, les conditions de mise en oeuvre et les prescriptions techniques auxquelles est subordonnée l'utilisation des équipements de travail et moyens de protection soumis au présent article ; 2°) Les conditions dans lesquelles les équipements de travail et, le cas échéant, les moyens de protection existants devront être mis en conformité avec les règles énoncées au 1°) ci-dessus » ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions et pour assurer la transposition de la directive 2001/45/CE du 27 juin 2001 édictant des prescriptions minimales destinées à garantir un meilleur niveau de santé et de sécurité lors de l'utilisation d'équipements de travail, est intervenu le décret du 1er septembre 2004 relatif à l'utilisation des équipements de travail mis à disposition pour des travaux temporaires en hauteur ; que ce décret, dont la société requérante demande l'annulation, a inséré dans le code du travail un article R. 233-13-33 qui dispose : « Les matériaux constitutifs des éléments d'un échafaudage doivent être d'une solidité et d'une résistance appropriée à leur emploi. Les assemblages doivent être réalisés de manière sûre, à l'aide d'éléments compatibles d'une même origine et dans les conditions pour lesquelles ils ont été testés. Ces éléments doivent faire l'objet d'une vérification de leur bon état de conservation avant toute opération de montage d'un échafaudage » ;

Sur la légalité externe :

Considérant que la consultation du conseil supérieur des risques professionnels requise par les dispositions de l'article L. 231-3 du code du travail est intervenue le 28 janvier 2004 ; qu'il ressort des pièces du dossier, que le conseil supérieur a été mis à même de débattre de l'ensemble des questions posées par le décret litigieux ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce décret aurait été pris à la suite d'une procédure irrégulière ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que le nouvel article R. 233-13-33 du code du travail inséré par le décret attaqué impose une origine commune aux éléments d'échafaudage alors que la directive du 27 juin 2001 qu'il a pour objet de transposer, se borne à prescrire le respect d'une configuration type généralement reconnue pour l'assemblage d'échafaudages ; qu'il résulte toutefois clairement de l'article 137 du traité instituant la Communauté européenne et des dispositions des directives du 12 juin 1989 et du 27 juin 2001 que celles-ci posent des règles minimales que les Etats peuvent compléter par des dispositions plus sévères ; qu'ainsi, le décret attaqué du 1er septembre 2004 pouvait ne pas se borner à transposer les règles posées par la directive du 27 juin 2001 et pouvait, sans méconnaître lesdites règles, prévoir l'obligation d'avoir recours à des éléments d'assemblage compatibles d'une même origine ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit à ne pas s'être limité aux prescriptions issues de la directive précitée doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant que les assemblages réalisés doivent être composés d'éléments d'échafaudage compatibles d'une même origine, dès lors que la normalisation des éléments préfabriqués pris séparément ne garantit pas une standardisation complète permettant d'assurer la sécurité maximale des installations, l'auteur de la disposition litigieuse n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des risques ayant motivé l'intervention des dispositions litigieuses ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la disposition contestée soit disproportionnée au regard de l'objectif de protection de la sécurité des travailleurs ; qu'ainsi, le moyen tiré de la mauvaise appréciation du risque et du caractère disproportionnée de la mesure doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que le décret litigieux qui transpose la directive précitée du 27 juin 2001 a pour base légale les dispositions précitées de l'article L. 233-5-1 du code du travail ; que les dispositions prises en matière de sécurité au travail et visant à sauvegarder la santé des travailleurs peuvent, le cas échéant, avoir pour effet de limiter la liberté du commerce et de l'industrie ; que, dès lors que la mesure prévue par le décret attaqué est justifiée et proportionnée au regard du risque encouru, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré du non-respect, par la disposition contestée, du principe de la liberté du commerce et de l'industrie est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne : « Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci (...) » ; que si la société requérante soutient qu'en prévoyant que les assemblages réalisés doivent être composés d'éléments d'échafaudage compatibles d'une même origine, le décret attaqué mettrait certaines entreprises en situation d'abuser automatiquement de leur position dominante, il n'apporte aucun élément précis de nature à venir étayer cette affirmation ; que doit pareillement être écarté son moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce prohibant pour une entreprise ou un groupe d'entreprises d'abuser d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne : « Les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toute mesure d'effet équivalent, sont interdites entre les Etats membres. » ; que les dispositions contestées, qui sont proportionnées à l'objectif de sécurité recherché, s'appliquent de la même façon, que les éléments d'échafaudage soient d'origine nationale ou aient été importés ; que, par suite, les dispositions en cause ne sont pas susceptibles d'entraver le commerce entre les Etats membres de la Communauté européenne et de constituer ainsi des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation prohibées par l'article 28 précité ; qu'il suit de là, et sans qu'il y ait lieu à renvoi d'une question préjudicielle devant la Cour de justice des Communautés européennes, que le moyen tiré de la violation de l'article 28 du traité susvisé doit être écarté ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la directive 98/34/CE prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques : « (...) les Etats membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. » ; qu'aux termes du § 9 de l'article 1er de cette directive, constitue une règle technique : « une spécification technique ou autre exigence, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l'utilisation dans un Etat membre ou dans une partie importante de cet Etat, (...) » ; que, toutefois, aux termes du § 10 du même article : « La présente directive ne s'applique pas aux mesures que les Etats membres estiment nécessaires dans le cadre du traité pour assurer la protection des personnes, et en particulier des travailleurs, lors de l'utilisation des produits pour autant que ces mesures n'affectent pas les produits. » ; qu'il résulte clairement de ces dispositions que l'article R. 233-13-33, dans sa rédaction issue du décret du 1er septembre 2004, qui fixe les règles de sécurité pour la mise en oeuvre des échafaudages sans en affecter la fabrication ou la conception et qui ont pour objet, ainsi qu'il a été dit, d'accroître la sécurité des travailleurs, n'a pas le caractère de « règles techniques » au sens de la directive précitée ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué en date du 1er septembre 2004 ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions des sociétés MJ-Gerust Gmbh, Centre d'échelles et de matériel et Alfix Gmbh sont admises.

Article 2 : La requête de la SOCIETE PERPIGNAN ECHAFAUDAGE est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PERPIGNAN ECHAFAUDAGE, aux sociétés MJ-Gerust Gmbh, Centre d'échelles et de matériel et Alfix Gmbh, au Premier ministre, au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 273814
Date de la décision : 20/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2006, n° 273814
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Michel Delpech
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:273814.20061220
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