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25/01/2007 | FRANCE | N°300441

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 janvier 2007, 300441


Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SARL MEDI.L.D, dont le siège est 36, rue des Petits Champs à Paris (75002), représentée par son gérant en exercice ; la SARL MEDI.L.D demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision en date du 11 décembre 2006 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a, sur le fondement de l'article L.

5312-1 du code de la santé publique, suspendu la mise sur le marché par la ...

Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SARL MEDI.L.D, dont le siège est 36, rue des Petits Champs à Paris (75002), représentée par son gérant en exercice ; la SARL MEDI.L.D demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision en date du 11 décembre 2006 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a, sur le fondement de l'article L. 5312-1 du code de la santé publique, suspendu la mise sur le marché par la SARL MEDI.L.D, la distribution, l'exportation et l'utilisation du système de dépistage et de diagnostic fonctionnel assisté par ordinateur (DDFAO), jusqu'à mise en conformité du produit aux exigences essentielles de santé et de sécurité prévues à l'article R. 5211-14 du code de la santé publique ;

2°) d'enjoindre à l'AFSSAPS de retirer, le lendemain de l'ordonnance à intervenir, toute mention de la décision attaquée sur son site Internet et ses publications, et d'insérer en première page de son site Internet dans les deux jours à compter de l'ordonnance à intervenir, un encart faisant état de la suspension de la décision par le Conseil d'Etat, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'AFSSAPS à verser à la SARL MEDI.L.D la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

la SARL MEDI.L.D soutient que l'urgence est constituée ; que la décision du directeur général de l'AFSSAPS du 11 décembre 2006 a été publiée au Journal officiel de la République Française ainsi que sur le site Internet de l'AFSSAPS, par le biais duquel elle est très aisément accessible ; que de plus, la SARL MEDI.L.D a engagé de lourds investissements pour développer et commercialiser le système DDFAO, qui constitue son seul produit ; que, compte tenu de la taille réduite de l'entreprise et des charges financières qu'elle supporte, la décision du directeur général de l'AFSSAPS d'interdire la mise sur le marché, la distribution, l'exportation et l'utilisation du système DDFAO risque de mettre en péril l'existence de la société, du fait de ses conséquences financières, et de détruire les emplois créés par la société ; que par ailleurs, la circonstance que la SARL MEDI.L.D puisse introduire un recours de plein contentieux pour obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision attaquée n'est pas susceptible d'écarter l'urgence à suspendre cette dernière, dès lors que la société requérante risque d'avoir disparu avant la décision du juge du plein contentieux ; que dès lors, la décision attaquée porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts de la SARL MEDI.L.D ; qu'enfin, l'AFSSAPS n'établit aucune atteinte à un intérêt général au regard des critères de l'article R. 5312-1 du code de la santé publique, qui fonde la décision litigieuse ; qu'il y a donc urgence à suspendre la décision du 11 décembre 2006 ; qu'en outre, il existe plusieurs moyens de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse ; qu'ainsi, la décision attaquée viole les principes du contradictoire et des droits de la défense ; qu'en effet, l'AFSSAPS n'a ni formulé de remarques relatives aux observations que la société requérante a transmises à l'AFSSAPS à la suite du projet de décision du 30 août 2006, ni répondu aux questions de la SARL MEDI.L.D ; qu'elle a de plus modifié, dans sa décision finale, les griefs concernant la notice d'instruction en mentionnant la revendication et les mises en garde de la notice du DDFAO à la place de l'identification et de la destination du produit qui étaient évoqués dans le projet de décision ; que par ailleurs, la décision attaquée ne prend pas en compte les réponses et les nouveaux tests cliniques effectués par la société requérante concernant le respect de l'annexe X du livre V bis ancien du code de la santé publique ; qu'enfin, l'AFSSAPS a modifié ses griefs concernant le non respect de l'annexe X du livre V bis ancien du code de la santé publique, en formulant des remarques de fond sur les protocoles cliniques qui auraient du faire l'objet d'une demande complémentaire ; qu'en outre, la décision litigieuse est entachée d'erreur de droit, en ce que, au début de l'instruction, l'AFSSAPS a opposé à la société requérante un acte réglementaire du 20 avril 2006 qui n'était alors pas en vigueur ; qu'ensuite, l'AFSSAPS a commis une erreur de fait en affirmant que la SARL MEDI.L.D aurait méconnu les points 13 et 14 de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 20 avril 2006 ; que, s'agissant du point 13 de l'article 1er de l'arrêté précité, il résulte de la proposition de directive du parlement et du conseil modifiant les directives 90/385/CEE et 93/42/CEE du conseil, 98/8/CE du parlement et du conseil en rapport avec la révision des directives relatives aux dispositifs médicaux, que l'analyse fonctionnelle des risques entre dans le champ des dispositifs médicaux ; que par ailleurs, et contrairement aux affirmations de l'AFSSAPS, le contrôle de l'efficacité des traitements administrés ne constitue pas un diagnostic ; qu'enfin, l'AFSSAPS prétend à tort que la notice d'utilisation du système DDFAO ne précise pas les pathologies et types de traitements concernés, alors qu'en mentionnant les paramètres fonctionnels enregistrés par le produit, la notice donne des indications suffisantes sur les pathologies ou les traitements modifiant ces paramètres ; que, s'agissant enfin du point 14 de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 20 avril 2006, la société requérante a correctement recueilli la littérature scientifique pertinente actuellement disponible au sujet de l'utilisation du dispositif mis en oeuvre, et a mené des investigations cliniques conformes à un plan d'essai approprié correspondant au dernier état de la science et des techniques ; que l'ensemble de ces circonstances justifient la suspension de la décision attaquée ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête aux fins d'annulation présentée par la SARL MEDI.L.D à l'encontre de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2007, présenté par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que l'urgence n'est pas constituée ; que d'une part, la société requérante n'apporte aucun élément établissant concrètement que la décision attaquée a un impact immédiat sur ses relations commerciales avec ses clients, et conduirait nécessairement à sa fermeture et à sa liquidation ; que d'autre part, il suffirait à la SARL MEDI.L.D de mettre son produit en conformité avec la réglementation pour que la mesure de suspension litigieuse soit levée ; qu'enfin, la liberté du commerce et de l'industrie invoquée par la société requérante n'exonère pas du respect des exigences de santé publique ; que par ailleurs, la décision de suspension attaquée s'est fondée sur la non-conformité du système DDFAO aux dispositions législatives et réglementaires applicables ; que dès lors, le directeur général de l'AFSSAPS n'avait pas à justifier, au regard de l'article L. 5312-1 du code de la santé publique, d'un danger pour la santé publique ; qu'ensuite, il n'existe aucun doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; qu'à titre liminaire, il convient de préciser que le « marquage CE » invoqué par la société requérante, atteste seulement qu'un organisme agréé a contrôlé la conformité du système de qualité mis en place par le fabricant au regard de la documentation technique prévue à l'annexe VII du livre Vbis ancien du code de la santé publique ; qu'il n'atteste pas de la vérification de la conception du dispositif lui-même et le respect des exigences essentielles, et ne vaut pas autorisation administrative du produit concerné ; qu'en outre, l'AFSSAPS n'a pas violé les principes du contradictoire et des droits de la défense ; qu'en effet, la durée de la phase d'instruction, et le nombre des échanges entre l'AFSSAPS et la SARL MEDI.L.D établissent que les principes précités ont été respectés ; que l'absence de réponse de l'AFSSAPS aux questions soulevées dans le courrier de la société requérante du 12 septembre 2006 s'explique par le défaut de fondement de certaines questions et par l'existence de réponses déjà fournies par l'agence dans de précédents courriers ; que de plus, l'avis de la commission nationale de matériovigilance a été transmis à la société requérante par retour de correspondance le 19 octobre 2006, soit dans le délai légal imparti par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ; qu'enfin, contrairement aux affirmations de la SARL MEDI.L.D, l'AFSSAPS n'a pas modifié les motifs de la suspension entre le projet de décision et la décision définitive ; que, d'une part, le terme « destination du dispositif » figure à l'identique à la fois dans le projet et dans la décision, et d'autre part, la décision définitive n'a pas modifié ses griefs concernant la méthodologie suivie pour les études cliniques par rapport au projet de décision transmis le 30 août 2006 ; qu'ensuite, en visant dans sa décision de police sanitaire un courrier qui se fonde sur des dispositions qui ont ensuite été reprises dans un arrêté dont la date est postérieure à celle du courrier lui-même, le directeur général de l'AFSSAPS n'a pas entaché sa décision d'un vice de forme, dès lors que l'arrêté du 20 avril 2006 a remplacé l'annexe I du livre Vbis du code de la santé publique, cette abrogation faisant obstacle à la mention de cette dernière disposition dans tout document ou décision administrative ; qu'en vertu des mêmes considérations, la décision de suspension n'est pas entachée d'erreur de droit du fait de l'invocation de l'arrêté ministériel du 20 avril 2006 au lieu de l'annexe I du livre Vbis du code de la santé publique ; que du reste, si la dénomination des normes invoquées a changé, leur contenu reste identique ; que la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur de fait ; que, s'agissant de la non-conformité du système DDFAO au point 13 des exigences essentielles, l'AFSSAPS a considéré que les différentes données fournies par la SARL MEDI.L.D dans sa notice sur la destination du produit ne sont pas satisfaisantes ; qu'à cet égard, la définition de la destination du produit donnée par la société requérante au cours de l'instruction n'a cessé de varier au fil des différentes notices transmises ; que par ailleurs, contrairement aux affirmations de la société requérante, l'analyse des risques fonctionnels des patients n'entre pas dans l'objet des dispositifs médicaux, dès lors que le système DDFAO, contrairement à l'électrocardiogramme, dont l'exemple est cité à tort par la requérante, n'a fait l'objet d'aucune publication scientifique ; qu'enfin, la variation des informations fournies par la SARL MEDI.L.D sur les paramètres fonctionnels mesurés par le système DDFAO ne permet pas de considérer que la mention de ces paramètres dans la notice suffirait à renseigner sur les pathologies et les types de traitements concernés ; que, s'agissant de la non-conformité au point 14 des exigences essentielles, le recueil de la littérature scientifique que le fabricant doit fournir, n'est pas en adéquation avec l'ensemble des revendications du système DDFAO, et ne respecte pas le guide d'application MEDDEV 2.7.1 de la directive du conseil 93/42/CE du 14 juin 1993 ; qu'en outre, les éléments cliniques apportés par la société requérante ne sont pas conformes à la réglementation, notamment à la norme européenne harmonisée NF EN ISO 14155-1 et 2 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 janvier 2007, présenté par la SARL MEDI.L.D ; la requérante persiste dans ses moyens et conclusions ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 janvier 2007, présenté par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui maintient ses conclusions et moyens de défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SARL MEDI.L.D et, d'autre part, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 24 janvier 2007 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus, le représentant de la SARL MEDI.L.D et les représentants de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que les moyens invoqués par la société requérante et tirés de ce que la décision dont la suspension est demandée, a été prise en l'absence d'une procédure contradictoire et en violation des droits de la défense, de ce qu'elle est entachée d'une erreur de droit consistant à opposer un acte réglementaire non encore entré en vigueur, et d'une erreur de fait consistant à soutenir qu'elle n'aurait pas satisfait aux exigences des points 13 et 14 de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 20 avril 2006 fixant les conditions de mise en oeuvre des exigences essentielles applicables aux dispositifs médicaux pris en application de l'article R. 5211-24 du code de la santé publique, ne sont pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en cause ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de la SARL MEDI.L.D, y compris en ce qu'elle comporte des conclusions à fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SARL MEDI.L.D est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL MEDI.L.D et à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Copie en sera adressée, pour information, au ministre chargé de la santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 25 jan. 2007, n° 300441
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 25/01/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 300441
Numéro NOR : CETATEXT000018005335 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-01-25;300441 ?
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