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02/03/2007 | FRANCE | N°289624

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 02 mars 2007, 289624


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 13 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 janvier 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution, d'une part, de la décision du 25 août 2005 par laquelle la directrice de l'Agence pour l'ensei

gnement français à l'étranger l'a suspendu de ses fonctions pour une d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 13 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 janvier 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution, d'une part, de la décision du 25 août 2005 par laquelle la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois et, d'autre part, de la décision du 16 décembre 2005 le remettant à la disposition de son administration d'origine ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 22 avril 1905 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sibyle Veil, Auditeur,

- les observations de Me Hemery, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, professeur titulaire d'éducation physique et sportive, a été placé en position de détachement auprès de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger pour servir dans un établissement scolaire à Fribourg dans le cadre d'un contrat d'engagement et d'un contrat de résident signés respectivement les 7 et 16 juillet 2004 ; que, par une lettre du 25 août 2005, le directeur de l'agence a informé M. A de la suspension de ses fonctions pour une durée de 4 mois à compter du 1er septembre 2005 ; que par une décision du 16 décembre 2005 M. A a été remis à la disposition de son administration d'origine à compter du 1er janvier 2006 ; que M. A se pourvoit contre l'ordonnance du 12 janvier 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution des deux décisions susmentionnées ;

Considérant qu'un requérant n'est recevable à demander au juge des référés d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension d'une décision à l'encontre de laquelle il a formé par ailleurs un recours en annulation que pour autant que la mesure dont il sollicite le prononcé a un objet ; que la disparition de cet objet postérieurement à l'introduction de la requête conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge des référés d'y statuer ; qu'il en va ainsi si et dans la mesure où la décision dont la suspension est réclamée a produit l'intégralité de ses effets ;

Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance du 12 janvier 2006 en tant qu'elle rejette la demande de suspension de l'exécution de la décision du 25 août 2005 de suspendre M. A de ses fonctions :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. ; qu'aux termes de l'article 16 du décret du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger : L'agent peut, dans les conditions prévues par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, être suspendu par le directeur de l'agence. L'agent suspendu conserve son traitement, l'indemnité prévue (expatriation ou spécifique), les majorations ou avantages familiaux. Sa situation doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par le directeur de l'agence, l'intéressé, sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. L'agent qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, est remis à disposition de son administration d'origine ;

Considérant que la suspension d'un fonctionnaire est une mesure conservatoire, sans caractère disciplinaire, qui a pour objet d'écarter l'intéressé du service pendant la durée nécessaire à l'administration pour tirer les conséquences de ce dont il est fait grief à l'agent ; qu'ainsi la décision du directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger de suspendre M. A de ses fonctions pour une durée de quatre mois avait épuisé ses effets lorsque l'intéressé à été remis à la disposition de son administration d'origine, à compter du 1er janvier 2006 ; que, par suite, eu égard à la nature de la procédure de référé, les conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif de Nantes le 9 janvier 2006 tendant à la suspension de l'exécution de cette décision n'étaient pas recevables ; que, faute pour le juge des référés d'avoir, d'office, rejeté les conclusions de M. A dirigées contre la décision de le suspendre pour ce motif, qui ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, l'ordonnance attaquée doit être annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions dirigées à l'encontre de la décision du 25 août 2005 ;

Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance du 12 janvier 2006 en tant qu'elle rejette la demande de suspension de la décision du 16 décembre 2005 de remettre M. A à la disposition de son administration d'origine :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête;

Considérant qu'aux termes des dispositions sus-rappelées de l'article 16 du décret du 4 janvier 2002 le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dispose d'un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d'un agent placé en position de détachement auprès de l'agence pour servir dans un établissement scolaire à l'étranger qui a fait l'objet d'une mesure de suspension ; qu'à l'issue de ce délai, ou bien l'agent a été rétabli dans ses fonctions, quel qu'ait pu être le motif de sa suspension, ou bien il n'a fait l'objet d'aucune décision du directeur de l'Agence et, dans cette hypothèse, il est obligatoirement rétabli dans ses fonctions, sauf lorsqu'il fait l'objet de poursuites pénales ; qu'il en résulte qu'il appartient à cette autorité d'apprécier si l'agent suspendu peut ou non être rétabli ;

Considérant qu'en jugeant qu'eu égard aux poursuites pénales exercées à l'encontre de M. A, le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger avait compétence liée pour décider, dans un délai de quatre mois, de ne pas le rétablir dans ses fonctions et de le remettre, par conséquent, à la disposition de son administration d'origine, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que M. A est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation en tant qu'elle rejette sa demande de suspension de la décision du 16 décembre 2005 de le remettre à la disposition de son administration d'origine ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. A devant le tribunal administratif de Nantes ;

Sur la demande de M. A tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 25 août 2005 de le suspendre de ses fonctions :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision du 25 août 2005 par laquelle M. A a été suspendu de ses fonctions pour une durée de 4 mois a épuisé ses effets avant même la saisine du juge des référés ; que, dès lors, eu égard à la nature de la procédure de référé, la demande de suspension de l'exécution de cette décision présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes n'est pas recevable ;

Sur la demande de M. A tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 16 décembre 2005 de le remettre à la disposition de son administration d'origine :

Considérant que la décision du 16 décembre 2005 de remettre M. A à la disposition de son administration d'origine fait obstacle à la poursuite de l'exécution de son contrat d'engagement conclu avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger pour une durée de trois ans courant en l'espèce jusqu'au 31 août 2007 ainsi qu'à celle de son contrat de résident, dont la validité est subordonnée à la condition que l'intéressé soit placé en position de détachement ; que, par suite, l'arrêté du 6 janvier 2006 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé la réintégration de M. A dans le corps des professeurs d'éducation physique et sportive à compter du 1er janvier 2006, et dont l'intéressé a demandé l'annulation au tribunal administratif de Strasbourg, se borne à tirer les conséquences de la décision de remettre M. A à la disposition de son administration d'origine, sans en épuiser les effets ; que dès lors la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche doit être rejetée ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant, d'une part, que l'exécution de la décision du 16 décembre 2005 de remettre M. A à la disposition de son administration d'origine à compter du 1er janvier 2006 fait obstacle à ce qu'il puisse continuer à résider en Allemagne en vertu de son contrat de résident dès lors que l'article 7 de ce contrat prévoit qu'il ne peut produire d'effet que pendant la période pendant laquelle l'intéressé est placé en position de détachement pour servir dans les conditions prévues par son contrat d'engagement ; que la rupture du contrat a pour effet de priver M. A de son travail en Allemagne, donc du titre l'autorisant à résider dans ce pays ; que, cette décision porte, dès lors, une atteinte grave et immédiate à sa situation ; que, par suite, la condition d'urgence énoncée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 17 du décret du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger : Il peut être mis fin de manière anticipée au contrat d'un personnel résident ou expatrié sur décision du directeur de l'agence après consultation des commissions consultatives paritaires compétentes de l'agence. ; que, par suite, le moyen tiré par M. A de ce que faute pour la commission consultative paritaire centrale d'avoir rendu un avis sur la mesure de remise de l'intéressé à la disposition de son administration d'origine, la décision du 16 décembre 2005 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les deux conditions auxquelles l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension d'une décision administrative sont réunies ; qu'il y a lieu, dès lors, de prononcer la suspension de la décision du 16 décembre 2005 jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué sur sa légalité ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Nantes en date du 12 janvier 2006 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 16 décembre 2005 de remettre M. A à la disposition de son administration d'origine est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa légalité.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Claude A, au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre de la fonction publique et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 289624
Date de la décision : 02/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mar. 2007, n° 289624
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Sibyle Veil
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : HEMERY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:289624.20070302
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