La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2007 | FRANCE | N°294098

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 19 janvier 2007, 294098


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 19 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE L'AUBE, dont le siège est à l'hôtel du département, BP 394 à Troyes (10026 cedex), représenté par le président du conseil général en exercice ; le DEPARTEMENT DE L'AUBE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 mai 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, faisant partiellement droit à la demande de l'association pour la redéfi

nition du projet d'extension de l'hôtel du département, a suspendu l'exécutio...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 19 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE L'AUBE, dont le siège est à l'hôtel du département, BP 394 à Troyes (10026 cedex), représenté par le président du conseil général en exercice ; le DEPARTEMENT DE L'AUBE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 mai 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, faisant partiellement droit à la demande de l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département, a suspendu l'exécution de l'arrêté du préfet de l'Aube du 23 février 2006 accordant le permis de construire pour l'extension de l'hôtel du département ;

2°) statuant comme juge des référés, de rejeter la demande de l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département ;

3°) de mettre à la charge de l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat du DEPARTEMENT DE L'AUBE, de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du Conseil national de l'Ordre des architectes et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention du Conseil national de l'ordre des architectes :

Considérant que selon l'article 26 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture, le Conseil national de l'ordre des architectes a qualité pour agir en justice (...) en vue notamment de la protection du titre d'architecte et du respect des droits conférés et des obligations imposées aux architectes par la présente loi. ; que le Conseil national de l'ordre des architectes n'établit pas que la suspension de l'exécution du permis de construire litigieux serait de nature à porter atteinte au titre d'architecte ou aux droits et obligations prévus par cette loi ; que, dès lors, son intervention n'est pas recevable ;

Sur la légalité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par arrêté du 23 février 2006, le préfet de l'Aube a accordé le permis de construire sollicité par le conseil général de l'Aube en vue de l'agrandissement des locaux de l'hôtel du département, lequel est situé dans le secteur sauvegardé du centre-ville de Troyes ; que l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande d'annulation de cet arrêté préfectoral et a, simultanément, demandé au juge des référés du même tribunal d'en prononcer la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que le DEPARTEMENT DE L'AUBE se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 17 mai 2006 par laquelle le juge des référés, faisant partiellement droit à la demande de l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département, a suspendu l'exécution de l'arrêté du préfet de l'Aube du 23 février 2006 ;

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré par le DEPARTEMENT DE L'AUBE de ce que l'ordonnance attaquée serait entachée d'un vice de forme, au motif que sa minute ne serait pas revêtue de la signature du magistrat et du greffier, manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'article 2 des statuts de l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département stipule que son objet est de s'opposer au projet d'extension du conseil général dans sa forme actuelle et de favoriser (...) un autre projet ; que l'article 5 des mêmes statuts habilite le président de l'association à représenter cette dernière en justice ; que, par suite, le DEPARTEMENT DE L'AUBE n'est pas fondé à soutenir que la demande de l'association était irrecevable, faute pour celle-ci de justifier d'un intérêt à agir et d'une habilitation régulière de son président ;

Considérant, en troisième lieu, que l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département a invoqué dans sa demande, et à plusieurs reprises, la méconnaissance par le projet en cause des dispositions du plan local d'urbanisme et du plan de sauvegarde et de mise en valeur ; que, dès lors, le DEPARTEMENT DE L'AUBE n'est pas fondé à soutenir que le juge des référés aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure, en retenant, comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, un moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et auquel les parties n'auraient pas été à même de répondre ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en jugeant que l'extension de l'hôtel du département autorisée par le permis de construire contesté présenterait un caractère difficilement réversible, le juge des référés, devant lequel aucun intérêt public n'était invoqué, s'est livré, sans commettre d'erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du même code : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation (...), le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision (...) lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que si, au terme d'une motivation détaillée, le juge des référés a jugé que le projet, du fait de sa configuration architecturale d'ensemble et des matériaux retenus, ne respectait pas les prescriptions de l'article UAA 11 du plan local d'urbanisme et de l'article USS 11 du plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur, il n'a pas excédé les pouvoirs que lui confèrent l'article L. 521-1 précité, en se bornant, par une ordonnance dépourvue de l'autorité de la chose jugée, à suspendre l'exécution de l'arrêté préfectoral ;

Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés et notamment de la notice de sécurité produite par le conseil général de l'Aube, que si la façade principale de l'extension de l'immeuble projeté donne sur la place de la libération, sa façade arrière rejoint la rue d'Arbois de Jubainville, où sont situés les bâtiments environnant la construction litigieuse ; qu'ainsi, c'est sans dénaturer les pièces du dossier que le juge des référés a pu se référer à la rue d'Arbois de Jubainville pour localiser divers plans de cette construction ;

Considérant, en septième lieu, qu'en relevant, après avoir analysé la compatibilité du projet en cause avec les dispositions d'urbanisme applicables, que ce projet s'inscrivait en rupture et en constraste excessif avec l'environnement bâti, de sorte que le moyen tiré par l'association requérante de la méconnaissance de l'article UAA 11 du plan local d'urbanisme ainsi que de l'article USS 11 du plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté, le juge des référés n'a pas entaché son appréciation souveraine des faits de dénaturation ni d'erreur de droit au regard de son office ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DE L'AUBE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département, qui n'est pas, dans présente instance, la partie perdante, le paiement de la somme que demande le DEPARTEMENT DE L'AUBE au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du DEPARTEMENT DE L'AUBE une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, cette association ne peut demander qu'une somme soit mise à la charge du Conseil national de l'ordre des architectes, qui n'a pas la qualité de partie dans la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention du Conseil national de l'ordre des architectes n'est pas admise.

Article 2 : La requête du DEPARTEMENT DE L'AUBE est rejetée.

Article 3 : Le DEPARTEMENT DE L'AUBE versera la somme de 3 000 euros à l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département tendant à ce que le Conseil national de l'ordre des architectes lui verse une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE L'AUBE, à l'association pour la redéfinition du projet d'extension de l'hôtel du département, au Conseil national de l'ordre des architectes et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 294098
Date de la décision : 19/01/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jan. 2007, n° 294098
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Marc El Nouchi
Rapporteur public ?: M. Olléon
Avocat(s) : RICARD ; SCP PARMENTIER, DIDIER ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:294098.20070119
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award