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19/02/2007 | FRANCE | N°264862

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 19 février 2007, 264862


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 16 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 novembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement du 13 février 2002 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion a refusé d'annuler la décision du 27 septembre 2001 par laquelle le préfet de la Réunion a retiré

l'enregistrement de sa candidature aux élections du 1er octobre 2001 des...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 16 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 novembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement du 13 février 2002 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion a refusé d'annuler la décision du 27 septembre 2001 par laquelle le préfet de la Réunion a retiré l'enregistrement de sa candidature aux élections du 1er octobre 2001 des juges consulaires du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis-de-la-Réunion, et de condamner l'Etat à lui verser diverses indemnités en réparation des préjudices matériels et moraux subis, en second lieu, à l'annulation de la décision du 27 septembre 2001 du préfet de la Réunion ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 27 septembre 2001 du préfet de la Réunion et de condamner l'État au versement des indemnités demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 février 2007, présentée par M. LAW-WAÏ ;

Vu code de l'organisation judiciaire ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que selon l'article L. 413-11 du code de l'organisation judiciaire : « Les contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et aux opérations électorales organisées en vue de la désignation des membres des tribunaux de commerce sont de la compétence du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort » ; que l'article R. 413-5 du même code dispose notamment que : « Les candidatures aux fonctions de juge d'un tribunal de commerce sont déclarées au commissaire de la République. (...) Chaque candidat doit, à l'appui de sa candidature, déposer une déclaration écrite sur l'honneur qu'il remplit les conditions d'éligibilité fixées à l'article L. 413-4, qu'il n'est frappé d'aucune des incapacités, déchéances ou inéligibilités prévues aux articles L. 413-1 et L. 413-3, qu'il ne fait pas l'objet d'une mesure de suspension prise en application de l'article L. 414-4 et qu'il n'est pas candidat dans un autre tribunal de commerce. Le commissaire de la République enregistre les candidatures et en donne récépissé. Il refuse celles qui ne sont pas assorties de la déclaration exigée à l'alinéa précédent et en avise les intéressés (...) » ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la demande d'annulation de la décision du 27 septembre 2001 du préfet de la Réunion :

Considérant que les décisions administratives relatives à l'enregistrement, au refus ou au retrait d'enregistrement des déclarations de candidatures aux élections des juges des tribunaux de commerce constituent des décisions préliminaires aux opérations électorales et ne peuvent être contestées que devant le juge de l'élection ; que par suite la cour, en jugeant que la décision du 27 septembre 2001, par laquelle le préfet de la Réunion a retiré l'enregistrement de la candidature du requérant aux élections du 1er octobre 2001 des juges consulaires du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis-de-la-Réunion n'était pas détachable des opérations électorales, dont il n'appartenait pas au juge administratif de connaître, n'a pas commis d'erreur de droit ; que le moyen tiré par M. A de ce que la cour aurait dénaturé ses conclusions aux fins d'annulation n'est pas davantage fondé ; que ses conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la demande d'annulation de la décision du préfet de la Réunion doivent donc être rejetées ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la demande de réparation :

Considérant qu'il résulte des dispositions du code de l'organisation judiciaire citées plus haut que, si le préfet doit refuser d'enregistrer les candidatures aux élections des juges des tribunaux de commerce qui ne sont pas assorties de la déclaration sur l'honneur prévue par l'article R. 413-5, il ne peut, en revanche, légalement fonder un refus d'enregistrement sur la circonstance que le contenu de la déclaration sur l'honneur ne serait pas exact ; qu'après avoir enregistré la candidature litigieuse, il peut toutefois, s'il existe un doute sur l'exactitude de la déclaration sur l'honneur, saisir le tribunal d'instance, juge de l'élection, d'une demande en déclaration d'inéligibilité du candidat ; qu'il suit de là que la cour, en jugeant que le préfet tenait des dispositions de l'article R. 413-5 le pouvoir de refuser ou retirer l'enregistrement des candidatures lorsqu'il est établi que les énonciations formulées dans la déclaration sur l'honneur sont inexactes, a entaché d'erreur de droit l'arrêt attaqué dont le requérant est, par suite, fondé à demander l'annulation en tant qu'il statue sur sa demande de réparation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur ce point, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'en retirant l'enregistrement de la candidature du requérant aux élections des juges du tribunal mixte de commerce au lieu de saisir le tribunal d'instance, juge de l'élection, d'une demande en déclaration d'inéligibilité, le préfet a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'État ; que, toutefois, le requérant qui, à la date de l'élection, se trouvait frappé de la peine d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, prévue à l'article 131-26 du Code pénal, prononcée pour une durée de deux ans par un jugement du 8 juin 2001 du tribunal correctionnel de Saint-Denis-de-la-Réunion assorti sur ce point de l'exécution provisoire, ne saurait prétendre que le retrait de l'enregistrement de sa candidature, quelle que soit d'ailleurs la date à laquelle celui-ci lui a été notifié, l'a privé d'une chance sérieuse d'être réélu au tribunal mixte de commerce, ni que ce retrait lui a occasionné un préjudice moral du fait de la publicité qui lui aurait été donnée par la presse ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion a rejeté ses conclusions aux fins d'indemnisation ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusionsA tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1 : L'arrêt du 12 novembre 2003 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur la demande de réparation.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. A devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, ainsi que le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'État, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard A, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'outre-mer.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - PROBLÈMES PARTICULIERS POSÉS PAR CERTAINES CATÉGORIES DE SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC JUDICIAIRE - FONCTIONNEMENT - ELECTIONS AUX TRIBUNAUX DE COMMERCE - DÉCISIONS ADMINISTRATIVES RELATIVES À L'ENREGISTREMENT - AU REFUS OU AU RETRAIT D'ENREGISTREMENT DES DÉCLARATIONS DE CANDIDATURES - A) ACTES NON DÉTACHABLES DE L'ÉLECTION - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - JUGE DE L'ÉLECTION - B) ACTION EN RESPONSABILITÉ TENDANT À RÉPARER LE PRÉJUDICE CAUSÉ PAR UN REFUS ILLÉGAL D'ENREGISTREMENT DE CANDIDATURE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF (SOL - IMPL - ).

17-03-02-07-05-02 a) Les décisions administratives relatives à l'enregistrement, au refus ou au retrait d'enregistrement des déclarations de candidatures aux élections des juges des tribunaux de commerce constituent des décisions préliminaires aux opérations électorales et ne peuvent être contestées que devant le juge de l'élection, qui est le juge judiciaire.,,b) Le juge administratif est en revanche compétent pour connaître de l'action en responsabilité tendant à obtenir réparation du préjudice né d'un refus d'enregistrement illégalement opposé par le préfet.

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - ÉLECTIONS DIVERSES - ELECTIONS AUX TRIBUNAUX DE COMMERCE - DÉCISIONS ADMINISTRATIVES RELATIVES À L'ENREGISTREMENT - AU REFUS OU AU RETRAIT D'ENREGISTREMENT DES DÉCLARATIONS DE CANDIDATURES - A) ACTE NON DÉTACHABLES DE L'ÉLECTION - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - JUGE DE L'ÉLECTION - B) ACTION EN RESPONSABILITÉ TENDANT À RÉPARER LE PRÉJUDICE CAUSÉ PAR UN REFUS ILLÉGAL D'ENREGISTREMENT DE CANDIDATURE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF (SOL - IMPL - ).

28-07 a) Les décisions administratives relatives à l'enregistrement, au refus ou au retrait d'enregistrement des déclarations de candidatures aux élections des juges des tribunaux de commerce constituent des décisions préliminaires aux opérations électorales et ne peuvent être contestées que devant le juge de l'élection, qui est le juge judiciaire.,,b) Le juge administratif est en revanche compétent pour connaître de l'action en responsabilité tendant à obtenir réparation du préjudice né d'un refus d'enregistrement illégalement opposé par le préfet.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 fév. 2007, n° 264862
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 19/02/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 264862
Numéro NOR : CETATEXT000020405775 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-02-19;264862 ?
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