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10/01/2007 | FRANCE | N°287869

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 10 janvier 2007, 287869


Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. et Mme Jean A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 octobre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, sur recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annulé les articles 2 et 3 du jugement du 24 juillet 2001 du tribunal administratif de Strasbourg, corrigés par une ordonnance du président de ce tribunal du 22 août 2001, et d'autre part, remis à leur charge l'impô

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Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. et Mme Jean A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 octobre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, sur recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annulé les articles 2 et 3 du jugement du 24 juillet 2001 du tribunal administratif de Strasbourg, corrigés par une ordonnance du président de ce tribunal du 22 août 2001, et d'autre part, remis à leur charge l'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1991 et 1992, en droits et intérêts de retard, à concurrence de la décharge prononcée par les premiers juges ;

2°) statuant au fond, de leur accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Cossa, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'après avoir procédé à la vérification de la comptabilité de la copropriété du navire dénommé Caribmoonlight destiné à être exploité dans certains départements d'outre-mer, l'administration fiscale a, suivant une procédure de redressement contradictoire, d'une part réintégré dans l'impôt sur le revenu des années 1991 et 1992 de M. et Mme A, propriétaires d'une part de copropriété, une charge déclarée par eux à ce titre, d'autre part remis en cause les déductions opérées au titre de leur investissement ; que saisi du litige, le tribunal administratif de Strasbourg a, par un jugement du 24 juillet 2001, fait droit à la requête de M. et Mme A et prononcé la décharge des impositions litigieuses ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ayant fait appel du jugement, la cour administrative d'appel de Nancy a, par un arrêt du 6 octobre 2005, annulé le jugement et remis à la charge des requérants les cotisations d'impôt contestées ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'après avoir souverainement estimé que la télécopie par laquelle le ministre s'était pourvu en appel dans les délais comportait l'intégralité du recours et une copie de la décision attaquée, puis que la production quelques jours plus tard des copies requises par l'article R. 411-3 du code de justice administrative avait en tant que de besoin régularisé le recours, la cour n'a méconnu aucune disposition législative ou réglementaire ni n'a dénaturé les éléments du dossier qui lui étaient soumis ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Sur le droit à déduction de certains investissements :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : Chaque membre des copropriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la copropriété ; qu'aux termes du I de l'article 73 de la loi du 30 décembre 1977, demeuré en vigueur pour les copropriétés de navire : 1° (...) La procédure de vérification des déclarations est suivie directement entre l'administration et la copropriété ; qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ; que la cour a fait une exacte application de ces dispositions combinées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1977, en jugeant que l'avis de vérification de comptabilité prévu par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales devait être adressé à la copropriété et non à chacun de ses membres ;

Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L. 238 bis HA du code général des impôts, alors en vigueur : I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité (...) du tourisme (...). La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57 le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements... ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le redressement contradictoire opéré par l'administration, ayant conduit celle-ci à réintégrer une charge dans les revenus de M. et Mme A et à remettre en cause la déduction qu'ils avaient effectuée en application des dispositions précitées de l'article 238 bis HA du code général des impôts, procède d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations de revenus que l'administration a rapprochées des informations sur l'exploitation du navire susmentionné, informations obtenues en application de son droit de communication auprès du service qui a effectué la vérification des comptes de la copropriété dudit navire ; qu'il suit de là que la cour n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que la vérification de la comptabilité diligentée à l'encontre de la copropriété constitue une procédure indépendante du contrôle sur pièces subi par les requérants et en rejetant par suite comme inopérants les moyens qu'ils tiraient de vices de la procédure suivie à l'égard de la copropriété ; qu'en jugeant que les dispositions précitées de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales n'étaient pas applicables en l'espèce dès lors qu'il n'est pas contesté que M. et Mme A n'avaient pas fait l'objet d'une vérification de leur comptabilité, elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

Considérant en troisième lieu que des irrégularités qui affectent l'avis émis par la commission départementale des impôts au cours de la procédure contradictoire de redressement, sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que, par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour a rejeté les moyens tirés par les requérants de telles irrégularités ;

Considérant qu'il résulte des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que le navire Caribmoonlight n'a fait l'objet d'aucune exploitation effective dans les départements mentionnés à l'article 238 bis HA précité du code général des impôts, faute d'avoir reçu des autorités compétentes les autorisations nécessaires à la navigation selon la réglementation française et qu'il ne peut, dès lors, être regardé comme ayant constitué un investissement productif ouvrant droit à la déduction prévue par ledit article ; qu'ainsi, c'est sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les éléments soumis à son contrôle que la cour administrative d'appel a jugé que l'administration fiscale était par suite fondée à refuser aux requérants, sans que ceux-ci puissent se prévaloir de l'instruction administrative invoquée qui en tout état de cause est postérieure à la date des impositions litigieuses, la déduction de leur revenu imposable de l'investissement réalisé ;

En ce qui concerne les conclusions relatives aux frais déductibles des résultats de la copropriété :

Considérant qu'en jugeant que M. et Mme A n'ont apporté devant la juridiction aucune justification de l'existence de charges déductibles du revenu imposable, alors qu'il est constant qu'a été produite une facture d'un montant total de 1 010 420 F émanant de la société Jet Sea réputée correspondre à des frais de maintenance du navire et de personnel, la cour administrative d'appel a dénaturé les éléments soumis à son contrôle et renversé la charge de la preuve ; que, par suite, M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il statue sur les frais déductibles des résultats de la copropriété ;

Considérant que dans le circonstances de l'espèce il y a lieu de régler l'affaire au fond en ce qui concerne les conclusions visées ci-dessus ;

Considérant que la réalité de la charge qu'une entreprise entend déduire de son bénéfice net doit être appuyées de justifications suffisantes et correspondre à une charge effectivement supportée ; que si la copropriété a bien produit une facture comme rappelé ci-dessus, il résulte des éléments du dossier que la société Jet Sea, gérant de la copropriété, émetteur de cette facture, n'a pas pu présenter de justificatif établissant la réalité des prestations, pour l'année 1992 considérée, à la demande du service vérificateur qui par suite l'a réintégrée dans le résultat imposable de la copropriété ; que les requérants n'ont pas pu davantage établir l'existence des prestations facturées ; que, par suite, l'administration était fondée à imputer sur leurs revenus la part revenant à M. et Mme A à proportion de leur participation dans ladite copropriété ;

Sur les conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente affaire la partie perdante, la somme de 5 000 euros que les requérants demandent sur ce fondement ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 6 octobre 2005 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions relatives aux frais déductibles du résultat de la copropriété.

Article 2 : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jean A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 287869
Date de la décision : 10/01/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jan. 2007, n° 287869
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : COSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:287869.20070110
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