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07/02/2007 | FRANCE | N°289162

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 07 février 2007, 289162


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 17 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 octobre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, infirmant le jugement en date du 22 octobre 2002 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. et Mme A tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des majorations affére

ntes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992 ...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 17 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 octobre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, infirmant le jugement en date du 22 octobre 2002 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. et Mme A tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des majorations afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992 et 1993, les a déchargé des impositions litigieuses ;

2°) statuant au fond, de rétablir M. et Mme A au rôle de l'impôt sur le revenu afférent à l'année 1992 à concurrence de la somme de 24 962 F en base, de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Versailles du 22 octobre 2002 et de rejeter le surplus des conclusions de la requête d 'appel de M. et Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des requêtes ;

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. Antonio A,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société civile immobilière (SCI) Laura a contracté le 19 septembre 1989 et le 15 janvier 1990 deux emprunts immobiliers auprès de la caisse régionale du Crédit agricole de l'Ile-de-France; que M. et Mme A, coassociés à part égale de cette société, ont chacun souscrit, afin de garantir ces emprunts, une police d'assurance décès invalidité auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance dans le cadre d'un contrat de groupe réservé aux emprunteurs du Crédit agricole ; qu'à la suite de l'invalidité de Mme A, cette société d'assurance a, d'une part, remboursé à la SCI les intérêts des emprunts déjà versés par celle-ci au Crédit agricole en 1991 et 1992, et d'autre part, versé directement à cette banque les échéances ultérieures pour la durée de l'invalidité constatée ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SCI, le service a réintégré dans les revenus fonciers de M. et Mme A, les sommes versées à la société en 1991 et 1992 par la société d'assurance ; que le ministre se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 octobre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, infirmant le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 22 octobre 2002, a déchargé M. et Mme A des suppléments d'impôt sur le revenu impliqués par ces redressements ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 29 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1991 : Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut ; que ces dispositions sont applicables aux subventions et indemnités à compter du 1er janvier 1991 ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, depuis le 1er janvier 1991, les indemnités versées par une compagnie d'assurances pour couvrir les charges déductibles du revenu foncier d'un contribuable ont, dans cette mesure, le caractère de recettes foncières de ce dernier ; qu'il en va ainsi notamment dans le cas d'une police d'assurance décès-invalidité contractée sur sa tête par l'associé d'une société de personnes pour couvrir les mensualités d'un emprunt conclu par celle-ci, quand bien même le prêteur n'aurait pas fait de ce contrat d'assurance une condition du prêt ; que par suite, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit en déniant tout caractère imposable aux indemnités susmentionnées, au seul motif que Mme A avait contracté cette police à titre facultatif, sans y être contrainte par le prêteur ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte du contrat souscrit au nom de Mme A que cette police d'assurance décès-invalidité avait pour objet de couvrir les mensualités des deux emprunts contractés par la SCI Laura dont elle était l'associée ; que les indemnités d'assurance versées en 1991 et 1992 à la société, à la suite de l'invalidité de Mme A, visaient, au moins pour partie, au remboursement des intérêts d'emprunts déjà acquittés par la SCI auprès du prêteur ; qu'ainsi, à supposer que la police contractée au nom de Mme A l'ait été à titre facultatif, le contrat souscrit au nom de M. A, associé-gérant de la société, revêtant seul un caractère obligatoire, conditionnant l'octroi des prêts à ladite société, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause la nature de recettes foncières desdites indemnités, dans la mesure où elles compensaient des charges déductibles, et non l'amortissement du capital emprunté ; qu'en contrepartie, les primes afférentes à ce contrat d'assurance sont déductibles des revenus fonciers des époux A, soit qu'elles aient été supportées par la SCI, soit qu'elles l'aient été directement par eux mêmes ;

Considérant que le Conseil d'Etat ne trouve pas au dossier les éléments permettant de déterminer le revenu imposable des époux A au titre des années 1992 et 1993, après imputation de leur déficit foncier de l'année 1991, compte tenu des principes de déductibilité ci-dessus arrêtés ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'inviter avant dire droit l'administration à fournir, contradictoirement avec les époux A, les éléments de ce calcul ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 20 octobre 2005 est annulé.

Article 2 : Avant dire droit, l'administration fiscale est invitée à fournir au Conseil d'Etat, contradictoirement avec M. et Mme A, les éléments permettant de déterminer le revenu imposable de ces contribuables pour les années 1992 et 1993, après imputation de leur déficit foncier pour 1991, en tenant compte, d'une part, de ce que les indemnités d'assurance versées ne sont imposables que dans la mesure où elles couvrent la charge d'intérêts, à l'exclusion de l'amortissement du capital, et, d'autre part, de la déductibilité des primes de la police d'assurance concernée.

Article 3: La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. et Mme Antonio A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. REVENUS FONCIERS. - REVENUS IMPOSABLES - EXISTENCE (ART. 29 DU CGI DANS SA RÉDACTION ISSUE DE LA LOI DU 13 JUILLET 1991) - INDEMNITÉ VERSÉE AU TITRE D'UNE POLICE D'ASSURANCE DÉCÈS-INVALIDITÉ CONTRACTÉE SUR SA TÊTE PAR L'ASSOCIÉ D'UNE SOCIÉTÉ DE PERSONNES POUR COUVRIR LES MENSUALITÉS D'UN EMPRUNT CONCLU PAR CELLE-CI - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE - CONTRAT D'ASSURANCE SOUSCRIT À TITRE FACULTATIF [RJ1].

19-04-02-02 Il résulte des dispositions de l'article 29 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n°91-662 du 13 juillet 1991, que, depuis le 1er janvier 1991, les indemnités versées par une compagnie d'assurances pour couvrir les charges déductibles du revenu foncier d'un contribuable ont, dans cette mesure, le caractère de recettes foncières de ce dernier. Il en va ainsi notamment dans le cas d'une police d'assurance décès-invalidité contractée sur sa tête par l'associé d'une société de personnes pour couvrir les mensualités d'un emprunt conclu par celle-ci, quand bien même le prêteur n'aurait pas fait de ce contrat d'assurance une condition du prêt.


Références :

[RJ1]

Comp., sous l'empire des dispositions antérieures à la loi du 13 juillet 1991, 30 mai 1988, Ministre du budget c/ Giroldi, n°79359, p. 224, RJF 7/88 n°863.


Publications
Proposition de citation: CE, 07 fév. 2007, n° 289162
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 07/02/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 289162
Numéro NOR : CETATEXT000018259422 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-02-07;289162 ?
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